Dr Maurice Curé : Ce que l’île Maurice lui doit

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Le Dr Maurice Curé s’adressant à l’assistance au Champ de Mars le 1er mai 1938

Alors que le mois de mai s’est achevé, il convient de rétablir des faits historiques, notamment en ce qui concerne l’origine des rassemblements du 1er mai, et aussi, et surtout, la question de l’éducation gratuite qui survient après les manifestations des étudiants du secondaire de mai 1975. Celle du respect de la liberté syndicale comme celle aussi du revenu minimal, dont le ministre des Finances et son Premier ministre revendiquent prétentieusement la paternité. Dans un cas comme dans tous les autres, c’est le Dr Maurice Curé qui émerge comme un homme de vision. En dépit des tentatives de le passer aux oubliettes, en dépit de la réputation surfaite de ceux qui s’en prétendent les héritiers, il y a cet homme qui, par ses valeurs, a su se placer du bon côté de l’histoire. Et, revisiter cette histoire révèle de nombreuses impostures. Et bien des imposteurs.

Le 12 mars dernier, les dirigeants d’En Avant Moris (EAM) rendaient hommage au Dr Maurice Curé en apposant une plaque commémorative sur le fronton de la boutique appartenant à la famille Babooram. De toute évidence, en s’appropriant la figure symbolique du tribun, dont le Parti Travailliste et le MMM se réclament, la jeune formation politique leur en conteste désormais la légitimité exclusive. Mais il importe de prendre la mesure véritable du tribun pour comprendre qui peut encore se réclamer de la vision et de la mission de cette autorité tutélaire. Une autorité car Maurice Curé est, non seulement à l’origine du PTR et des rassemblements du 1er mai à Maurice, mais aussi du suffrage universel et, ce qui est mois connu, de l’education secondaire gratuite !

Au-delà des raccourcis de la propagande politique

A l’approche de chaque 1er mai, les principaux blocs politiques se préparent à mobiliser des foules. Il s’agit pour eux d’exploiter ce jour férié accordé à tous les employés des secteurs public et privé . L’usage coutumier est tel que plus personne ne s’interroge sur ses débuts à Maurice mais un chef de gouvernement qui oserait remettre ce jour férié en question serait un politicien aussi inconscient que suicidaire. Les dirigeants travaillistes feront preuve d’orgueil, comme à chaque fois, pour rappeller que c’est en 1938 qu’une foule de plus de 30 000 personnes répondirent à l’appel du Dr Maurice Curé, d’Emmanuel Anquetil et du Pandit Sahadeo1 pour se réunir au Champ-de-Mars.

Les passionnés de certains faits historiques posteront éventuellement cet extrait du discours du tribun sur les réseaux sociaux : « Certains parmi vous ont préféré se priver de nourriture pour pouvoir se payer un billet de chemin de fer, afin de répondre à notre appel et se contentent aujourd’hui d’un morceau de pain et d’une banane. Je ne trouve pas les mots qu’il faut pour vous exprimer, comme il convient, ma fierté, laquelle vient du fait que le Parti travailliste a su former une véritable union mauricienne, une union de toutes les classes de la population, sauf une… Le sacrifice de ces travailleurs qui sont tombés au champ d’honneur : musulmans, calcuttas et madras — a scellé cette union mauricienne ».

L’histoire, cependant, ne démarre jamais au moment où se produit un événement. Il faut comprendre que l’événement est le résultat d’un processus historique qui peut être long quelquefois2. En fait, l’initiative de célébrer la fête du Travail remonte à 1934, quand le Dr Maurice Curé est nommé au Conseil du gouvernement en remplacement de Roger Pezzani. C’est partant de ce siège de représentant au conseil législatif qu’il démarre sa campagne en faveur des travailleurs et va faire une cinquantaine de réunions en allant battre la campagne avec ses amis Anquetil et Sahadeo. Ce dernier est sans doute le plus connu de ses soutiens, mais Curé va bénéficier d’une arme redoutable : la publication Arya Vir, bulletin du mouvement Arya Samaj. Sri Krishna3, le rédacteur-en-chef, fera ainsi connaître dans les campagnes le plaidoyer de Maurice Curé en faveur des travailleurs en général, et ceux des champs en particulier.

