Covid-19 en Inde : Les cas de « champignon noir » en augmentation

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La mucormycose, une infection fongique sévère, menace les diabétiques

Ce « champignon noir » qui affecte les sinus, le cerveau et les poumons, peut mettre en danger la vie des diabétiques, des cancéreux ou des personnes atteintes du VIH/sida.

À la suite de la deuxième vague de COVID-19 en Inde, certains hôpitaux indiens signalent une augmentation des cas de mucormycose, ou « champignon noir » — une infection fongique rare mais grave. L’hôpital Sion de Mumbai, très fréquenté, a signalé 24 cas d’infection fongique au cours des deux derniers mois, contre six l’année précédente. Dans la ville de Bengaluru, au sud du pays, le Dr Raghuraj Hegde, chirurgien ophtalmologue, fait part de 19 cas de mucormycose au cours des deux dernières semaines

Interrogé par la BBC à Mumbai, le chirurgien oculo-plastique Dr Akshay Nair – qui travaille dans trois hôpitaux de Mumbai, l’une des villes les plus touchées par la deuxième vague – affirme avoir déjà vu une quarantaine de patients souffrant de l’infection fongique en avril. Beaucoup d’entre eux étaient des diabétiques qui s’étaient remis du Covid-19 à la maison. Onze d’entre eux ont dû subir une ablation chirurgicale d’un œil.

Quarante cas, c’est une augmentation énorme par rapport à la moyenne : le Dr. Nair affirme avoir vu seulement 10 cas de mucormycose durant les deux années précédentes. La Dr. Renuka Bradoo, responsable du service d’oto-rhino-laryngologie de l’hôpital Sion de Mumbai, révèle que cet établissement très fréquenté a signalé 24 cas d’infection fongique au cours des deux derniers mois, contre six l’année précédente. Onze d’entre eux ont dû perdre un œil, et six sont morts. Là encore, la plupart de ces patients sont des diabétiques d’âge moyen qui ont été frappés par le champignon deux semaines après s’être remis du Covid-19. « Nous voyons déjà deux à trois cas par semaine ici. C’est un cauchemar », dit-elle.

Les autorités indiennes minimisent le problème

Les médecins se disent surpris par la gravité et la fréquence de cette infection fongique lors de la deuxième vague, par rapport à certains cas lors de la première vague l’année dernière. À Bengaluru, le Dr Raghuraj Hegde n’avait jamais vu plus d’un ou deux cas par an en plus de dix ans de pratique. « Certains étaient tellement malades que nous ne pouvions même pas les opérer ». Entre décembre et février, six de ses collègues dans cinq villes – Mumbai, Bangalore, Hyderabad, Delhi et Pune – ont signalé 58 cas d’infection. La plupart des patients l’ont contractée entre 12 et 15 jours après leur rétablissement de Covid-19.

Dans l’enquête de la BBC, un haut fonctionnaire du gouvernement affirme qu’il n’y a « pas de grande épidémie ». La BBC cite cependant un avis d’expert indiquant que les chiffres semblaient être plus élevés en Inde et qu’il attribue au fait que le pays a un taux très élevé de prévalence du diabète. L’agence Reuters aussi indique que les autorités indiennes affirme qu’il n’y a pas d’épidémie majeure. Le type d’attitude des officiels du gouvernement auquel nombre de nos lecteurs sont aguerris…

« Il est difficile de dire pourquoi un nombre croissant de cas de mucormycose est signalé dans tout le pays », commentait le correspondant de la BBC. Au-delà du sarcasme, il y a l’explication très factuelle du Dr. Hedge qui interpelle : « La souche du virus semble virulente, faisant grimper les taux de glycémie à des niveaux très élevés. Et curieusement, l’infection fongique touche beaucoup de jeunes gens ».

Le mucormycose s’ajoute au drame des hôpitaux déjà en pénurie d’oxygène. Les diabétiques sont plus vulnérables à l’infection fongique qui réduit les chances de survie de moitié.

Il n’y a pas de données sur le nombre de cas de mucormycose à travers le monde. Il s’agit d’une infection très rare qui est causée par une exposition à la moisissure mucor que l’on trouve couramment dans le sol, les plantes, le fumier et les fruits et légumes en décomposition. « Elle est omniprésente et se trouve dans le sol, dans l’air et même dans le nez et le mucus des personnes en bonne santé », expliquait le Dr Nair dans son entretien à la BBC.

Les patients souffrant de cette infection fongique présentent généralement les symptômes suivants : nez bouché et saignant, gonflement et douleur de l’œil, paupières tombantes, vision floue et, finalement, perte de la vue. Il peut y avoir des taches noires sur la peau autour du nez. Ce « champignon noir » affecte, en effet, les sinus, le cerveau et les poumons et peut mettre en danger la vie des diabétiques ou des personnes gravement immunodéprimées, comme les cancéreux ou les personnes atteintes du VIH/sida.

Stéroïdes et glycémie : la vulnérabilité des diabétiques

Les médecins pensent que la mucormycose, dont le taux global de mortalité est de 50 %, pourrait être déclenchée par l’utilisation de stéroïdes, un traitement salvateur pour les patients souffrant des formes très sévères de la Covid-19. Les stéroïdes réduisent l’inflammation dans les poumons des patients atteints du Covid-19 et semblent contribuer à stopper certains des dommages qui peuvent survenir lorsque le système immunitaire de l’organisme s’emballe pour combattre le coronavirus. Cependant, les stéroïdes réduisent également l’immunité et augmentent le taux de sucre dans le sang chez les diabétiques et les non-diabétiques atteints de Covid-19. On pense que cette baisse de l’immunité pourrait déclencher ces cas de mucormycose.

« Le diabète diminue les défenses immunitaires de l’organisme, le coronavirus l’exacerbe, puis les stéroïdes qui aident à combattre le Covid-19 agissent comme de l’huile sur le feu », explique le Dr Nair. Les médecins interrogés expliquent que la plupart de leurs patients arrivent tard, alors qu’ils perdent déjà la vue, et les médecins doivent retirer l’œil par voie chirurgicale pour empêcher l’infection d’atteindre le cerveau. Dans certains cas, expliquent les médecins indiens, les patients ont perdu les deux yeux. Et dans quelques rares cas, les médecins ont dû procéder à une ablation chirurgicale de l’os de la mâchoire afin d’empêcher la propagation de la maladie.

Selon le Dr. Rahul Baxi, diabétologue à Mumbai, l’un des moyens d’éviter l’apparition de l’infection fongique consiste à s’assurer que les patients atteints du Covid-19, tant pendant le traitement qu’après la guérison, reçoivent la bonne dose de stéroïdes sur une durée adéquate. Ainsi, il dit avoir traité quelque 800 patients diabétiques atteints du Covid-19 l’année dernière, et aucun d’entre eux n’a contracté l’infection fongique. « Les médecins devraient surveiller les taux de sucre après la sortie des patients », selon le Dr. Baxi.

Le Dr. Hedge fait cependant ressortir que le mois dernier, son plus jeune patient était un homme de 27 ans, qui n’était même pas diabétique. « Nous avons dû l’opérer au cours de sa deuxième semaine de Covid-19 et lui retirer l’œil. C’est assez dévastateur ».

Il existe un seul médicament efficace contre la maladie. Il s’agit d’une injection intraveineuse antifongique qui doit être administrée tous les jours pendant huit semaines. A 3 500 roupies indiennes la dose, le traitement avoisine les Rs. 100 000 mauriciennes sans compter les frais liés à l’importation et les frais d’hospitalisation.


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