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Lors d’une conférence de presse samedi (28 avril 2023), le ministre mauricien de la Santé, Kailesh Jagutpal a insinué que la presse locale aurait présenté la croissance des cas de contamination au Covid-19 comme un dissuasif pour se rendre au meeting du 1er mai organisé par son parti, le MSM. Selon le ministre Jagutpal, l’objectif de l’information dans la presse locale aurait été de « créer la panique afin que les gens ne se rendent pas au rassemblement » de son parti à Vacoas. Depuis la parution des articles il y a six jours tant dans la presse papier que dans la presse en ligne, aucune manifestation de panique n’a été notée dans la population jusqu’ici.
Selon le Dr Jagutpal, la manière d’annoncer la resurgeance des cas de contamination au virus du covid-19 à Maurice aurait été politiquement motivée et visait à dissuader les gens à se rendre au meeting du MSM le 1er Mai. Le ministre de la Santé n’a pas hésité à imputer les motifs de ces informations « à l’Opposition ». Il n’a pas précisé à quel parti ou regroupement de partis d’opposition il faisait référence, ni n’a-t-il précisé quel était le titre de presse qui se serait engagé à susciter le mouvement de panique allégué.
Le Dr Kailesh Jagutpal était bien engagé dans une confusion des genres. S’agissait-il d’une conférence de presse du ministre de la Santé ou celui d’un membre en vue du MSM ? Le ministre a animé sa conférence de presse vêtu des couleurs de son parti : polo orange et veste bleu maya. Le ton était donné d’emblée. Les récriminations à l’effet que l’information sur la croissance des cas de contamination étaient politiquement motivés pour faire le jeu de l’opposition politique confirmaient, s’il en était besoin, que le psychiatre Jagutpal était dans un jeu de manipulation. En effet, la panique qu’il évoquait n’est, à ce jour, aucunement attestée dans les faits.
Sur le net, de nombreux internautes ironisaient, estimant que le ministre Jagutpal anticipait une déconvenue au meeting du MSM à Vacoas, surtout après l’échec en terme d’affluence lors de l’inauguration récente d’un centre sportif à Plaine Verte. Ainsi, cette fois le coupable serait tout trouvé : c’est la presse qui aurait suscité un mouvement de panique !
D’une panique supposée aux inquiétudes réelles
Dans les faits, l’inquiétude est réelle pour une part encore minime de la population mauricienne qui, comme nombre de peuples îliens, se caractérise par une certaine nonchalence et une relative inconscience face aux dangers. Cependant, les gens en parlent – dont une majorité d’interlocuteurs qui ne cachent pas leurs angoisses concernant un éventuel confinement – et ceux-là agissent, notamment par la reprise spontanée du port du masque dans les transports publics, les rassemblements tels que les obsèques, ou dans les foires maraîchères. Ces gens n’ont pas attendu quelque hypothétique communication du ministère de la Santé pour reprendre ce qui leur fut présenté au nombre des « bonnes pratiques ».
Au plan sociétal, malgré nos recherches scrupuleuses, nous n’avons pu identifier le moindre mouvement communautaire, aussi petit soit-il, spontané ou induit par quelque motivation que ce soit, qui pourrait s’apparenter à un mouvement de panique. Même dans le sud, qui compte Jagutpal au nombre de ses représentants, personne ne semble avoir perdu le nord !
Tout compte fait, c’est la foule assemblée par le MSM à Vacoas qui a apporté le démenti ultime aux propos du ministre de la Santé. Quels que soient les motivations, du briani aux bus gratuits, l’assemblée réunie apportait bien la démonstration que la panique évoquée relevait de l’obsession fanatique d’un individu gavé de partisanerie politique au point d’être incapable de s’élever aux obligations et à la dignité de sa fonction ministérielle.
Selon le ministre mauricien de la Santé, l’OMS reconnaîtrait une contamination croissante à de nouveaux sousvariant Omicron du virus Sars-Cov2 et, dit-il, en dépit de sa prolifération rapide, ce nouveau variant ne serait pas aussi nocif que le précédent. Toutefois, le ministre n’a pas été en mesure de préciser sa politique de rappel vaccinal tenant compte de ce variant particulier. En outre, sa préoccupation d’une désaffection éventuelle pour le rassemblement de son parti le 1er mai ne semble pas l’avoir éveillé aux recommandations de l’OMS au sujet des rassemblements de masse dans le contexte d’une contamination d’origine communautaire.
L’OMS, en effet, préconise que : « tous les pays qui connaissent une transmission communautaire doivent sérieusement envisager de repousser ou de réduire certains rassemblements de masse susceptibles de propager la maladie, et qu’ils doivent encourager les bonnes pratiques, et notamment la distanciation physique. Toute décision sera appuyée par le recours à des outils de l’OMS, en particulier l’outil d’évaluation du risque lié aux rassemblements de masse durant la pandémie de COVID-19 ». La question d’une éventuelle irresponsabilité de la presse ou celle du ministre par rapport aux rassemblements de masse est ainsi vite tranchée sans qu’il ne soit besoin de chipoter.
Les impérities de Kailesh Jagutpal
Plutôt que de la panique, quelques-uns de ceux que nous avons interrogés affirment que Kailesh Jagutpal est par lui-même une source d’inquiétude, voire d’angoisse. Sa gestion des périodes les plus éprouvantes de la pandémie aura glacé plus d’un d’effroi. Avec une désinvolture déconcertante, le ministre Jagutpal avait affirmé à l’Assemblée nationale que son ministère avait pris toutes les dispositions pour faire face à la pandémie du Covid-19. L’outrecuidant avait, bien entendu, induit le parlement en erreur. Mieux encore, le sinistre Jagutpal poussa la renommée jusqu’à se retrouver dans une vidéo faisant la bamboula avec une troupe de bambocheurs… en pleine période de confinement !
Comme tous ceux de l’entourage de Pravind Jugnauth qui ne supportent pas que leur Premier ministre puisse être un tant soit peu contrarié, le psychiatre Jahutpal avait aussi eu recours à une sortie à visée propagandiste pour son patron. Il invita toute la presse à Quatre-Soeurs pour sa mise-en scène du Premier-ministre et vice-Premier ministre tous préocuppés par les conditions sanitaires durant la pandémie. Et c’est ainsi que l’on vit Pravind Jugnauth faisant la conversation à des personnes admises… dans un centre de quarantaine ! Sans PPE, sans gants et sans masque ! La presse généraliste s’abstint d’évoquer le danger auquel ses reporters avaient été soumis, puisque ceux-ci avaient participé sans contraintes à cette mascarade pour écervelés.
Entrainé dans ces inconséquences manifestes, le Premier ministre maintint son larbin en poste. L’impunité en fit un effronté qui cette fois procéda à des appels d’offres de vaccins et de matériel médical au bénéfice de quelques individus déterminés à saigner le budget de la Santé à blanc. Le fat n’a jamais eu jusqu’ici à répondre de ces agissements devant quelque instance que ce soit. Ni même à répondre des pertes de vies humaines, comme celles des dialysés qui périrent faute de soins appropriés.
De toute évidence, et compte tenu d’une communication déficitaire du ministère de la Santé, ladite panique n’aura existé que dans la tête du psychiatre. Comme s’il fallait comprendre que la folie a déserté l’asile !