Les assaillants de Murvind Beetun passibles de servitude pénale

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Temps de lecture : 7 minutes

Les voies de fait sur la personne du journaliste Murvind Beetun sont passibles de la servitude pénale. Et de même l’association de malfaiteurs. Or, vingt jours après leurs méfaits, les assaillants de Murvind Beetun courent toujours dans la nature. Le Commissaire de police n’a plus d’excuses : les voies de fait sont actés.

Les images des incidents qui se sont produits dans les locaux de Top FM, le vendredi 14 juin 2023, ont choqué et indigné bien des internautes. Durant une pause au cours de l’émission « Radar Lepep » de Top FM qui recevait l’officier Ashik Jagai, Murvind Beetun s’est fait admonester par des individus qui ont investi les locaux de Top FM et se sont introduits dans le réfectoire de la station radio. L’indignation est de mise, certes, mais plutôt que les sentiments d’antipathie ou de sympathie que les gens sont prompts à exprimer sur Facebook, les considérations juridiques, professionnelles et sociétales doivent demeurer au centre des préoccupations de ceux qui ont à coeur l’état de notre démocratie.

Le court extrait de la bande vidéo muette qu’il nous a été donné de voir illustre parfaitement ce dont il est question. Les images nous montrent des individus qui ont envahi un petit réfectoire, l’espace réservé aux employés de la station radio, et qui ont des gestes menacants envers Murvind Beetun. Un de ces individus hostiles, en le confrontant physiquement notamment, restreint même les mouvements du journaliste. Or, à ce jour, cet assaillant, et toute la bande de pleutres aux gros bras qui s’étaient introduits dans les locaux de Top FM, courent dans la nature. Et, cela n’est pas normal.

Crime contre la paix publique

Ce n’est pas normal, parce que le Code Pénal, plus précisemment l’article 188 du Criminal Code Act, stipule que : « Toute association de malfaiteurs envers les personnes ou les propriétés, est un crime contre la paix publique ». Or, personne ne conteste aujourd’hui que des éléments de la Striking Team de M. Jagai avaient accompagné leur chef et se trouvaient sur les lieux, dans les locaux de Top FM. Ainsi, nous savons, qu’au moment des faits, il y avait des agents de police qui étaient de service sur les lieux.

Pour ceux qui ne seraient pas au courant de la géographie de Port-Louis, il faut savoir que les locaux de Top FM sont à moins d’un kilomètre des Casernes centrales. Aussi, les coéquipiers de l’ASP Jagai avaient la possibilité de solliciter leurs collègues pour embarquer toute cette horde de voyous. L’ont-ils jamais fait ? C’est en ce sens que la responsabilité de cette Striking Team est désormais engagée pour ce qui aurait dû avoir été entrepris pour assurer le maintien de l’ordre public !

Nos lecteurs doivent réaliser que certains délits sont bien plus sérieux que d’autres. A titre d’exemple, l’article 190 du Code Pénal prévoit de sanctionner les « Ringleaders » de ces associations de malfaiteurs, non pas en les mettant à l’amende, mais en les destinant directement à la servitude pénale !

Dans son témoignage à l’antenne de ses confrères concurrents, le vendredi suivant, Murvind Beetun affirmait que des éléments de la Striking Team de l’ASP Jagai figurent parmi ceux qui l’ont invectivé alors qu’il se trouvait au réfectoire. En clair, cela signifie que ceux qui ont porté atteinte à l’ordre public défilent aux Casernes centrales au nez du commissaire de police depuis plus d’une quinzaine de jours. Le commissaire Dip demeure incapable, à ce jour, de flairer ces brebis galeuses au sein de la force qu’il commande. Car, s’il en serait capable, pourquoi n’a-t-il toujours pas agi ? Est-ce parce qu’il serait celui qui serait effectivement à l’origine de la présence des deux avocats, Goolamaully et Hurrhangee, sur le plateau de M. Beetun ?

Subjudice : prétexte ou outrage à magistrat ?

Voilà donc deux juristes engagés prétendument pour indiquer à l’ASP Jagai s’il sortirait éventuellement des clous. Le prétexte de leur présence sur le plateau serait d’éviter que l’officier Jagai s’expose au délit d’outrage à la cour pour des cas qui seraient en cours d’examen. C’est la définition même de ce « subjudice » que de nombreux juristes et surtout des ministres du gouvernement voudraient ériger en rempart des méfaits qu’ils voudraient soit couvrir ou défendre.

Toutefois, l’invocation à-tout-va de ce « subjudice », alors que les affaires dont il est question n’impliquent aucun jury populaire, n’est-ce pas là insulter nos juges et magistrats en leur faisant passer pour des débiles profonds, influençables, comme autant de girouettes, aux vents des vacuités politiques et des manipulations mafieuses ? Ne sont-ce pas ces juristes qui sont formés et ont pour tâche et devoir de s’élever au-dessus des palabres et des lieux communs dont nous affligent les politiciens et leurs agents qui en font commerce ? Cette invocation du « subjudice », comme excuse ou prétexte des politiques pour se soustraire au moindre questionnement, ne serait-elle pas l’outrage véritable fait aux juges et magistrats de ce pays ? C’est dire à quel point ces considérations sont sérieuses et peuvent être lourdes de conséquences.

