Jules Koënig: celui qui désirait l’indépendance sans les compromissions avec la Grande-Bretagne

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Jules Koënig et son chien, Bhai Jujules
Tableau de Jean-François Koënig – acrylique sur board – 48.5×40.5 cm (19″×16″)

Indocile publie cet hommage à Jules Koënig, fondateur du Parti Mauricien Social Démocrate, pour rétablir les faits concernant son attachement à la cause indépendantiste. Sa droiture était telle qu’il se posa en juriste plutôt qu’en politicien sur cette question. Il refusa, d’une part, tout compromis sur le démembrement du territoire et, d’autre part, il préconisait le Référendum comme processus de consultation populaire. A ce titre, il est le seul juriste et homme politique mauricien à s’être conformé aux prescriptions de la Résolution 1514 des Nations Unies en faveur de la détermination des peuples. En outre, lorsque Guy Ollivry, élu de Rodrigues dont les suffrages à plus de 90% contre les représentants indépendantistes, obtint une fin de non-recevoir auprès des autorités britanniques qui invoquèrent leur incapacité à démembrer le territoire mauricien. Ce qu’ils avaient fait avec les Chagos avant l’indépendance de Maurice, ils ne pouvaient plus le reproduire, malgré le vote populaire manifeste et incontestable des Rodriguais. Il est juste que cet hommage lui soit rendu en ce 21 mai qui marque le 55e année de sa disparition et aussi les 121 ans de sa naissance.

On peut dire que le titre du livre de Jean-Antoine Koënig « Jules Koënig, Une Vie pour La Justice », résume bien sa vie. Grand catholique et fervent croyant, bien ancré dans les valeurs chrétiennes et les 10 Commandements, la justice pour lui était capitale, même divine.

On pourrait aussi ajouter: une vie de lutte pour l’indépendance de l’île Maurice. Car ce fût en sa capacité d’Attorney General du Gouvernement Colonial que Jules Koënig, après des années d’efforts auprès du Gouvernement du Royaume-Uni, obtint l’accord indispensable pour ouvrir les discussions officielles pour l’Indépendance de l’île Maurice. Il avait dit à son fils Michel, légiste basé à Londres: « Je me battrais pour l’Indépendance de l’île Maurice, même si je dois y laisser ma peau ».

Il mena la délégation Mauricienne à Londres pour les réunions historiques de Lancaster House. Une condition émise par le Government Britannique fût la scission des Chagos du territoire Mauricien. Jules Koënig n’était pas d’accord, d’autant plus que le Royaume-Uni avait déjà auparavant scissionné les Seychelles du Territoire Mauricien et qui était Français depuis l’époque où l’île Maurice s’appelait l’île de France. Il ne voulait pas qu’une deuxième scission du territoire souverain se reproduise. Il a fameusement quitté la table des négociations en protestation. Le seul politicien Mauricien qui suivit Jules Koënig hors de la salle fut Sookdeo Bissoondoyal.

Malgré que Jules Koënig voulait l’Indépendance, il voulait soumettre cette décision au peuple par un Plebiscite (Référendum). Pour lui, c’était, non aux politiciens, mais au peuple de décider. À Londres, les politiciens Mauriciens acceptèrent les conditions Britanniques et ainsi advint les élections générales, qui tourna plus en guerre de pouvoir politique, – que Jules Koënig voulait éviter – plutôt qu’un vote uniquement sur l’Indépendance.

« Je ne rentrerais pas au Parlement par la petite porte ».

Jules Koënig savait qu’une élection générale allait diviser la population sur une base communautariste, au lieu de la rassembler dans un élan patriotique, rempli d’espoir et de Mauricianisme. Un Mauricianisme qu’il souhaitait tant, comme le nom même du parti politique qu’il créa, le « Parti Mauricien, Social, Démocrate » implique dans le sens profond de la signification de chacun de ces mots.

Jules Koënig avait un siège assuré au nouveau Parlement s’il s’était porté candidat, à Curepipe, par exemple, non loin de son domicile à St. Paul. Mais il fût toujours soumis au peuple et posa sa candidature dans la circonscription de son domicile. Battu par une très faible marge, il ne fût pas élu. Néanmoins, on lui proposa d’entrer au Parlement, mais il refusa en disant: « Je ne rentrerais pas au Parlement par la petite porte ».

Jules Koënig fût un homme juste et bon. Il a toujours pris la défense des plus faibles, souvent pour rien en retour. Après sa mort, fût découvert dans un tiroir fermé à clef de son bureau à son domicile, un amoncellement de chèques bancaires jamais versés.

