Belall Maudarbux : De la controverse aux embarras

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Belall Maudarbux

Aujourd’hui décrié pour ses opinions marquées par ses préjugés racialisés sur les filles mineures, Belall Maudarbux est le directeur d’un centre à qui l’État confie… des filles mineures ! Faisant un relevé de ses antécédents, divers titres de presse ont fait ressortir que Maudarbux avait été un collaborateur du Conseil des Religions. Ce qui a incité cet organisme à préciser que cette collaboration relevait du passé et n’avait plus cours. Mais qu’est-ce qui explique que les responsabilités plus récentes de l’individu aient pu passer à la trappe ? Visite au carrefour des arrangements entre notables, des embarras liés aux stigmatisations religieuses, des colorations politiques et les considérations corporatistes des gens des médias se gardant de contrarier une vedette de la radio.

Pour avoir tenté un amalgame sur fond de préjugés liés à l’ethnicité, dans le sillage de l’annonce de la légalité du mariage à 18 ans au lieu de 16 ans, Belall Maudarbux a fait l’objet de deux signalements à la police. Il a voulu faire accroire que la mesure singularisait les musulmans alors que, de son point de vue, la cause du mariage des mineures serait attribuable à des comportements déviants au sein de la communauté « Nas », diminutif de « Nasyon » dont on sait qu’il désigne plus particulièrement les personnes de phénotype noir.

Belall Maudarbux a accédé à une certaine notoriété quand il était un collaborateur du Conseil des Religions. Il en était l’un des porte-paroles les plus volubiles et son verbiage procurait une bonne alternative à la seule exploitation du sympathique babillage de Philippe Goupille. Une voie de communication bien opportune pour la propagande de l’inter-religieux mauricien qui serait apparemment vécu en bonne intelligence.

Les religieux s’intéressent de plus en plus aux jeunes qui eux s’intéressent de moins en moins aux religions. Ainsi, le polymorphisme religieux emprunte le boulevard de l’inter-religieux pour accéder aux établissements scolaires. Au lieu d’apprendre l’histoire des religions, les enfants sont initiés aux croyances. Ceux qui n’y voient aucune différence agréent benoîtement à cette infiltration. La démarche est institutionnalisée à travers notamment un Global Network of Religions for Children. A Maurice, le contact local du réseau global est: Belall Maudarbux!

Au pays où l’on passe pour un intellectuel dès que l’on fait usage d’un vocabulaire d’universitaire, Belall Maudarbux était quelquefois affublé du titre de docteur, alors qu’il n’aurait été qu’un doctorant. Son passage au Conseil des Religions lui aura ouvert les portes de l’université où, en tant que vacataire, il aura fait des interventions sur un module consacré à la résolution de conflits.Toutefois, plutôt que d’en résoudre, il aura contribué à tendre davantage celui particulièrement tendu de la contre-manifestation à celle autorisée de la communauté LGBT en juin 2018.

En effet, on se souviendra qu’à la suite du rassemblement contre la Marche des Fiertés du samedi 2 juin 2018, quelques dignitaires musulmans s’étaient manifestés pour appeler à la raison et à la responsabilité. Ainsi, Nissar Ramtoolah, le président de la Jummah Mosque, avait vanté la sagesse du Mauricien de toujours préférer le vivre-ensemble. De même la Société Islamique de Maurice expliquait que conformément à sa religion qui est opposée à l’homosexualité, le musulman s’estime en devoir d’avertissement des conséquences d’une irritation divine ; mais, relevait le communiqué : «  Mais ce devoir doit être pratiqué selon les provisions de la loi du pays ». Zouberr Joomaye, député de la majorité, qualifiait la contre-manifestation d’illégale et Belall Maudarbux, au nom d’un Collectif pour l’Harmonie Sociale et la Moralité Publique (CHSMP), apportait son bémol pour non seulement affirmer qu’il n’y avait pas de manifestation illégale, mais qu’il s’agissait d’une réaction impromptue et individuelle des musulmans concernés par la moralité publique pour soi-disant contrer « l’exhibitionnisme à outrance» et un « outrage à la moralité religieuse ». Il citait alors les articles 248 et 206 du Code Pénal pour indiquer ce qui, selon lui, dépassait le cadre de la légalité.