En août 1937, des planteurs, mécontents du pesage de leurs cannes, se joignent aux ouvriers qui manifestent à Union-Flacq S.E. Sur cet établissement sucrier appartenant à Rajcoomar Gujadhur, il est hors de question de tolérer un tel soulèvement. L’état-major va ainsi armer quelques gardiens qui ont la charge de protéger les frontières de l’établissement contre toute intrusion éventuelle. Et, ce qui devait arriver, arriva. Bilan de la fusillade : quatre morts et six blessés. Le bouc-émissaire fut vite trouvé : c’est Maurice Curé que l’on accusa de sédition !

La colère se répandit dans les classes populaires. Pour calmer les esprits, le gouverneur nomma une commission d’enquête le 17 août 1937. Il s’agissait d’examiner les revendications ouvrières et des planteurs. La commission déposa son rapport le 12 avril 1938. Elle exonérait Maurice Curé de toutes les accusations de sédition et lui donna même raison sur de nombreux points : (i) le pesage des cannes doit se faire en présence d’un représentant des planteurs (ii) les salaires des travailleurs et des journaliers doivent être augmentés (iii) la loi régissant la compensation des travailleurs doit être mise en vigueur (iv) doivent être créés un Bureau du Travail, des comités de conciliation et d’arbitrage (v) la liberté syndicale doit être respectée (vi) l’instauration de gages minimaux doit devenir effective (vii) la Banque agricole doit accorder des facilités aux planteurs.

Pandit Sahadeo, Dr Maurice Curé et Emmanuel Anquetil, figures de proue du mouvement ouvriériste pré-indépendance
“The real cause which brought the outbreak of the strike was the cumulative effect upon the workers of Dr Cure’s Labour campaign and his speeches delivered to audiences of Indians and other workers on sugar estates on behalf of the Mauritius Labour Party which he founded, assisted by his associates, Mr Anquetil and Pandit Sahadeo.” Extrait du rapport de la commission d’enquête sur les soulèvements de 1937, qui les exonérait des charges de sédition initialement retenus contre eux.

Le 8 avril 1938, M.H.T. Oswell débarquait du navire Barentz. Il s’agissait du premier commissaire du Travail à Maurice. La date est importante : cela veut dire que l’administration coloniale avait déjà connaissance des recommandations que la commission allait soumettre et avait ainsi pris les devants pour instituer ce fameux Bureau du Travail, en remplacement du protectorat des engagés. Maurice Curé avait remporté la bataille.

C’est ainsi que Lionel Collet, le dernier Protector of Immigrants and Poor Law Commissioner, allait faire la transition entre son département et le Labour Department naissant. Le processus allait durer un peu plus d’un an et, au départ d’Oswell, le Bureau du Travail était déjà fonctionnel. En effet, E.F. Twining arrivait à Maurice en février 1939 en qualité de directeur adjoint, appelé à succéder à Oswell, et cinq mois plus tard, c’est R.C. Wilkinson qui arrivait à son tour dans la colonie pour être l’adjoint de Twining.

Le 1er mai, jour férié à Maurice

Pour Curé et ses camarades, mai 1938 ne sera qu’un tremplin pour contraindre l’oligarchie à reconnaître et respecter les droits des travailleurs. Curé ne se contentera pas de cette réussite en terme de mobilisation pour couronner ses quatre ans de lutte. A l’action politique et syndicale, il allait adjoindre la conquête d’un symbole au plan législatif : obtenir que le 1er mai soit décrété jour férié comme c’est le cas en Angleterre depuis 1895. Maurice Curé allait s’atteler à cette tâche sans relâche.

Ce n’est que 65 ans après l’Angleterre que la fête du Travail sera finalement proclamée fériée à Maurice. Mais attention : si les éphémérides nous indiquent que c’est à partir de 1950 que le 1er mai devient férié, on doit tenir compte du fait que c’est le 30 avril 1949 que Curé approuva la motion de Guy Rozemont demandant que la fête du Travail du 1er-Mai soit décrétée jour férié. Elle le sera enfin l’année suivante. Mais, il nous faut retenir que des motions, dans le même sens, de Curé en 1936 et de Rozemont en 1947, avaient été initialement rejetées. Nous sommes bien obligés de constater que nous avons là affaire à des gens qui étaient bien en avance sur leur temps. Et que les Mauriciens sont des conservateurs qui mettent en moyenne une dizaine d’années à se familiariser à une idée et encore dix ou vingt ans pour finalement l’adopter.

