Ouganda : 54 ONG suspendus avec effet immédiat

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Nicholas Opiyo, l’avocat ougandais fondateur de Chapter Four

Le gouvernement ougandais a ordonné vendredi la suspension avec « effet immédiat » de 54 ONG, dont la principale organisation de défense des libertés civiles Chapter Four. Ces associations, qui opèrent dans les domaines politique, sociétal, religieux et environnemental, sont accusées de « non-respect » de la loi, a indiqué un communiqué du Bureau des ONG, qui fait partie du ministère de l’Intérieur. Quatorze autres organisations ont été « suspendues indéfiniment ».

Selon les autorités ougandaises, ces associations opéraient sans être enregistrés, avec des permis expirés ou omettaient à plusieurs reprises de soumettre leurs rapports et comptes annuels. Même si les faits avancés sont techniquement fondés dans nombre de cas, il s’agirait en réalité d’une mesure visant à resserrer l’emprise du gouvernement ougandais sur la société civile.

L’association Chapter Four tient son nom à la référence au chapitre 4 de la Constitution ougandaise qui énonce les droits et les libertés fondamentaux. Contacté par l’AFP, son directeur exécutif, Nicholas Opiyo, a confirmé avoir reçu cette notification, jugeant la situation « grave ». « Nous encourageons les autorités à résoudre d’urgence cette situation pour permettre à Chapter Four de reprendre ses activités », a déclaré sur Twitter la section Afrique de la Commission internationale de juristes. Celle-ci se dit « profondément préoccupée » par la suspension de Chapter Four.

Charity Ahimbisibwe, la directrice de Citizens’ Coalition for Electoral Democracy (CCEDU), une autre organisation ciblée par les autorités.

La Citizens’ Coalition for Electoral Democracy (CCEDU), une autre organisation ciblée par les autorités, a qualifié la décision de « extrêmement regrettable ». Charity Ahimbisibwe, qui en est la directrice a expliqué que le permis d’exploitation du CCEDU avait expiré, mais que l’association avait demandé une prolongation car il ne pouvait pas être renouvelé pendant le confinement du coronavirus. « En tant qu’organisation respectueuse des lois, nous ne continuerons pas à opérer sans permis », avance-t-elle.

Obstruction administrative

Les observateurs politiques estiment que ces associations font face à une obstruction administrative et que les responsables gouvernementaux auraient pu tout simplement invité les dirigeants de ces associations à régulariser leur situation. Selon eux, la mesure tient au fait que ces ONG étaient actives pendant l’élection présidentielle. Certaines de ces organisations ont été effectivement impliquées dans une opération d’observation lors de l’élection présidentielle contestée de janvier. Ceux responsables de cette opération ont fait l’objet de perquisitions par les forces de sécurité et plusieurs dirigeants ont été arrêtés.

Ahimbisibwe a déclaré que son organisation, la SEAC, avait été convoquée à plusieurs reprises par les autorités après la publication d’un rapport alléguant une fraude lors des élections. Un mois avant les élections, Nicholas Opiyo, fondateur de Chapter Four et avocat de nombreux militants des droits humains et des droits des homosexuels et qui a aussi représenté Bobi Wine, a été arrêté et accusé de blanchiment d’argent. Plusieurs pays, dont les États-Unis et l’UE, avaient protesté contre son arrestation. Des rapporteurs spéciaux de l’ONU sur les droits de l’homme ont dénoncé les « accusations fictives » et les poursuites « apparemment liées uniquement au contexte électoral » en Ouganda. Cette figure populaire de la société civile ougandaise avait alors été libérée sous caution une semaine plus tard.

Yoweri Museveni est à son sixième mandat depuis 1986

Pour rappel, le président Yoweri Museveni, au pouvoir depuis 1986, a été réélu pour un sixième mandat après une campagne violente marquée par le harcèlement de personnes proches de l’opposition. L’élection a vu l’arrestation de personnalités de l’opposition, dont le principal chef de l’opposition et député Bobi Wine, ainsi que des attaques contre les médias et la mort de dizaines de personnes. L’opposition a contesté cette élection, que Bobi Wine a qualifiée de « mascarade ».

Mascarade ? Le terme semble bien à propos. Le 15 août dernier, le président Museveni a publiquement réprimandé ses forces de sécurité pour avoir été trop violentes avant et après les élections. En novembre dernier, au moins 56 personnes ont été abattues alors qu’elles manifestaient contre l’arrestation de Bobi Wine. L’opposition affirme que des centaines de ses partisans ont également disparu ou sont morts lors de la violente répression postélectorale.


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