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Le célèbre historien et professeur israélien Ilan Pappe – un critique acharné du sionisme – a été détenu et interrogé, lundi le 13 mai,cette semaine par des agents du Federal Bureau of Investigation [FBI] alors qu’il entrait aux États-Unis à l’aéroport de Détroit. Ce n’est pas la première fois qu’il se rend aux États-Unis mais, les questions du FBI à son arrivée sur le territoire américain témoignent d’une véritable « chasse aux sorcières », comme il l’a précisé sur Facebook.
L’interrogatoire d’Ilan Pappe par des agents du FBI à l’aéroport métropolitain Wayne County de Detroit aura duré deux heures. « Les deux hommes qui m’ont interrogé n’ont pas été agressifs ou impolis, mais leurs questions étaient vraiment surprenantes ! Suis-je un partisan du Hamas ? Est-ce que je considère les actions israéliennes à Gaza comme un génocide ? Quelle est la solution au ‘conflit’ (sérieusement, c’est ce qu’ils ont demandé !)? Qui sont mes amis arabes et musulmans en Amérique… Quel genre de relation ai-je avec eux ? » « Ils ont eu une longue conversation téléphonique avec quelqu’un, les Israéliens ? Et après avoir copié l’intégralité de mon téléphone, ils m’ont autorisé à être admis aux États-Unis », a-t-il expliqué.
Ilan Pappe, est un historien israélien qui en 1988, avec l’ouverture des archives, a confirmé ce que disaient les historiens palestiniens, à savoir que le peuple palestinien avait été victime d’un nettoyage ethnique soigneusement organisé en 1948. Le massacre de Tantura dans la nuit du 22 au 23 mai 1948 en est un exemple. Ne pouvant plus enseigner en Israël, à la suite de controverses sur ses travaux et ses positions politiques, il s’est exilé en Grande-Bretagne en 2007 et y enseigne depuis cette époque.
Intimidations et harcèlement à travers l’Occident
Le traitement réservé à M. Pappe a suscité l’indignation des défenseurs de la Palestine. Dans un communiqué émis le 17 mai 2024, la Coordination nationale de l’Union Juive Française pour la Paix (UJFP), une association qui œuvre pour le droit à l’autodétermination pour le peuple palestinien, a exprimé son soutien à Ilan Pappe dans son travail d’historien et dans son engagement pour la justice et l’égalité.
« La détention et l’interrogatoire de l’historien anti-sioniste israélien de renommée internationale Ilan Pappe à l’aéroport de Detroit par le FBI est le dernier épisode d’une longue liste de tentatives d’intimidation et de harcèlement à travers l’Occident pour défendre l’indéfendable – le génocide israélien des Palestiniens », a déclaré le professeur d’histoire de l’Université de Californie à Berkeley, Ussama Makdisi, sur les réseaux sociaux, ce mercredi.
Réagissant aux mesures de contrôle prises à l’encontre de l’auteur, Jamil Dakwar, avocat spécialiste des droits de l’homme à l’ACLU et professeur à l’université de New York, a déclaré : « On est en droit de se demander si cet accueil VIP ne serait pas lié à son militantisme contre le génocide et à son nouveau livre ». Arnaud Bertrand, consultant en géopolitique et homme d’affaires, a déclaré : « Nous avons atteint un tout nouveau niveau de folie et de paranoïa ».
La tête de liste de « Démocratie en Europe », Yanis Varoufakis a aussi réagi en rappelant l’arrestation à Berlin d’Iris Hefetz, il y a six mois. Cette psychanalyste et activiste en Allemagne de Jewish Voice for Peace in the Middle East fut arrêtée pour avoir tenu une pancarte avec la mention : « As a Jew and an Israeli: Stop the genocide in Gaza ». L’ancien ministre grec des Finances et fondateur du Front de désobéissance réaliste européen qui est aussi un universitaire qui a enseigné l’économie à l’Université d’Essex en Angleterre a posté sur X qu’il s’agissait là de « Dark Times ! ».
« Je sais que beaucoup d’entre vous ont connu un sort bien pire », a écrit M. Pappe, faisant allusion au Dr Ghassan Abu-Sittah, chirurgien plasticien britannico-palestinien et recteur de l’université de Glasgow, en Écosse, qui s’est vu refuser le mois dernier l’entrée en Allemagne – et par extension dans les 29 pays de l’espace Schengen – avant que l’interdiction ne soit levée en début de semaine. « La bonne nouvelle, c’est que de telles mesures prises par les États-Unis ou les pays européens sous la pression du lobby pro-israélien ou d’Israël lui-même sentent la panique pure et le désespoir en réaction au fait qu’Israël est sur le point de devenir un État paria, avec toutes les implications qu’un tel statut entraîne », a ajouté M. Pappe.
Pappe, 69 ans, est spécialiste de l’histoire palestinienne à l’université d’Exeter, en Angleterre. Il a publié plus de 20 ouvrages, dont The Ethnic Cleansing of Palestine, qui retrace la Nakba, le processus d’expulsion de plus de 750 000 Arabes de Palestine par les militants sionistes, qui ont parfois massacré des Palestiniens pour semer la terreur parmi eux, lors de la création de l’État moderne d’Israël à la fin des années 1940.
Israël, Etat paria
L’un des livres du Pr Pappe, « Le nettoyage ethnique de la Palestine » a fait l’objet en France d’une forme de censure, les Éditions Fayard ayant retiré ce livre de leur catalogue après le 7 octobre 2023. Le dernier ouvrage de M. Pappe, Lobbying for Zionism on Both Sides of the Atlantic, explique en détail « comment les groupes de pression pro-israéliens influencent les politiques de la Grande-Bretagne, des États-Unis et d’autres pays concernant le Moyen-Orient ».
Pappe a également été l’un des principaux critiques israéliens de l’assaut israélien en cours sur Gaza, qui, selon les autorités palestiniennes, a tué, mutilé ou fait disparaître plus de 125 000 personnes depuis les attaques du 7 octobre. Lors d’une interview accordée récemment à Al Jazeera à l’occasion du 76e anniversaire de la Nakba, M. Pappe a affirmé que l’assaut actuel d’Israël est, à bien des égards, « encore plus grave » que le nettoyage ethnique de 1948-1949.
« Ce que nous voyons aujourd’hui, ce sont des massacres qui font partie de la pulsion génocidaire, à savoir tuer des gens pour réduire le nombre de personnes vivant dans la bande de Gaza », a-t-il déclaré. « Le nettoyage ethnique est un crime terrible contre l’humanité, mais le génocide est bien pire encore ».
Ilan Pappe conclut son message : « La bonne nouvelle, c’est que les actions de ce type, menées par les États-Unis ou les pays européens sous la pression du lobby pro-israélien ou d’Israël lui-même sentent la panique pure et le désespoir en réaction au fait qu’Israël deviendra très bientôt un État paria, avec toutes les implications d’un tel statut ».