L’Education gratuite

Ce mois de mai 2024 aura aussi vu de nombreux nostalgiques de mai 1975 évoquer ce qui aura été pour eux des moments héroïques, car ils étaient alors des étudiants qui avaient eu à faire face, non pas aux batons « Tonfa » de la police anti-émeutes actuelle, mais à de véritables matraques en bois.

La révolte estudiantine, au plan des éphémérides, est un phénomène qui aura duré une quinzaine de jours. Le premier incident survenait le 5 mai 1975 : des élèves du collège Bujoharry descendaient dans la rue Saint-Georges pour exprimer leur colère contre la direction de leur collège. Ils s’insurgeaient contre la réclamation de Rs 20 qui leur était faite pour l’organisation de leur événement sportif. Les élèves de ce collège défilent alors devant les quotidiens Le Mauricien et L’Express qui en rendent compte. Mais on finira par réaliser que ces rédactions étaient par trop embourgeoisées pour être capables de prendre la mesure du phénomène social qui était en cours.

Ce sont les agents de la State Security Service (SSS), le service de renseignements de l’époque, qui allaient réaliser qu’il se passait quelque chose dans le giron des écoles d’élite. Ils vont, en effet, se rendre compte qu’il y avait eu une série de rencontres entres les divers responsables étudiants de ces écoles en un court laps de temps. Pour pouvoir identifier les meneurs, ces agents en civil iront même jusqu’à offrir des livres porno à certains élèves espérant ainsi pouvoir obtenir des confidences en contrepartie. Lorsqu’ils parviennent à identifier le réseau qui s’est constitué, ils réalisent qu’ils ont surtout affaire à des enfants de notables : de la progéniture de ministres à celle de capitaines d’industrie, celle de franc-maçons illustres qui se retrouvait en amitié avec celle de syndicalistes et de politiciens redoutés. C’était trop tard, en moins d’une semaine la « contagion » s’était répandue sur l’ensemble du milieu estudiantin, et des enseignants s’étaient aussi mis de la partie.

Dans son compte-rendu de l’affrontement entre les étudiants et la police, Le Mauricien dira surtout que « les filles » faisaient partie de la manifestation du 20 mai. Compréhensible : la presse mauricienne découvrait le féminisme balbutiant mais résolu autant chez les gauchisants du Mouvman Libérasyon Fam (MLF) que chez les « Amazones » de la Zone Franche des factions fidèles à Gaëtan Duval qui se réclamait de la social-démocratie et obtenait le suivisme des Noirs toujours discriminés par le pouvoir hégémonique hindou ainsi que le soutien d’un patronat composé des Blancs droitistes de l’époque.

La presse d’il y a cinquante ans était plus avare que celle d’aujourd’hui au sujet des foules, estimant que le soulèvement estudiantin avait mobilisé « entre 10 000 et 15 000 manifestants ». Malgré la bastonnade sur le pont de la Grande-Rivière Nord-Ouest forçant les élèves des Plaines-Wilhems scolarisés à Port-Louis à risquer la noyade et l’hypothermie pour traverser la rivière. The Nation, journal du régime de l’époque, osa le cynisme prétendant que le governement avait décidé de « play it cool ».

En réalité, entre le 5 et le 20 mai 1975, les responsables étudiants des collèges d’élite – ceux des collèges d’Etat à ceux des collèges confessionnels – étaient parvenus à s’entendre sur une grille de lecture : les inégalités au sein du système éducatif. A bien voir, les conséquences les visaient directement sur un front existentiel majeur : le nombre grandissant de gradués-chômeurs compromettait leur avenir. Les ingrédients étaient ainsi réunis pour un cocktail explosif. Cette combinaison de facteurs était suffisante pour que l’ensemble des collèges d’élite se soulève et se montre solidaire des collèges où grouillaient les gamins de prolétaires.

Au final, Maurice s’est retrouvé avec un bilan humain fait de 118 arrestations et un bilan matériel d’une quarantaine d’autobus saccagés, dont quatre incendiés. Au cours des événements, le Dr Régis Chaperon, le ministre de l’Education de l’époque, avait déjà compris l’importance de ce mouvement social et il interviendra publiquement pour annoncer « des changements ». Sir Seewoosagur Ramgoolam, alors aussi démagogue que le Pravind Jugnauth du jour, intervenait enfin, (cinq jours après les incidents !), pour inviter les étudiants à avoir « enn ti pé pasyans ».