La maîtrise du sophisme

En fait, le sophisme est le terrain de prédilection de Belall Maudarbux. Il y opère en terrain conquis, à défaut d’une véritable opposition intellectuelle, surtout de la part de ses coreligionnaires. En outre, les journalistes baissent trop souvent leur garde face à ce type de personnage, qui en retire alors une forme de légitimité incontestée. Ainsi, dans le cas de ces incidents où il était question de troubles à la paix publique, pour peu qu’il organisait une conférence de presse avec quelques prédicateurs de ses amis, l’extravagant Maudarbux obtenait une couverture médiatique identique à celle de Nissar Ramtoolah, de la Société Islamique de Maurice ou du député Joomaye. La presse cristallisait ainsi la perception qu’il aurait la même légitimité que ceux qui assuraient des fonctions certainement plus représentatives de la communauté musulmane au sein de structures reconnues.

Tant qu’ils ne sont pas démasqués, de tels individus acquièrent de la reconnaissance sociale et continuent de faire de l’esbroufe. Et ils ne seront pas démasqués si les journalistes eux-mêmes manquent à leur devoir élémentaire : la vérification de l’information. Exemple ? Quand Belall Maudarbux évoque les articles 206 et 248 du Code Pénal, le premier article a trait à l’outrage à la moralité publique et religieuse et le deuxième concerne les actes indécents en public.

Il aurait donc suffi que les journalistes vérifient les législations citées pour réaliser que Maudarbux s’autorisait une interprétation de la législation dénuée de tout bon sens. En quoi la Marche des Fiertés pouvait constituer un délit d’acte indécent en public ? Comment une marche pacifique, autorisée en outre par la police, indépendamment de tous les droits sensés ou farfelus qui pourraient être revendiqués, pourrait porter atteinte à la morale publique ou religieuse ?

Le sophisme, c’est justement cela : la capacité d’user d’une apparence de vérité pour en tirer une forme de théorisation visant à mystifier ses interlocuteurs. Plus ceux-ci sont crédules, moins ils se rendent compte du raisonnement foireux.

L’amalgame participe aussi à la mystification. Elle consiste à associer des éléments hétérogènes pour leur accorder une forme de corrélation qu’ils n’ont pas nécessairement. Ainsi, on se souviendra qu’un post Facebook blasphématoire, dont l’origine avait été retracée au Canada, devint le prétexte pour la contre-manifestation de la Marche des Fiertés. Il aura donc suffi d’un troll pour que plusieurs centaines d’individus répondent aux appels de quelques agitateurs pour intimider des participants à une marche pacifique pour la revendication de droits à des minorités.

Les événements de juin 2018 nous auront ainsi montré ce fameux Conseil des Religions en total déphasage face aux enjeux de la manipulation des masses par les trolls et les sophistes à l’ère de la propagande digitalisée. Habitués à la facilité des prêches pour les adeptes à la foi aveugle, les religieux de toutes les confessions sont aujourd’hui confrontés à la nécessité d’une démarche pour une croyance davantage raisonnée. Formés surtout aux rituels de leurs théologies respectives et à la propagation de la foi selon des formes traditionnelles, ils sont aujourd’hui de plus en plus concurrencés par des prédicateurs maîtrisant mieux les outils actuels de la propagande.

