Covid-19 et Néphrologie : Vulnérabilité accrue pour les patients rénaux

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La vulnérabilité accrue des patients souffrant de complications rénales oblige à plus de rigueur des autorités sanitaires, des parlementaires et des journalistes d’actualité

A Maurice, c’est l’hébétude face à la fatalité qui s’est abattue sur cette communauté de 37 patients infectées dans les centres d’hémodialyse, dont six sont décédés durant ces onze derniers jours. La gravité des infections Covid-19 sur les patients rénaux et ceux qui ont subi des greffes de rein est trois à quatre fois plus élevé que chez les personnes ne souffrant d’aucune insuffisance rénale, selon le Dr. Sudarshan Ballal un vétéran de la néphrologie en Inde et président du groupe Manipal Hospitals. Au plan mondial, cette vulnérabilité est devenue bien apparente dès mai 2020 entrainant l’élaboration de protocoles particulières pour parer notamment aux risques de transmission nosocomiale du coronavirus en hémodialyse.

En fait, dès le début du mois de mars 2020, les premiers rapports venant de la région de Wuhan (en Chine, lieu de la première propagation du SRAS-Cov2) et des informations provenant de plusieurs pays européens, (non encore publiées alors dans un journal scientifique mais qui étaient fiables néanmoins), évoquaient la propagation épidémique du coronavirus dans des unités d’hémodialyse. Conscients que le nombre de patients infectés, quoi qu’encore très réduit, était en croissance exponentielle, de nombreux Etats ont alors pris des mesures drastiques visant à réduire le risque de transmission du coronavirus à l’intérieur des unités d’hémodialyse.

Les mesures sont ensuite très vite déclinées au sein des établissements. Ainsi, parmi les nombreux rapports sur la mise en œuvre des mesures, nous prenons l’exemple de la Revue de la Faculté de Médecine de l’Université catholique de Louvain qui rend compte très simplement des mesures élaborées pour endiguer le problème : « Nous avons dès ce moment fermement conseillé aux patients de venir seuls (et non pas dans un transport groupé) aux séances d’hémodialyse (qui ont lieu 3 x par semaine, rappelons-le). Dès l’entrée du couloir de l’unité d’hémodialyse, une infirmière chevronnée interroge tous les patients sur d’éventuels symptômes évocateurs de COVID-19 (toux, fièvre, mal de gorge, rhinite, diarrhée, etc. …). Si ce screening est suspect, un médecin est appelé, un frottis nasopharyngé est réalisé sous protection adéquate et le patient est dialysé en isolement en attendant le résultat ».

Cette approche s’est-elle révélée efficace ? « Cette stratégie nous a permis d’isoler rapidement 8 patients venus du domicile porteurs du coronavirus ». La réponse de cette faculté de médecine est sans équivoque. Il est évident qu’il y a des procédures qui ont été élaborées, depuis de nombreux mois déjà et presque partout dans le monde, pour l’accueil approprié des patients sous dialyse en milieu hospitalier. Le cas mauricien où les patients dialysés ont été massivement infectés pratiquement au même moment soulève ainsi la question de l’existence ou non d’une procédure pour les centres de dialyse mauriciens.

Et c’est là que le témoignage des patients dialysés Mauriciens est crucial, car il devrait permettre d’établir l’existence ou non d’une procédure de screening, si l’hémodialyse se déroulait en salle commune ou en isolement, ou encore s’ils ont voyagé en groupe pour les séances de dialyse. Les premiers témoignages qui commencent à remonter des proches des patients dialysés placés en quarantaine indiquent que certains ne se déplaçaient pas seuls pour les séances de dialyse.

Il convient, toutefois, de ne pas spéculer à ce stade et de faire comprendre que de nombreuses responsabilités sont engagés dans cette affaire. Car il n’est pas possible qu’autant de personnes aient pu être infectées d’un coup dans un même cadre hospitalier sans qu’il n’y ait d’enquête pour établir s’il s’agit ou non de transmission nosocomiale du coronavirus en hémodialyse. Il est ahurissant qu’à ce jour le ministre de la Santé n’ait donné aucune indication s’il a diligenté une enquête au niveau de son ministère. Dans cette éventualité, quels en seraient les paramètres, les garanties d’indépendance des enquêteurs ainsi que la transparence en ce qu’il s’agit des résultats ?

La parole du ministre, quelle fiabilité?

En fait, on s’aperçoit que dès qu’il s’agit de procédures et de pratiques normées, les parlementaires, et de même les journalistes des groupes de presse ne s’y aventurent pas. D’ailleurs, Indocile a plus d’une fois fait ressortir que déjà l’année dernière, au moment où Kailesh Jagutpal affirmait que le ministère de la Santé était prêt à faire face au Coronavirus, Arvind Boolell, le Leader de l’Opposition d’alors, ne lui demandait pas de soumettre au moins le manuel attestant des protocoles établis ainsi que la formation dispensée au personnel hospitalier[1]. Or, même si les événements ont bien démontré l’état d’impréparation des autorités sanitaires, sans un tel manuel, l’Opposition n’est pas en mesure d’établir que le ministre de la Santé ait pu induire la Chambre en erreur !

La responsabilité des parlementaires est effectivement bien engagée. Car, durant toute l’année écoulée, aucun parlementaire de l’Opposition ou quelque backbencher n’a réclamé la preuve de cette prétendue préparation. Mais, à bien voir, il s’agit là d’un élément essentiel pour le ministre lui-même, car il attesterait de la fiabilité ou non de sa parole alors qu’il s’adresse, pratiquement chaque soir, à la multitude de Mauriciens qui assistent au show lugubre du Coronavirus.

En attendant, pour la question de la vaccination qui taraude nombre de personnes souffrant de complications rénales, le Dr. Sudarshan Ballal, ce médecin connu de quelques Mauriciens qui ont subi des greffes en Inde dans le passé, estime que les vaccins Covishield et Covaxin sont sans danger pour les patients qui sont sous dialyse régulière et ceux qui ont subi une greffe de rein. Il exhorte les patients souffrant de problèmes rénaux à prendre la plus grande précaution et à bien se protéger.

Cependant, tant que les parlementaires – et de même les journalistes d’actualité – n’insistent pas pour des audits indépendants des procédures en place, ainsi que des enquêtes sur les infections massives en milieu hospitalier, aucun malade ne sera effectivement protégé. Y en aura-t-il pour sortir des malades de l’absurdité de devoir douter des services de santé ?


[1] Indocile écrivait il y a 11 mois : « pour oser une telle affirmation, le ministre Jagutpal aurait dû « tabler2 » au moins : (1) un manuel opérationnel, (2) le calendrier de formation suivi par le personnel hospitalier ainsi que les exercices menés au préalable , et (3) le protocole préalablement établi pour les autres services publics et privés de première ligne pour la compréhension et la maîtrise des actes de protection3. C’est seulement dans ces conditions que les propos du ministre auraient été irréfutables. Sans des éléments concrets comme ceux-ci, l’affirmation de Kailesh Jagutpal n’étaient que des propos oiseux qui, à l’épreuve des événements de ces deux derniers mois, s’avèrent sinon trompeurs, certainement inexacts et bien éloignés de la vérité ». C’était avant même que les propagandistes du gouvernement n’avancent leurs slogans « Covid-Free » et « Covid-Safe » et que le Premier ministre prétende que son gouvernement « a bien géré » la pandémie du Covid-19.


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