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Le journaliste biélorusse Roman Protassevich, fondateur du média d’opposition Nexta, a été arrêté dimanche 23 mai à la suite de l’atterrissage en urgence à Minsk de l’avion Athènes-Vilnius dans lequel il se trouvait. L’avion, un Boeing 737 de la compagnie Ryanair, a dû se poser à Minsk, la capitale biélorusse, à 200 kilomètres de sa destination finale. Selon des sources présidentielles lituaniennes, « la Biélorussie a utilisé un avion de chasse MIG-29 et un hélicoptère MI-24 pour forcer l’avion à se poser à Minsk ».
Selon les autorités biélorusses, l’avion a dévié de sa trajectoire à cause d’une “alerte à la bombe”. L’aéroport de Minsk, cité par l’agence de presse officielle Belta, a affirmé que l’alerte à la bombe s’était révélée « erronée » après une fouille du Boeing. Contactée par l’AFP, une porte-parole des aéroports lituaniens a dit avoir reçu comme première explication de la part de l’aéroport de Minsk un conflit entre des passagers et l’équipage.
Le média Nexta affirme que l’atterrissage d’urgence avait été suscité par une « bagarre » déclenchée par des agents des services de sécurité bélarusses (KGB), hérités de la période soviétique, présents à bord et qui affirmaient qu’un engin explosif se trouvait dans l’appareil. L’actuel rédacteur en chef de Nexta, Tadeusz Giczan explique que « quand l’avion est entré dans l’espace aérien bélarusse, les officiers du KGB ont déclenché une bagarre avec le personnel de Ryanair », ces agents soutenant qu’une bombe était à bord.
Dans un communiqué diffusé par son bureau, le président lituanien Gitanas Nauseda a appelé l’Otan et l’Union européenne – dont la Lituanie est membre – à « immédiatement réagir à la menace qu’a fait courir le régime biélorusse à l’aviation civile internationale ».
Vives réactions au sein de l’Union Européenne
L’arrestation du militant a été immédiatement condamnée par la figure de l’opposition bélarusse en exil, Svetlana Tikhanovskaïa. Sur Twitter, elle a assuré que le régime avait « forcé » à l’atterrissage l’avion de Roman Protassevitch qui, selon elle, « encourt la peine de mort ». Le président Nauseda a aussi écrit sur Twitter, « Il a été arrêté, le régime est derrière cet acte abject », et d’ajouter : « J’exige la libération d’urgence de Roman Protassevitch ! » ajoutant que « J’en parlerai au sommet de l’UE à Bruxelles », la semaine prochaine.
Roman Protassevitch est l’ancien rédacteur en chef de Nexta, un média ayant joué un rôle-clé dans la récente vague de contestation de la réélection en 2020 du président Alexandre Loukachenko, qui est en poste depuis 1994. La Lituanie lui avait accordé le statut de réfugié politique.
Fondé en 2015, Nexta – “Quelqu’un” en bélarusse – ce média, diffusé en ligne via la messagerie Telegram, avait coordonné les rassemblements à travers le Bélarus, diffusant des mots d’ordre et permettant de partager les photos et les vidéos des rassemblements et des violences.
« Nous tenons le gouvernement du Bélarus responsable de la sécurité de tous les passagers et de l’appareil. TOUS les passagers doivent pouvoir poursuivre immédiatement leur voyage », a twitté le chef de la diplomatie de l’UE, Josep Borrell. La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et le président du Conseil européen Charles Michel ont eux aussi appelé le Bélarus à laisser repartir « tous les passagers ».
La Pologne est aussi très critique envers le président bélarusse Alexandre Loukachenko. Le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki a qualifié cette arrestation d’« acte de terrorisme d’État ». « Je condamne dans les termes les plus forts l’arrestation de Roman Protassevitch par les autorités bélarusses, après qu’un vol de passagers de Ryanair a été détourné. Ceci est un acte de terrorisme d’État criminel », a-t-il écrit sur Twitter.
Avec la Lituanie, la Pologne réclame des sanctions plus fermes de l’Union Européenne contre le régime de Minsk pour sa violente répression de manifestations de l’opposition. La France a dénoncé dimanche le « détournement » par les autorités du Bélarus d’un avion transportant un opposant bélarusse et réclamé une « réponse ferme et unie » des 27 Etats membres de l’UE.
Face à des arrestations massives et des violences policières ayant fait au moins quatre morts, et le fait que la figure de l’opposition biélorusse Svetlana Tikhanovskaïa vit aussi en exil en Lituanie, la protestation s’est progressivement essoufflée. Le gouvernement de Loukachenko procédait un harcèlement judiciaire permanent avec de lourdes peines de prison infligées à des militants et à des journalistes.