Droits des femmes : Mettre un terme à la rupture identitaire

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Le soleil doit-il se coucher sur l’identité de la femme au moment du mariage
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Arnaud Vacher

Est-ce le destin de la femme d’être tiraillée dans le choix entre l’identité de fille de son père et celle de l’épouse de son conjoint ? Le choix du patronyme en est-il vraiment un ? Que cela paraisse normal que ce soit la femme qui ait à effectuer ce choix lors de son mariage nous oblige à considérer la pertinence de nos usages et aussi si cela se conforme à nos lois en matière de discrimination.

Dans le cadre de la Journée Internationale des Droits de la Femme l’année dernière, Aruna Pulton, interpellait les dirigeants des formations politiques au sujet de leurs “commissions féminines”. Elle arguait qu’en assignant les femmes à l’examen de la condition féminine et des affaires familiales, les leaders avaient trouvé un moyen astucieux de tenir les femmes à l’écart des décisions stratégiques du parti. Elle condamnait ainsi l’hypocrisie de cette exclusivité sexiste qui exemptaient les hommes de ces considérations. Ce n’est donc pas étonnant que l’on ne trouve pas de “commission feminine” au sein d’EAM. Il ne faut pas s’étonner que ce soit moi, un élément masculin, qui vienne poser un débat dans le cadre de cette journée internationale des droits de la femme.

Pour nous qui aspirons à la législature, il nous importe de venir avec des projets de loi qui ont pour but d’améliorer les conditions de vie de nos concitoyens. Notre attention pour les femmes se pose donc dans le domaine du droit. Aussi, j’aimerais inviter les lecteurs à comprendre de quelle manière nos lois, nos procédures administratives et nos usages affectent la femme mauricienne.

En maintenant l’ordre des choses, les élus de tous bords indiquent qu’ils n’entendent pas remettre en question les dispositions selon lesquelles toute femme qui se marie peut exercer son droit à conserver son patronyme, à adopter celui de son mari ou d’adjoindre le patronyme de son mari à son nom de famille. Théoriquement, ces options relèvent du droit individuel et, avec l’effervescence des noces et les vœux de bonheur, peu s’interrogent sur l’impact psychologique de ce choix qui fait qu’il est attendu qu’une femme passe d’une identité à une autre. Les hommes sont-ils tenus d’effectuer ces mêmes choix au moment de leur mariage ?

Il faut questionner cette pratique car son usage perpétue une discrimination en faveur des hommes. En effet, pour l’homme, le mariage est seulement question d’un changement de statut matrimonial. Son identité n’en est aucunement affectée. Nos us et nos coutumes, quelles que soient les cultures ancestrales auxquelles les uns et les autres voudraient se référer, nous rendent tous incapables jusqu’ici d’être sensibles à cette injustice flagrante. Mais ce que la population tarde à percevoir doit néanmoins être anticipé par le législateur, faute de quoi celui-ci légifère en fonction des réactions vives découlant des gabegies et des injustices devenues tellement manifestes que le jeu de blâmes en devient inutile. Ce scénario, par trop familier, explique comment l’action gouvernementale manque généralement d’efficacité.

En ces temps où les divers organismes onusiens nous éveillent aux troubles mentaux, nous ne pouvons ignorer les perturbations psychologiques auxquelles les questions identitaires donnent lieu. Pour la femme, ce choix qu’on lui propose d’exercer met en lumière sa difficulté à intégrer psychiquement la place à accorder à ces deux hommes que sont son père et son mari. C’est comme si on lui demandait de sectionner le lien à son père et ce qui la lie à son nom, ce nom qu’elle a toujours porté et qui fait qu’en changeant de nom, elle devient quelqu’un d’autre. Car, les traditions sociales prévoient qu’à partir du moment où elle devient femme elle cesse d’être fille. Combien d’entre nous avons entendu nos voisins désigner nos mères, non seulement par le nom de famille du mari, mais même par le prénom de celui-ci : Mme. Benoit, Mme. Rajesh, Mme. Ahmed… ? C’est devenu la norme, mais est-ce normal ?

La femme a le droit d’exister pour elle-même qu’elle soit ou non mariée. C’est la contradiction procédurale de l’administration publique qui doit être enlevée. La carte d’identité nationale doit servir d’unité de cohérence en tout lieu.

Pour beaucoup de femmes, juxtaposer son “nom de jeune fille” à celui de son nom marital ne résoud en rien la question. On s’en aperçoit surtout au moment du décès du père de la fille surtout quand celle-ci est l’unique survivante porteuse du nom de famille de son père. Ces filles-là, tout comme les garçons d’ailleurs, se sentent investies de la mission de perpétuer l’histoire de leur familles respectives, notamment par la transmission du nom patronymique à leurs enfants.

Quel est le rôle de l’État dans cette problématique qui débouche sur des souffrances et des drames personnelles? Je postule que l’État n’a pas à contribuer à ces souffrances. Trop nombreuses sont les femmes dont les démarches administratives ne peuvent aboutir car il leur faut fournir des certificats de mariage alors qu’elles se sont éloignés de leurs conjoints. Alors que l’homme séparé n’est pas tenu de fournir ce même certificat. La femme a le droit d’exister pour elle-même qu’elle soit ou non mariée. C’est la contradiction procédurale de l’administration publique qui doit être enlevée. La carte d’identité nationale doit servir d’unité de cohérence en tout lieu : homme ou femme, marié, séparé ou divorcé, le citoyen mauricien est reconnu par la première lettre de son patronyme initial et sa date de naissance. C’est l’unique identité qui devrait être harmonisée pour les procédures de l’ensemble de l’administration publique.

Le respect de la parité homme-femme passe par la reconnaissance effective de l’identité de la personne. Et non par les usages issus de pratiques sociales qui jusqu’ici font peu de cas de ces ruptures imposées aux femmes.

Arnaud Vacher
Membre d’En Avant Moris


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