Cette défense des plus démunis et des travailleurs abusés, ne le rendit pas populaire avec les grands patrons. Un dimanche à l’église Sainte Thérèse, il reçut une claque très forte, ou un coup de poing. Une autre fois, à Saint Paul, au pied de l’église à la sortie de la messe, quelqu’un pointa un pistolet sur lui pour l’abattre. Jules Koënig lui dit: « Eh bien, vas-y, tue moi ». Les « faibles » de la société se précipitèrent sur l’agresseur et l’escamotèrent.

Sa mort, à seulement 66 ans, le 21 Mai 1968, fût un choc car, rien ne laissait prévoir une telle éventualité. Il était en bonne santé. A ses obsèques toute la classe politique était là. Comme Jules Koënig disait lui-même: « Je n’ai pas d’ennemis, j’ai des adversaires ».

« Jules Koënig, l’écoute du Maître légiste »
Jean-François Koënig – mine de plomb B sur papier – 29.5×21 cm

Cet extrait de l’article en première page du journal Advance (pro-Travailliste) du 22 Mai 1968, sous la signature de Marcel Cabon, le rédacteur-en-chef, replace l’homme dans ses mérites et sa juste valeur. Advance titrait alors : « Les Obsèques de Jules Koënig – Hommes et femmes se relayent pour porter la bière à Saint Jean » :

« Les funérailles qui ont été faites, hier, à Jules Koënig ne laissent aucun doute quant à l’estime dont il jouissait dans toutes les couches de la société mauricienne.

« Il était plein du lait de la tendresse humaine » 

Gaëtan Duval, citant Shakespeare, pour décrire Jules Koënig

Dès 15 heures la circulation devenait difficile de Rose Hill à Curepipe. Une foule dense avait pris toute la largeur de la route entre Phoenix et Saint Paul… (estimé par l’Express à 50,000 personnes).

Sir Seewoosagar Ramgoolam était là, ainsi que les juges de la Cour Suprême et les ministres. Les personnalités ne se comptaient pas…

L’absoute fût donné par le Révérend père Alexis Koënig, frère du défunt, qu’entouraient une trentaine de prêtres. Messeigneurs Jean Margéot et Jacques Giraud assistaient à la cérémonie dans le chœur, où l’Archidiacre Donat et le chanoine Madhoo, du clergé protestant avaient pris place. Le cerceuil disparaissait sous les couronnes de fleurs.

La foule manifesta quand, à la sortie de l’église, les porteurs voulurent mettre le cerceuil dans le corbillard. Le cerceuil fût arraché des mains des porteurs et ce fût alors à qui porterait la bière de Saint Paul à Saint Jean. Hommes et femmes se firent un devoir de porter le cerceuil.

Parti de Saint Paul à 16 heures 15, ce ne fût qu’à 18 heures 05, que le convoi arriva au cimetière.

A Saint Jean, une foule non moins grande attendait…

MM. Gaetan Duval et Cyril Leckning, firent le panégyrique du disparu.

M. Duval commença en ces termes: « Nous sommes venus ici accompagner, à sa dernière demeure, celui que tout Maurice salue comme un Grand Mauricien. Si je voulais décrire l’homme en une phrase, je citerais Shakespeare et je dirais: « il était plein du lait de la tendresse humaine ». »

Plusieurs personnes pleurèrent quand, en terminant, et après avoir présenté ses condoléances à la famille éprouvée, M. Duval ajouta : « Papa, au nom de tous tes enfants réunis, je te dis Au revoir ».

M. Leckning rappela que l’heure où la bière allait descendre dans le caveau était celle où le tribun devait être fêté à la Municipalité de Beau-Bassin – Rose-Hill, qui lui avait décerné le titre de citoyen de la ville. M. Leckning brossa un tableau de ce que le pays devait à M. Koënig et termina en citant le poète: « Si l’œuvre doit durer, qu’importe que l’on meure ».

Jean-François Koënig


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Un commentaire sur « Jules Koënig: celui qui désirait l’indépendance sans les compromissions avec la Grande-Bretagne »

  1. Etant la nièce de Jules Koenig, j’assistai à tous ses meetings avec mon frère.
    Il est incontestable qu’il exhortait les foules à ne pas se rallier à la proposition de l’Indépendance pour l’Ile Maurice.
    Il était farouchement contre cette orientation. Il en parlait d’ailleurs dans ce sens avec mon père, son cousin germain, lorsque nous le rencontrions.
    JFK s’appesantit sur la prise de position du tribun APRES avoir été mis devant l’évidence de l’échec de ses propos.
    Ce qui est hors sujet, bien évidemment.

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