Quoi qu’il en soit, confondre l’exercice de l’interview de presse avec une déposition formelle dans le cadre d’une enquête policière aura fourni l’illustration de la culture lacunaire qui sévit au quartier général de la police. Seuls de parfaits abrutis peuvent confondre le prétoire et l’auditoire. Car, pour ceux qui ne l’auraient pas compris, l’entretien médiatique n’est essentiellement qu’un exercice d’image. Celui qui s’y soumet n’est jugé que par le tribunal de l’opinion et non par une cour de justice. Malgré toute la perspicacité attendue d’un officier de son rang, l’officier Jagai n’est pas parvenu à réaliser à quel point il était risible en se vantant de ses 35 ans de service, alors que son CP avait tenu à ce qu’il se pointe à la radio flanqué de deux nounous ! A quel point peut-on désirer passer à l’antenne pour ne pas réaliser le caractère outrageant des conditions qui y étaient attachées ? C’était tellement invraisemblable que l’on est en droit de se demander s’il n’y aurait pas eu quelque esprit malfaisant qui ait voulu imposer un traitement aussi humiliant à cet officier.

Sécurité au travail

M. Beetun avait-il quelque raison de s’excuser d’avoir éventuellement contrarié son employeur ? C’est le contraire qui aurait dû s’appliquer. Il est fort probable, en effet, que le directeur de Top FM se soit incriminé lui même par le contenu de son communiqué sur les réseaux sociaux. Pas seulement au plan pénal mais surtout par rapport au droit du Travail. En effet. au-delà des considérations criminelles, il y a la question de la sécurité sur les lieux du travail, qui fait l’objet d’une législation particulière, en l’occurence la législation intitulée « Occupational Safety and Health Act » (OSHA).

Car, au plan de la profession, il importe de considérer les obligations de Krish Kaunhye en tant que directeur de Top FM, et donc employeur de Murvind Beetun, à la lumière de cette OSHA qui prévoit, à l’article 12 (2) (b), que l’employeur a l’obligation de « enable the employee to stop work and immediately proceed to a place of safety in the event to his being exposed to serious and imminent danger ».

Tous les responsables des Ressources humaines devraient savoir que l’alinéa 3 de cet article de la législation OSHA prévoit que l’employé qui aurait arrêté le travail, dès lors qu’il aurait réalisé des risques à sa vie ou à sa santé, ne devrait craindre « any civil or criminal action, or any form of disciplinary proceedings ». En l’état des choses, toute omission de son employeur paraît difficilement acceptable. C’est dans ce contexte que le ministère du Travail aurait dû intervenir déjà.

Voies de fait

Les dispositions de l’OSHA trouvent d’autres résonnances eu égard au Code Pénal si l’on tient compte de ce qui est qualifié de « voie de fait ». En droit pénal, ce terme a trait à l’aggression d’une personne sans qu’il n’y ait eu de contact physique avec la victime. Les menaces et les invectives dans l’espace public peuvent ainsi être considérées plus sévèrement par les juges si les assaillants s’en sont pris, selon les précisions de l’article 158 du Code Pénal, à des parlementaires, juges, ou magistrats. Dans sa version anglaise, ce même article utilise le terme « assault » pour qualifier cette voie de fait. Le délit est tellement sérieux que la législation prévoit la servitude pénale pour un terme n’excédant pas six ans, assortie d’une amende n’excédant pas Rs 100 000. Le délit est aggravé si la voie de fait s’est produit dans la Chambre de l’Assemblée, ou à l’audience d’une cour ou d’un tribunal. Dans de telles circonstances, la peine peut aller jusqu’à vingt ans !

On pourrait considérer que Murvind Beetun n’est ni ministre, ni juge ou magistrat. Mais le Code Pénal a néanmoins fait provision pour que le citoyen Lamda soit aussi protégé des voies de fait. En effet, l’article 228 stipule que « Tout individu qui, volontairement aura fait des blessures, porté des coups, ou commis toute autre violence ou voie de fait, s’il est résulté de ces actes de violence une maladie ou incapacité de travail personnel pendant plus de 20 jours, sera puni de, l’emprisonnement et d’une amende n’excédant pas 100,000 roupies ».

Comme on peut s’en rendre compte, le caractère traumatisant de la voie de fait n’est pas une trouvaille récente de nos législateurs. Ceux-ci ont jusqu’ici estimé que la peine pour les voies de fait devaient invariablement mener à l’emprisonnement de l’assaillant. Ceci dit, Murvind Beetun est toujours en incapacité temporaire de travail (ITT). Nous arrivons aujourd’hui à l’échéance de ces vingt jours sans que la police n’ait procédé à l’arrestation des malfaiteurs envers la personne de Murvind Beetun et qui, ce faisant, se seraient éventuellement exposés au « crime contre la paix publique ».

On réalise par la même occasion, même si les citoyens Mauriciens ont fini par s’habituer aux comportements aggressifs, les voies de fait constituent des délits que la loi a toujours prévu de punir sévèrement. Or, il y a un commissaire de police dont la responsabilité est justement d’assurer le maintien de l’ordre public et la sécurité des personnes et des biens. Alors qu’il n’a toujours pas agi, la technicalité de la voie fait maintenant surface. Et plutôt que sur un plateau de radio, c’est au prétoire que M. Dip pourrait avoir besoin d’avocats pour expliquer cette banalisation du Code Pénal. Et les complicités éventuelles que le Procureur pourrait bien trouver dans cette affaire…

Car, nous savons désormais que les tracasseries faites à Murvind Beetun n’ont pas commencé lors des incidents du 14 juin dernier. En effet, avant même les élections de 2019, il était devenu l’empêcheur-de-tourner-en-rond du MSM. Ce parti pensait pouvoir lui imposer le mutisme avec force procès. Il n’en fut rien. Avec le dernier incident en date, les faits sont caractérisés.


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