Ainsi, un an après les incidents, au cours de l’année menant aux élections législatives, Seewoosagur Ramgoolam proposa le principe de l’éducation secondaire gratuite, qui fut adopté par l’assemblée législative l’année suivante. C’est de ce résultat dont les nostalgiques de mai 75 s’enorgueillisent encore aujourd’hui. Un orgueil légitime du point de vue de ceux qui estiment avoir forcé la main au Chacha Ramgoolam, mais un orgueil mal placé car, une grosse majorité de la troupe des leaders de cette manifestation estudiantine n’aura jamais compris de quel chapeau SSR avait tiré le lapin de l’éducation gratuite…

Disons-le clairement : le mérite de l’éducation gratuite au secondaire ne peut, et ne devrait plus, être attribué à Seewoosagur Ramgoolam. Ce serait tout simplement de l’usurpation des mérites… du Dr Maurice Curé !

Comment ose-t-on ainsi s’avancer ? Tout simplement parce que ce sont les archives du conseil législatif qui l’établissent ! En effet, le 8 décembre 1965, en tant que membre nommé au conseil législatif, Maurice Curé réclamait l’éducation secondaire gratuite et obligatoire. Ce qui veut dire qu’avant même la proclamation de l’indépendance du pays, Maurice Curé estimait qu’il s’agissait là d’un passage obligé. Cela veut aussi dire que le Chacha s’était complu dans la fatuité et l’imposture, ne reconnaissant aucun crédit à Curé, pendant que lui savourait la gloire d’être crédité d’une formule qui a effectivement donné de nouvelles impulsions à l’économie et réparé l’ascenseur social.

Le suffrage universel

Comme les dirigeants d’EAM l’avaient fait ressortir le 12 mars dernier, les Mauriciens ont obtenu le suffrage universel grâce au Dr Maurice Curé. Il importe, cependant, de comprendre ce que cela signifie comme élément déterminant pour la démocratie mauricienne. Quand l’ensemble des Mauriciens ayant atteint leur majorité – 21 ans à l’époque – obtenaient le droit de voter, cela changeait complètement la donne dans la colonie. En effet, pour les élections de 1948, on passe de 11 844 votants à 71 569. Le collège électoral avait donc grossi de 600% !

Maurice Curé avait atteint son objectif : un peuple pouvant exercer un vote majoritaire susceptible de changer le cours de l’histoire du pays en faveur des travailleurs. Ironie de l’histoire : à force de boycott, Maurice Curé n’avait même pas les ressources financières pour se porter candidat à ces législatives !

A bien voir, ce dont les travaillistes sont moins disposés à évoquer, c’est que le Dr Curé avait fini par quitter le parti qu’il avait crée. En effet, le tribun avait déjà quitté le PTR dès 1941. Il conviendrait même de dire qu’il fut poussé vers la sortie : Curé était sur une ligne ouvriériste et, initialement, ne voulait pas de Seewoosagur Ramgoolam, qui fut finalement admis au PTR grâce à l’insistance de Pandit Sahadeo. Ramgoolam convoitait la base électorale accumulée par Curé pour promouvoir son programme d’émancipation des hindous. Et cette approche – sélective ou sectaire, selon les points de vue – ne cadrait pas du tout avec cette « union nationale » des travailleurs4 qui constituait la trame sur laquelle Curé voulait broder la nouvelle société mauricienne.

D’une triste fin et des fins inavouables

Le Dr Jules Maurice Curé s’éteignait le 2 mars 1977. Alors que l’enfant de Montagne Longue ne s’était jamais montré indifférent à la souffrance de ses concitoyens, il s’en allait dans une indifférence quasi générale.

Les journaux de l’époque notaient qu’à part Seewoosagur Ramgoolam et Paul Bérenger, les membres du conseil législatif n’étaient pas présents à ses funérailles. Outré par l’hypocrisie des travaillistes envers le tribun, Bérenger décidait de ne pas assister à la séance parlementaire prévue pour rendre hommage à l’ancien membre du conseil législatif. C’etait une première : tous les députés du MMM boycottaient ainsi ce rituel.

C’est pourtant ce même Paul Bérenger qui, lors d’un discours sur la réforme électorale5, et trouva moyen d’occulter les contributions déterminantes du Dr Maurice Curé à la démocratie locale. Dans sa leçon d’histoire aux parlementaires et aux journalistes couvrant la séance, le cuistre mentionnait Trustam Eve6, Banwell7 et même la commission Hooper8, sans une seule fois mentionner Maurice Curé. Or, tout comme ce fut le cas pour l’instauration du Bureau du Travail, ce sont les revendications de Curé auprès de la Commission Hooper qui furent à l’origine de l’instauration du suffrage universel à Maurice et du redécoupage électoral qui s’ensuivit. En fait, il était entendu que les recommandations de la commission Hooper allaient être mises en oeuvre après la Deuxième guerre.

