Confinement: quelle stratégie adopter?

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Richard Rault

La résurgence de cas de Covid-19 dans le pays doit être l’occasion de repenser notre stratégie tant sanitaire qu’économique. Jusqu’ici notre gouvernement avait eu recours à un confinement des plus stricts, avec l’imposition de règlements sur les mesures barrières et la fermeture de nos frontières, créant ainsi un cordon sanitaire autour du pays, qu’achevait l’établissement de mesures de quarantaine aux entrées dans l’île.

Rodrigues, épargnée par la pandémie, aura connu un statut particulier qui aura autant évité le port du masque dans les lieux publics à ses résidents que les mesures de confinement stricts que nous subissons à nouveau actuellement.  

Des sacrifices importants ont résulté de cette stratégie, notamment avec la mise en sommeil de tout notre secteur touristique. Notre économie, dépendante pour plus de 24% du PIB de ce secteur, tant directement qu’indirectement, en sort délabrée. Ceci accentué par le maintien de notre juridiction sur la liste noire de l’UE.

Certes des mesures de soutien à ce secteur existent jusqu’en juin prochain, avec l’assistance aux salaires. Parallèlement l’État vient aussi en aide aux grands groupes hôteliers par l’entremise du MIC pour les soutenir, quoique le fort endettement de ces mêmes groupes fait craindre pour leur avenir.

Chacun se rend bien compte que ces mesures, pour bénéfiques qu’elles soient sur le court terme, ne sauraient durer perpétuellement et qu’il faudra rouvrir les frontières pour que ces mêmes groupes reprennent leurs vraies activités et recommencent à engranger des revenus, ne serait-ce que pour rembourser les aides de l’État.

Les prochains appels d’offres…

Les sacrifices n’ont pas été, hélas, au registre de tout le monde. En effet, certains en auront cyniquement profité pour s’octroyer de juteux marchés et surtout réaliser des profits colossaux au point de nous fourguer du matériel défectueux. Que ce soit au bénéfice de bons amis, parents ou maîtresses des puissants, on aura vu, dans le sillage des investigations en cours, se dévoiler des mécanismes de confiscation de l’attribution des appels d’offres de marchés publics qui dépassent l’imagination et font frémir.

Au moment où les cas de Covid-19 font craindre pour tous nos compatriotes infectés par la maladie, si les précieux respirateurs arrivaient à manquer, notre colère ne peut qu’être immense à l’égard de tous ceux qui auront trempé dans cette forfaiture des respirateurs défectueux de Pack & Blisters. Et nous avons tout lieu de réclamer des autorités concernées que leur châtiment soit aussi sévère qu’exemplaire !

Par ailleurs, ces détestables magouilles nous auront révélé les faiblesses systémiques du Public Procurement Act. Les méninges des ministres Callichurn et Gobin, respectivement ministre du Commerce et de la Justice, ainsi que celles de leurs collaborateurs, seront mises à rude épreuve pour nous bétonner le système et éviter, avec ce nouveau confinement comme pour les futurs appels d’offres gouvernementaux, la répétition du scénario de l’an dernier.

Si les précieux respirateurs arrivaient à manquer, notre colère ne peut qu’être immense à l’égard de tous ceux qui auront trempé dans cette forfaiture des respirateurs défectueux de Pack & Blisters.

On attend déjà de voir les services du ministre Callichurn à l’œuvre avec les prochains appels d’offres, que la presse autant que la société civile ne manqueront pas de scruter. Évidemment le pouvoir actuel doit, ou devrait en tous les cas, se rendre compte qu’il ne sera pas possible d’acheter une tête d’épingle sans attirer l’attention.

A quand également une vraie réforme des lois anticorruption ? Si le Gouvernement veut vraiment couper l’herbe sous les pieds de ses adversaires, ce serait l’occasion. Par exemple, une réforme qui nommerait à la tête de l’ICAC un triumvirat composé du DPP, du Directeur de l’Audit et du Directeur de la MRA, tous trois des personnalités dont la nomination échappe au pouvoir politique et dont l’alliance des services pourrait surement faire la différence en comparaison des équipes sous contrôle que nous avons expérimentées.

Naturellement il faudrait pour cela que le PM en exercice accepte de se défaire d’un de ses leviers de pouvoir qu’il a su utiliser à très bon escient, notamment dans le cadre de l’affaire Angus Road ! Pour qu’une telle réforme réussisse, il faudrait donc que les éléments clean du Gouvernement puissent imposer ce point de vue au PM.

C’est loin d’être gagné dans un pays où les arcanes du véritable pouvoir semblent avoir migré, hors du Conseil des Ministres, vers d’autres cercles. Jusqu’à quand, des élus du peuple tolèreront le diktat de ces mandarins qui s’arrogent des pouvoirs que les lois de notre République ignorent ? Jusqu’à quand des officines, prenant leur source depuis les cercles du palais, voire la chambre du Roi, domineront les affaires publiques sans que ministres et députés ne réagissent ?

