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Avec six membres sur onze, les indépendantistes ont remporté[1], pour la première fois depuis le début de l’accord de Nouméa (1998), la majorité au gouvernement collégial de Nouvelle-Calédonie. Les indépendantistes ont demandé un troisième référendum d’ici 2022, comme le permet l’accord de Nouméa. Convoqués par le haut-commissaire de la République, les 11 membres du gouvernement se sont retrouvés en fin de journée pour élire en son sein un président et un vice-président. Mais faute de majorité, l’élection a été reportée « à une date ultérieure ».
L’élection d’un nouveau gouvernement, selon un scrutin de listes par les 54 élus du Congrès (assemblée délibérante), intervenait après la chute le 2 février du précédent exécutif à majorité loyaliste.
Les indépendantistes sont parvenus à remporter l’élection grâce à une alliance avec un petit parti charnière, l’Eveil océanien (EO), dont les trois élus ont voté pour la liste Union Calédonienne-FLNKS. L’Eveil Océanien s’inscrit un peu plus dans le courant indépendantiste sur la scène politique de la Nouvelle-Calédonie. Cette liste a obtenu trois « ministres ». L’autre liste nationaliste, celle de l’Union nationale pour l’indépendance-FLNKS (UNI-FLNKS) a également obtenu trois membres du gouvernement.
L’élection ne s’est toutefois pas déroulée comme prévu car l’UC-FLNKS espérait remporter un siège de plus, 4 au lieu de 3, permettant à un représentant de l’Eveil Océanien de figurer dans le gouvernement. Mais la voix de l’élue du Parti travailliste, petite formation indépendantiste, ainsi que celle plus surprenante d’un loyaliste de l’AEC en faveur de la liste UNI-FLNKS, ont déjoué ce scénario.
En face, les non-indépendantistes étaient répartis sur deux listes. Celle de la coalition majoritaire dont était issu le président sortant, l’Avenir en Confiance (AEC), a décroché quatre portefeuilles, avec 18 voix sur 54, et Calédonie ensemble, parti de centre-droit, en obtient un seul.
Un pas de plus pour les indépendantistes donc et une déconvenue pour les non indépendantistes. On peut considérer que ce nouveau gouvernement entérine le résultat du deuxième référendum sur l’autodétermination du territoire, où le « oui » avait rassemblé 46,75 % des suffrages. Alors qu’un troisième référendum sur l’autodétermination de la Nouvelle-Calédonie doit avoir lieu en 2022, les indépendantistes s’imposent un peu plus dans le paysage politique.
« C’est un signal politique fort », a réagi le sénateur de Nouvelle-Calédonie Gérard Poadja auprès de la chaîne de télévision Public Sénat. « Les mouvements indépendantistes, et particulièrement Avenir en confiance, se sont montrés trop confiants et trop individuels. Ce qui se passe aujourd’hui est plus un échec d’alliance entre les mouvements non-indépendantistes qu’une victoire des indépendantistes », analyse-t-il.
Pour autant, Gérard Poadja regrette la montée en puissance des indépendantistes. « Je souhaite une émancipation de la Nouvelle-Calédonie », assure-t-il. « Et le processus est entamé depuis l’accord de Nouméa, mais je suis Français et attaché à la République, je suis donc contre l’indépendance totale de la Nouvelle-Calédonie ».
Pour prendre la mesure de la situation, il faut se rappeler que le ministre français des Outre-mer, Sébastien Lecornu, avait annoncé, mi-janvier, la mise en place d’une mission d’information sur le sujet afin d’avoir « un temps de travail spécifique sur la Nouvelle-Calédonie ». Si la composition de cette mission d’information demeure inconnue, on sait que c’est le président du Sénat, Gérard Larcher, qui prendra la tête de ce groupe de contact.
« Je ne pense pas qu’on puisse préjuger du troisième référendum », assure cependant le sénateur socialiste Jean-Pierre Sueur. « Ce que je souhaite c’est qu’il ait lieu dans les conditions les plus objectives possibles, que chacun y contribue. Je suis pour le dialogue, et le peuple calédonien décidera. S’il décide, ce que je souhaiterais, que la Nouvelle-Calédonie reste dans la France, que ce soit l’occasion de fortifier nos relations. Si c’est un choix différent, ce sera l’indépendance, mais je pense que l’indépendance n’exclue pas la coopération qui de toute façon restera et doit rester très vivace ».
[1] mercredi 17 février