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Dominic Cummings décrit un Boris Johnson inconstant et obsédé par les médias
Au cours d’une audition de près de sept heures devant une commission parlementaire, Dominic Cummings, l’ex-conseiller de Boris Johnson « a fait un compte-rendu accablant de la réaction du gouvernement », selon The Guardian. Il a déclaré que le Premier ministre avait à plusieurs reprises minimisé la gravité de la maladie, parlant d’une « rumeur alarmiste ». Face aux députés, Dominic Cummings a décrit un Boris Johnson obsédé par les médias et changeant constamment d’approche.
« Au moment où la population avait le plus besoin de nous, le gouvernement a échoué. Des dizaines de milliers de personnes sont décédées alors qu’elles n’auraient pas dû mourir », a lancé l’ancien conseiller du Premier ministre anglais. Racontant « le chaos, l’indécision et la tromperie » qui, selon lui, régnaient « au cœur du gouvernement » quand est apparue la crise sanitaire, il a estimé que la réponse à la pandémie avait causé des milliers de décès qui auraient pu être évités – avec près de 128 000 morts, le pays déplore le plus lourd bilan en Europe.
Venant de l’ancien bras droit de Boris Johnson, l’attaque est « cinglante », juge le Financial Times. Et pour cause : Dominic Cummings est le stratège de la campagne en faveur du Brexit en 2016 et de la victoire électorale écrasante de Boris Johnson en 2019. Or, le mercredi 26 mai, il décrivait une gestion chaotique de l’épidémie de Covid-19 au Royaume-Uni et a accusé le Premier ministre d’être « inapte » à diriger le pays.
En mars 2020, rappelle le Financial Times, les ministres du gouvernement britannique avaient d’abord adopté un plan A « où l’immunité collective était le sous-produit d’une stratégie visant à contrôler la transmission plutôt qu’à la stopper dans son élan ». Puis Greg Clark, président du comité scientifique, avait déclaré qu’il n’était pas nécessaire de recourir à une « modélisation sophistiquée » pour comprendre que le plan A pourrait entraîner 400 000 décès. Le plan B, un confinement national, a finalement été introduit « tardivement », le 23 mars, note le quotidien des nouvelles financières. Cummings, lors de son audition, est venu affirmer que le ministre de la Santé, Matt Hancock, avait menti en de « nombreuses » occasions.
Selon Cummings, personne n’a trouvé de solution face au problème du Premier ministre – balancé, « comme un caddy de supermarché, d’un côté à l’autre du rayon ». Il a révélé que, de peur qu’il n’entrave la réponse à la crise, les responsables avaient délibérément tenu Boris Johnson à l’écart des réunions “Cobra”, des conciliabules gouvernementaux d’urgence. Pour l’ex-conseiller du Premier ministre, le point de vue de plusieurs responsables au sein du 10 [Downing Street] était que « si le Premier ministre présidait les réunions Cobra et qu’il disait à tout le monde ‘ne vous inquiétez pas, je vais demander à Chris Whitty [le conseiller médical en chef du gouvernement] de m’inoculer le coronavirus en direct à la télévision, pour que tout le monde comprenne qu’il n’y a rien à craindre’, cela n’aiderait pas à une planification sérieuse ».
Boris Johnson dément
Face aux membres de la commission parlementaire, Cummings a affirmé avoir entendu Boris Johnson dire qu’il préférait voir « les corps s’empiler » plutôt que d’imposer ce second train de restrictions. Des propos que le Premier ministre a démenti mercredi à la Chambre des Communes.
Le témoignage de Cummings n’est pas tout à fait neutre. On se rappellera que l’ancien conseiller avait été « évincé » de Downing Street en novembre 2020 après avoir bravé le deuxième confinement décidé par le gouvernement en se rendant dans le comté de Durham. Il est donc perçu par beaucoup « comme amer après le traitement que lui a fait subir son son ancien patron ». Toutefois, ces propos représentent l’un des premiers témoignages publics d’un acteur-clé du 10 Downing Street sur ce qui s’y est passé au plus fort de la pandémie, relève The Guardian.
Interrogé sur le sujet lors de la séance parlementaire hebdomadaire des questions au Premier ministre, Boris Johnson a nié ces critiques. « Nous avons travaillé d’arrache-pied pour réduire les pertes humaines », a-t-il dit. Le Premier ministre a déclaré aux députés qu’une enquête publique, qui débutera au printemps prochain, permettrait de tirer les leçons de la gestion de la crise.