MTC – GRA : Qui craint la transparence ?

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Jean-Michel Giraud avance en champ miné

Jean-Michel Giraud, reconduit à la présidence du MTC pour la septième fois.

Depuis l’élection de Jean-Michel Giraud à la tête du Mauritius Turf Club (MTC) le 5 mars dernier, Kreedeo Beekharry, dit Dev Beekharry, le patron de la Gambling Regulatory Authority (GRA) s’active. La GRA souhaite que le club place ses actifs au sein de la compagnie publique Mauritius Turf Club Sports and Leisure (MTCSL). Mais le nouvel administrateur en chef de la MTC ne l’entend pas de cette oreille. Le MTC est plutôt en faveur d’une convention de bail (Lease Agreement) entre le club et sa compagnie de gestion car, face au secret de polichinelle au sujet d’un projet de participation future gouvernement-GRA-MTC, le club entend bien préserver ses biens comme son président entend assumer ses responsabilités. Visiblement, l’élection de Jean-Michel Giraud n’était pas au programme de ces convoitises que voilà contrecarrées. La convocation de Jean-Michel Giraud au CCID aujourd’hui serait-elle un énième épisode de contraintes exercées en usant encore une fois de la police ?

De toute évidence, en interrogeant des journalistes, la police s’intéresse à des témoignages visant à cerner la source de bookmakers qui auraient été apparemment nommés dans certaines publications, dont on ne sait pas grand chose. Mais il serait difficile de les attribuer à Jean-Michel Giraud qui n’en a nommé personne dans le point de presse qu’il a animé la semaine dernière. Alors, même si ces méthodes rappellent celles de la Gestapo ou du gouvernement d’Anerood Jugnauth après 1983, s’agirait-il d’une simple frivolité de la part de quelques ou d’un bookmaker particulièrement susceptibles ?

L ‘affaire n’est pas si simple car, au cas où la police voudrait procéder à l’interpellation du président du MTC, Me. Gavin Glover, l’avocat de Jean-Michel Giraud aura tôt fait d’attirer l’attention du magistrat sur ladite frivolité où il suffit qu’un individu mal-luné ose des allégations comme en des temps anciens par voie de « lettres de cachet » pour que les libertés d’un individu soient aussitôt restreintes. Mais les pratiques de la police, surtout quand elle est mandée par les gens du pouvoir ou qui s’en réclament, nous ramène bien à la période 1789 – 1799 où il suffisait d’une délation pour enfermer un individu à la Bastille. Malgré les recommandations des juges de la Cour Suprême, depuis 2006 au moins, le Bail Act est davantage un artifice pour éviter que le gouvernement ne s’attire les commentaires sévères de la commission des droits de l’Homme des Nations Unies.

Plus concrètement, face à la tendance à l’automatisme des tribunaux de première instance de proposer la caution pour la libération des personnes interpellées, la police use du « Provisional Information » comme s’il s’agissait d’une inculpation formelle alors qu’elle n’est qu’au stade de l’audition des témoins, soit avant même qu’elle n’ait pu valider ou invalider les allégations qui lui ont été formulées ! Et cette faiblesse structurelle dans l’administration de la justice fait le lit d’un système politique qui n’hésite pas à user de la police pour harceler ses opposants politiques comme ses contradicteurs. Le rapport estimant que l’Etat mauricien dérive vers une autocratie est loin de relever d’une lubie !

Y aurait-il un intérêt quelconque pour chercher à obtenir l’interpellation policière et sa conversion en mise en liberté conditionnelle ? A part le fait que Jean-Michel Giraud est un contradicteur sérieux de la GRA, (qui avait jusqu’ici la partie facile avec le précédent président de la MTC, Kamal Thaposeea), il n’y en aurait à première vue aucun. Sauf qu’en considérant de plus près, on réalise que le président de la MTC a besoin d’un Public Management License (PML) pour pouvoir diriger le MTCSL. Et qu’une mise en accusation, même provisoire – et en dépit du fait que la charge éventuelle ne serait toujours pas établie et donc aucune condamnation prononcée – pourrait fournir le prétexte d’un refus dudit PML. Si c’est le but visé, l’affaire, loin d’être frivole, prendrait alors un caractère malicieux puisque cherchant à pervertir les procédures de justice pour nuire à un individu ou une entité, ou les deux.

Blanchiment d’argent et terrorisme… De la raison au prétexte

Mais au-delà de ces suppositions, dans les faits, Jean-Michel Giraud a besoin d’un certificat de moralité pour obtenir un PML afin d’accomplir ses fonctions à la direction de MTCSL. Or, ce certificat il l’a obtenu il y a environ deux semaines. Il reste donc à la GRA de l’avaliser. Pourquoi la GRA et non pas le Registrar of Companies ? C’est que, sur décision du ministre des Finances en juillet 2020, le MTC est tenu d’opérer comme une compagnie publique. Et sous prétexte de « combattre le blanchiment d’argent et le terrorisme », c’est le GRA qui délivre désormais tous les permis relatifs à la gestion de la MTC, en l’occurrence à la compagnie publique MTCSL. Et cette nouvelle affaire qui surgit, peu importe qu’elle soit frivole ou malicieuse, offre encore un prétexte pour freiner le président dans ses vœux de mettre de l’ordre dans l’univers des courses, dont il avoue craindre les dessous mafieux.

Mais, question candide : GRA et MTC, même combat contre le blanchiment d’argent et le terrorisme ? Ce serait plutôt une mauvaise blague. Car, en se retrouvant dans un face-à-face radiophonique avec Dev Beekharry, le président du MTC a vite fait de poser les jalons dans la quête de transparence. Le club, propriétaire des lieux et aussi concepteur et organisateur des courses, tire ses revenus d’un pourcentage (entre 4,5% et 5% selon qu’il s’agisse du Tote ou des Bookmakers) du chiffre d’affaires des opérateurs de paris. Mais le MTC n’a aucune visibilité sur le chiffre d’affaires. Si ce n’est lui, qui donc ? C’est la Mauritius Revenue Authority. Aussi, assène Jean-Michel Giraud, l’Etat est parfaitement au courant des revenus issus des paris. Ainsi, l’Etat est tout à fait en mesure de mener son soi-disant « combat contre le blanchiment d’argent et le terrorisme ». Et cela, à la source même, sans avoir à passer par le MTC !

On comprend ainsi que nous sommes au marché des dupes. Et que l’opposition, durant une dizaine de jours, au choix d’Executive Services comme service de secrétariat désigné du MTC arrive comme une bien curieuse coïncidence. Il y a là un cocktail d’indices pour un vrai travail d’investigation. Mais les enquêtes ne s’orienteraient pas vers les mêmes pistes selon que l’on soit de la police aux ordres de Heman Jangi, ou de la presse indépendante.

Chez Indocile, par exemple, on ne conçoit pas de pistes sans les chevaux. Même en n’étant aucunement friand de l’événementiel des courses, on note un nombre important de nouveaux chevaux pour cette nouvelle saison. La pandémie du coronavirus ne semble pas avoir freiné les volontés d’investissement dans les coursiers. Et les « zougader » n’ont plus besoin d’être au Champ de Mars pour les paris…

Mais, nos sources nous apprennent que l’officier responsable du « Money Laundering » au MTC a tiré la sonnette d’alarme sur le doute entourant la propriété réelle de certains chevaux. Celui-là ne répond pas statutairement du président du MTC. Le « Suspicious Transaction Report » dans ce cas va directement au Financial Intelligence Unit. Et dans le rapport, il ne serait pas question de deux, ou trois chevaux. Selon nos sources, il serait question de plus d’une vingtaine déjà !


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