Trésor de Saint-François : Cinq militants indépendantistes interpellés

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Une cinquantaine de policiers ont interpellé Stivelle Castel, Jocelin Louis, Yvan Ithier, Simon L’Evêque et Alain Tolbize hier à Saint-François et ont investi les lieux où ces militants indépendantistes rodriguais avaient planté leurs tentes. Les militants Rodriguais s’étaient installés à Saint-François où des éléments de la SMF, la force paramilitaire de la métropole mauricienne, avaient été mandés pour sécuriser le site où se trouverait un trésor enfoui, prétendument découvert par deux Mauriciens.

Les représentants de l’ordre ont la tête baissée
Stivelle Castel, menotée, garde la tête haute!

« Mo kondann sa act represif ki zot finn fer kont bann militan pasifik ki zot sel krim sé protez nou patrimwann ! », nous déclarait Alain Tolbize hier soir. Stivelle Castel a été menottée sous prétexte d’un « refus d’obtempérer » parce qu’elle ne voulait pas sortir de sa tente. Les autres militants ont alors exigé qu’elle soit libérée ou qu’on les arrête tous. La police a alors enlevé les menottes à la jeune femme mais a menacé les militants d’une charge d’obstruction à la justice. Aux dernières nouvelles, la police contemplerait cette fois une charge formelle sous la Public Gathering Act.
 
Ces incidents font suite à la découverte signalée d’un trésor, que l’on suppose être celui du pirate Olivier Levasseur, dit La Buse, qui écumait les mers des Mascareignes il y a trois siècles.
 
A la Private Notice Question que lui adressait Xavier-Luc Duval, le Leader de l’Opposition, mardi dernier (16 juillet), le ministre des Arts et de la Culture répondait que : « L’Assemblée régionale de Rodrigues a été informée bien assez tôt de la découverte du trésor ». Mais pour Xavier-Luc Duval, l’Assemblée régionale n’a pas été notifiée de manière prompte. Le ministre devait informer la Chambre qu’une correspondance officielle a été envoyée à cette instance le 11 juin. Il devait aussi confirmer que le 15 mai dernier, Roger de Spéville et Georges Désiré Némorin, deux Métropolitains de Maurice, ont sollicité le cabinet Jurisconsult afin de jurer un affidavit dans lequel ils affirment avoir découvert un « trésor » à Saint François à Rodrigues le 15 mars.

Mais le dossier se corse bien en en amont. Les deux « découvreurs » ou « chasseurs » de trésor réclament le transfert du « trésor » dans la métropole mauricienne. Dans la presse métropolitaine, Roger de Spéville et Georges Désiré Némorin sont présentés comme des randonneurs, « des excursionnistes », selon le journal Le Mauricien. Cette version a son importance. Car, les clients de Jurisconsult, qui veulent faire valoir l’article 716 du Code Civil[1] doivent satisfaire à un critère de conformité que pose cette législation particulière, en l’occurrence qu’il devrait s’agir d’une découverte « par le pur effet du hasard ».

Une disposition qui n’a pas échappé à Johnson Roussety, le leader du Front Patriotique Rodriguais écologique (FPRe) qui remet en question la version et estime que les deux Mauriciens devront faire la démonstration à la justice qu’il s’agissait vraiment d’un hasard. Car, il dispose de photos montrant des individus avec ce qui semble être des détecteurs de métaux et, selon les locaux à Rodrigues, la prospection a duré un certain nombre de jours.

« Découvreur » ou « chasseur de trésor »? Une photo prise… par le pur effet du hasard!

Mais il y aurait peut-être même infraction car, la prospection qui n’a pas été signalée au propriétaire des lieux, notamment la Rodrigues Regional Assembly (RRA). Car, en vertu de la RRA Act, l’Assemblée Régionale dispose de tous les droits et privilèges ainsi que des obligations qui en découlent. Ainsi, à partir de 2001, l’article 54 (a) de la RRA Act prévoit que « such lands and other property of every kind located in Rodrigues vested in the State shall, subject to the State Lands Act, be transfered, to the Regional Assembly in the right of the Republic of Mauritius ».
 
Or, c’est la RRA qui est l’Etat à Rodrigues. La lecture de la Section 54(b) de la RRA Act 2001 ne laisse aucune ambiguïté : « (b) such rights, privileges and benefits to which the Government of Mauritius is entitled to in respect of Rodrigues and such liabilities and obligations to which it may be subject in Rodrigues, shall be transferred to the Regional Assembly. »
 
Et malgré ses bafouillements (voir video plus haut), le ministre Roopun n’a pas tort quand il affirme qu’il attendait que l’Assemblée Régionale agisse. Mais celle-ci n’a pas agi. Peu sûre de ses droits, elle aurait recherché l’avis du ministère des arts et de la Culture qui, puisque le ministre dit Mentor s’étant avancé, à son tour, affirme que tout serait fait selon les lois. Et, à partir de là, chacun a pataugé à qui mieux-mieux dans la gadoue administrative avec des fonctionnaires ne sachant pas comment se tripatouiller avec les dispositions de la tutelle coloniale.
 
En attendant, n’ayant pas le sentiment que les lois seraient respectées de part et d’autre, les militants indépendantistes se sont mis de la partie pour assurer cette défense du patrimoine rodriguais. En somme, si la RRA ne se serait pas montré aussi léthargique ou démissionnaire, les militants indépendantistes rodriguais n’auraient pas eu à engager leurs personnes pour protéger une richesse, financière ou symbolique, enfouie dans le sol de leur territoire. 


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