Force est de constater que même au sein du conseil législatif, Maurice Curé n’avait pas la même conception du pouvoir que ceux qui avaient des intérêts colonialistes ou communalistes à défendre. Avec sa vision du bien commun et de la protection des plus faibles, il était autant un obstacle pour l’administration britannique que pour ceux qui avaient pris le PTR en otage pour en faire une organisation ramgoolamiste focalisée sur un nationalisme hindou.

Il fallait effacer de la mémoire collective, cet homme politique qui était parvenu à se distinguer des politiciens de l’époque comme ceux du jour qui n’ont de vision que leur propre réélection. Car, celui-là demeure le seul à avoir pu engager des transformations fondamentales pour doter son pays d’une démocratie fonctionnant au suffrage universel, de l’éducation gratuite jusqu’au secondaire, d’un cadre législatif pour la protection des travailleurs, le respect de la liberté syndicale et la reconnaissance du salaire minimum.

Rien que cette question des rétributions minimales en échange du travail fourni, révèle les prétentions émétiques du Dr Padayachy qui, avec son Premier ministre tout aussi ignorant de l’histoire politique de son pays, en revendiquant la primeur du salaire minimum démontraient autant l’etendue de leur ignorance que le niveau infintésimal de leur arogance. La pléthore de leurs conseillers n’aura pu les retenir d’enfoncer, dans le cadre du Budget 2024-2025, cette porte ouverte par le Dr Maurice Curé dès 1937 ! Quant au respect de la liberté syndicale, les cas de Yogita Baboo-Rama et de Sharvin Sanasee, entre autres, attestent de cette même régression de la culture politique en matière du droit du travail.

A considérer sans passion l’histoire de ce pays et celle de Maurice Curé en particulier, on est contraint au constat d’un personnel politique médiocre fait de ces figures despotiques que furent SSR et SAJ, ainsi que des gougnafiers dont ils se sont entourés tour à tour. Pour bien comprendre notre propos, il suffit de rappeler que le 12 avril 1938, soit le jour-même de la soumission du rapport de la commission d’enquête sur la fusillade d’Union Flacq SE, le gouverneur Bede Clifford nommait Abdool Latif Osman et Seeparsad Seerbokun pour représenter la classe ouvrière au Conseil Législatif. Ceux-là plutôt que Maurice Curé !

L’histoire se répète et celle de l’île Maurice indépendante s’écrit avec les héritiers de… Bede Clifford ! Ainsi, à défaut de savoir reconnaître la grandeur de Maurice Curé, l’île Maurice s’apprête à avoir, face à la Place d’Armes, la statue de SAJ qui serait, selon les sources proches du pouvoir, « un peu plus grand » que celle de SSR. La concurrence par fils interposés devrait consacrer, face au géant politique, deux vulgaires nabots. Et, faute de connaître son histoire, le « peuple reconnaissant » pourra ainsi vénérer ses despotes, plutôt que son libérateur.


1  Le vrai nom du Pandit Sahadeo est Dajee Rama.

2  On parle alors d’« historicité ».

3  Moins connu que le Pandit Sahadeo, Sri Krishna adopte un rôle plus effacé mais déterminant car, ses imprimés circulent via les baïtkas et participent à l’éveil des laboureurs majoritairement hindous. Le mouvement Arya Samaj avait la particularité de transcender les barrières de castes qui ont refait leur apparition peu après le premier schisme politique du MMM de 1983.

4  Avant de se porter candidat en indépendant aux Législatives de 1967, Curé avait fondé le Parti National des Travailleurs Socialistes.

5  Décembre 2018

6  Sir Arthur Malcolm Trustram-Eve, (King Counsel, et aussi le président de la Local Government Boundary Commission britannique) est celui qui divisa la métropole mauricienne en 40 circonscriptions pour le vote d’un représentant unique à l’Assemblée législative.

7  Harold George Banwell mit au point, non seulement le système First Past The Post (FPTP) mais aussi la notion de députés correctifs.

8  C’est la Commission Hooper qui recommanda l’instauration du suffrage universel à Maurice, conformément aux revendications de Maurice Curé et de son parti Travailliste formé tout juste un an plus tôt.


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