Pour revenir à la Covid-19, au huitième jour de confinement, il faut constater, depuis 72 heures, un plafonnement des nouveaux cas qui, après une augmentation spectaculaire, s’en va décroissant. C’est effectivement une excellente nouvelle, bien qu’il ne soit pas permis de relâcher notre garde, encore moins de crier victoire !

En effet, le simple fait, que des cas soient encore enregistrés à avant-hier, en dehors des centres de quarantaine, mais au contraire après conduite de tests dans les flu-clinics, démontre bien que le virus circule encore.

Toutefois depuis hier, le ministre de la santé nous a annoncé que tous les nouveaux cas émanent de tests effectués sur des personnes identifiées par le contact tracing et se trouvant d’ores et déjà en quarantaine. La question qui se pose alors est : combien de jours, voire de semaines, faudra-t-il qu’il se passe sans que ne soient découverts de nouveaux cas hors centres de quarantaine, avant de considérer que le virus ait été contenu ?  Et donc quand pourrons-nous reprendre nos activités ?

Plus encore, l’échec relatif de la stratégie précédente qui aura consisté à isoler le pays tout entier et à empêcher toute entrée, avant un passage en quatorzaine, aura prouvé que même le meilleur des systèmes sanitaires reste à la merci du moindre relâchement dans les protocoles et qu’un rien suffit pour que le virus ne soit à nouveau en train de sévir parmi nous.

En d’autres termes, une fois que nous aurons contenu cette nouvelle vague, que devrions-nous faire ? Devrions-nous revenir à la situation d’avant et maintenir nos frontières closes avec une quatorzaine renforcée, avec extension systématique de la quarantaine sur sept jours dès qu’un passager, parmi ceux arrivés par le même vol, est testé positif lors d’une des trois analyses effectuées après son retour ?

Il semblerait que ce protocole aurait été abandonné et que les autres passagers demeurés négatifs au bout de la quatorzaine, aient depuis le début de l’année reçu l’autorisation de rentrer chez eux. Ou qu’il y ait eu relâchement dans le confinement des passagers en quarantaine ? Ou encore les arrivées de diplomates étrangers sans passage en quatorzaine ? Sont-ce là les bonnes pistes de cette résurgence de l’épidémie ? Ou est-ce ailleurs ? Franchement, cela ne semble pas important au vu des défis à relever.

Notre système de contrôle réputé, selon les mots de PKJ, comme « l’un des plus stricts au monde », aura quand même failli.

Il est plus important de réfléchir à ce que nous ferons après. Devons-nous refermer nos frontières ou au contraire, comme nos voisins et concurrents des Seychelles, de Zanzibar ou des Maldives, les rouvrir ? En d’autres termes, comment devons-nous appréhender l’avenir ?

Rappelons-nous que nos ressources et nos moyens sont loin d’être illimités et que nous avons saigné nos réserves à blanc. Nous n’en avons plus pour longtemps avant de nous en remettre au FMI et à la Banque Mondiale et mettre notre économie sous perfusion.

Tous nos indices, de la part de Moody’s ou d’autres organismes de classement économique sont à la baisse. Bientôt Mo Ibrahim ou Transparency se joindront au cortège des mauvaises nouvelles avant de nous déclasser également dans leurs sphères respectives. 

Devons-nous retourner au statu quo ante et nous maintenir en isolement face au reste du monde en attendant le prochain accident qui déclenchera encore une nouvelle vague de cas de Covid-19 et entrainera le troisième ou le quatrième confinement ? Cela nous arrivera, c’est inévitable. Notre système de contrôle réputé, selon les mots de PKJ, comme « l’un des plus stricts au monde », aura quand même failli.

Autre donnée de taille : contrairement à l’an dernier, nous avons désormais des vaccins à notre disposition et notre campagne de vaccination a démarré. Il est impérieux qu’elle soit conduite au mieux et qu’elle obtienne la collaboration de tous, dans les secteurs privés et publics.

Saluons ainsi l’initiative du Bar Council, visant à mettre une structure de vaccination à la disposition de ses membres et à deux membres majeurs de leur famille. Ce type d’initiatives devrait être émulé par d’autres associations professionnelles.

Vacciner 2/3 de notre population, soit 800,000 de nos concitoyens est un objectif atteignable et doit mobiliser toutes nos énergies ! Il importe aussi que nous coordonnions notre campagne de vaccination pour mettre les éléments les plus vulnérables de notre société à l’abri en premier : les front-liners et les vieux sont les premiers concernés ainsi que ceux souffrant de pathologies.

Mais surtout, prenons conscience que c’est le respect des gestes barrières qui nous protègera le mieux. Fort de ce nouveau facteur, qu’est la disposition des vaccins, il est temps de rouvrir et de permettre à ce pays de fonctionner à plein régime.

Nous avons des places sur le classement des meilleures économies africaines à reconquérir. Il est temps que nous prenions acte de nos échecs pour rebondir et que nous repartions à la conquête du monde. C’est un défi à notre taille !


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