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Se faisant passer pour un reporter freelance, Dominique Seedeeal, celui qui se fait désigner comme « Darren L’Activiste » s’est autorisé la publication sur les réseaux sociaux d’une conversation privilégiée avec un officier de police. La conversation a été retirée par la suite de la page de Radio Mo Pep animée par l’activiste. Toutefois, selon les informations qui nous parviennent, le policier aurait été identifié et risque maintenant des sanctions disciplinaires pour s’être montré conciliant et donné des conseils à l’individu indélicat. Les conséquences de ce type de comportement, au-delà de leur caractère asocial, sont de nature à compromettre la relation de confiance entre les journalistes et leurs sources ; confiance qui est à la base de l’activité du journaliste en général et ceux qui font de l’investigation en particulier.
Dans le domaine public, Dominique Seedeeal se présente comme un journaliste. Il anime une page Facebook avec le recueil de quelques témoignages de personnes subissant les conséquences fâcheuses des décisionnaires du moment. L’exercice n’est pas vraiment compliqué tant les gabegies institutionnelles et les scandales politiques abondent alors que l’Opposition parlementaire peine à adopter des positions efficaces face à ces dérives. En somme, Darren L’Activiste fait partie de ces figures générées par les approches partisanes et clivantes du gouvernement en place, auxquelles les partis de l’Opposition parlementaire apportent une réponse peu efficace; ce qui laisse ainsi la voie libre aux multiples initiatives réactionnaires.
Dans ce pays, la mission et les fonctions de la presse sont généralement méconnues du public. Déjà que de nombreux journalistes confondent leur carte d’accréditation du Government Information Service (GIS) avec une carte de presse qui, elle, est une carte professionnelle. A ce jour, faute d’avoir convenu d’une instance garante de l’auto-régulation de la profession, il n’existe aucune structure habilitée à émettre une carte professionnelle aux journalistes (et, à l’enlever en cas de faute professionnelle).
Ainsi, « Darren l’Activiste » n’aura eu aucun mal à s’auto-proclamer « reporter freelance » et cela même auprès de la magistrature qui, en première instance, a eu à examiner la motion concernant sa liberté sous contrainte judiciaire. Mais Dominique Seedeeal n’est pas un professionnel de l’information. En effet, il l’aura démontré lui-même en postant sa conversation privilégiée avec un officier de police sur les réseaux sociaux !
Contraire à la déontologie
En effet, dans le document audio qu’il a posté sur Facebook, on l’entend s’entretenir avec un policier qui lui prodigue quelques conseils pour éviter d’aggraver son cas déjà bien mal engagé auprès des autorités policières. Presque sur la fin de la conversation, l’officier de police s’enquiert de la confidentialité de leur conversation et Dominique Seedeeal le rassure à ce sujet, en évoquant notamment un dispositif pour contourner la traçabilité de la conversation. Mais, en réalité, il était en train de piéger celui qui se montrait bienveillant à son égard !
Plus que de l’inélégance et une absence totale d’éthique, par le traitement qu’il aura infligé au policier, Darren l’Activiste aura peut-être laissé quelques indices sur sa personnalité. L’indifférence à la bienveillance qui lui a été manifestée, l’absence d’empathie dont il fait montre lorsqu’il rassure son interlocuteur pour ensuite le balancer sur le net, le désintérêt pour les règles notamment celles du métier qu’il revendique et éventuellement celles attachées à sa remise en liberté conditionnelle : cela fait beaucoup. Et cet ensemble forme un schéma qui ressemble fort à celui du sociopathe. De manière général, le sociopathe n’est pas un individu violent, mais il pourrait avoir besoin d’une aide professionnelle. Des considérations charitables qui, si elles s’avèrent, pourraient même lui être salutaires au plan juridique…
Il est heureux que l’échange avec le policier n’engageait pas l’identité de tierces parties qui auraient été également compromises. Mais, il est important de le faire ressortir : le procédé ne se conforme aucunement à la déontologie d’un journaliste. Celui-ci, en effet, a des obligations en matière de confidentialité et des responsabilités quant à l’identité de ses sources. Il doit, par conséquent, évaluer la qualité du renseignement qui lui est transmis afin de s’assurer qu’il ne tombe pas éventuellement sous le coup d’une conspiration. Au-delà, il est tenu de protéger sa source, surtout quand il s’agit d’un lanceur d’alerte qui encourt des risques que ce soit par rapport à son emploi, à la sécurité de sa personne ou celle de sa famille. Des responsabilités que beaucoup de journalistes, dont certains avec des formations diplômantes, ont déjà bien du mal à assumer au quotidien.
Toutefois, de plus en plus nombreux sont ceux qui, sans formation aucune, prétendent à un certain « journalisme citoyen », en usant de l’accessibilité ouverte aux moyens technologiques qui facilitent les formes d’expression et de diffusion. Comme on peut le constater dans le cas que nous mentionnons, ces sites qui prétendent faire de l’information ne sont pas tous animés par des journalistes formés, mais plutôt par des influenceurs financièrement ou politiquement motivés, quand ce n’est pas pour des raisons relevant de quelque romantisme héroïque ou de quelque psychopathologie…
Danger pour les lanceurs d’alerte
Quelles que soient les sympathies que les activistes pourraient obtenir en raison des travers de ce gouvernement, il importe d’aviser les personnes de ne pas se laisser aller à la confusion des genres. Les lanceurs d’alerte en particulier ont intérêt à être très prudents sur le choix des journalistes auxquels ils se confient.
Quoi qu’il puisse en être, cela comporte de grands risques pour les personnes peu éduquées et crédules. En effet, les personnes qui font confiance à ce type d’individus ne sont pas à l’abri de l’exploitation de leur naïveté et certains voient ainsi leurs malheurs exposés sans filtre sur le net. Ces victimes ne songent même pas à engager des procédures auprès de l’unité de cybercrime de la police, et ainsi le mal fait reste durablement dans des mémoires numériques.
Pour les lanceurs d’alerte, le danger est encore plus conséquent. Eux savent ce qui ne tourne pas rond au sein de leurs institutions ou de leurs compagnies et se mettent en devoir de dénoncer ce qui leur semble contraire aux lois. Mais ces citoyens n’ont aucune idée des réserves que le journaliste se doit d’observer, alors qu’il y a déjà quelques têtes brûlées au sein de certaines rédactions. Ceux-là, pris quelquefois dans l’euphorie de la vedettisation de leur personne, prennent les risques d’inutiles défiances alors que l’exercice du métier consiste essentiellement à démontrer les manquements des dépositaires de pouvoirs publics.
Il y a des lanceurs d’alerte qui ont été échaudés par des mésaventures comme la divulgation de leur identité (ou les indices pouvant contribuer à leur identification). Au-delà des risques de réprésailles pour eux, de telles mésaventures peuvent tarir les sources qui ont des raisons de considérer que la presse n’est pas fiable. C’est en cela que ce type d’agissements de la part d’individus dont ce n’est pas le métier représentent une menace pour la profession car, ils portent préjudice autant aux sources qu’aux professionnels de l’information. Car, sans une presse fiable et crédible, c’est la démocratie elle-même qui se retrouve en panne… Au point où les citoyens estiment ensuite devoir recourir à des « activistes » !