Directeur d’un centre pour filles mineures

Belall Maudarbux nous avait été présenté en décembre 2018 comme le directeur du centre Havre d’Avenir, un centre auquel l’État confie des enfants en difficulté. C’était lors d’une « Opération Sandhya » dont la mise-en-scène était assurée par Finlay Salesse, l’animateur-vedette de Radio One…

Sandya en compagnie du Dr. Ismet Nawoor – Photos de l' »Opération Sandhya » menée par Finlay Salesse
Avec Nathalie Salesse, Sandya 19 ans,majeure, admise au Havre d’Avenir, centre pour filles mineures

En résumé, Sandhya, c’est une jeune fille alors âgée de 19 ans dont l’internement à l’hôpital psychiatrique allait être remis en cause par le psychiatre qui le suivait. La nouvelle se répandit, exposant la relative facilité avec laquelle on peut faire interner des individus à l’hôpital psychiatrique, malgré les procédures légalement établies prévoyant l’examen des cas par un comité d’experts sous la direction du Regional Health Director du ministère de la Santé, en l’occurrence ici, le Dr. Ismet Nawoor.

Il fallait donc que Sandhya quitte l’hôpital Brown Sequard. Sauf qu’en ce matin du 24 décembre où, comme convenu, elle allait être prise en charge au centre Passerelle, les services sociaux ne la retrouvent plus. Volatilisée ! Elle allait apparaître à nouveau lors de cette fameuse « opération Sandhya », mise au point par Finlay Salesse et présentant sa fille Nathalie comme celle qui avait mis en œuvre « l’heureux dénouement ». Magnifique conte de Noël : les auditeurs de Radio One apprenaient ainsi que Sandhya était prise en charge par le centre Havre d’Avenir et découvraient sur la page Facebook de l’animateur radio des photos du transfert de Sandhya avec le fameux Dr. Nawoor entre autres.

C’est dans ce contexte qu’intervenait Belall Modarbux, le directeur du centre Havre d’Avenir, pour signifier à Mélanie Valère, la directrice de Passerelle, qu’elle ne pouvait avoir accès à l’établissement de même que rencontrer la jeune femme. Même avec les policiers qui avaient été sollicités, Maudarbux maintint sa position mordicus : il n’autorisait pas la rencontre entre la jeune femme et Melanie Valère.

Mais il y avait un hic : Sandhya était majeur ! Admise parmi les filles mineures au Havre d’Avenir par l’opération des sains d’esprit ! Mise au courant de ce fait, la ministre de l’Egalité des genres se désengageait de cette histoire, considérant qu’il appartient à la jeune femme d’user de ses droits. Ce qu’elle put faire finalement en début de soirée pour se retrouver au centre Passerelle, comme il avait été convenu avec les services sociaux de l’hôpital.

En somme, au sujet de cet internement en hôpital psychiatrique d’une personne disposant de ses facultés, il n’en fut plus question ; Finlay Salesse avait usé de sa radio pour procéder au blanchiment de cette histoire plutôt sombre  !

L’embarras des notables…

La suite on la connaît, mais dans une forme plutôt décontextualisée. Les principaux concernés faisaient le dos rond en attendant l’amnésie populaire, ce qui n’allait pas tarder avec les beuveries de la fin de l’année. Fallait-il parler de l’employeur de Belall Maudarbux, le Croissant Bleu, cette organisation qui fait opérer le centre d’accueil pour filles mineures? On nous signale des affinités politiques qui seraient passées à l’orange au cours de la précédente législature. Mais comment aller vérifier ces histoires dans un pays où un ministre suggère de flinguer le Leader de l’Opposition?

Quoi qu’il en soit, trois mois après, le centre Passerelle faisait l’objet d’un rapport suite à deux contrôles. Les bureaucrates du service public s’interrogeaient sur la présence d’une marque particulière de beurre, du fait que certains enfants n’avaient pas été à l’école ce jour-là et s’offusquaient de l’odeur d’urine émanant de certains matelas…

Inutile de trouver là des corrélations ; l’affaire est suffisamment parlante même prise isolément. Il ne se trouva personne dans l’administration publique pour trouver que le rapport disqualifiait ses auteurs eux-mêmes. Ceux-ci n’étaient pas parvenus à comprendre par eux-mêmes que des femmes recueillies dans des situations extrêmes puissent avoir besoin de plus de temps pour s’assurer d’une meilleure conformité aux législations relatives à la scolarisation de leurs gamins. Ceux-ci n’étaient pas parvenus à considérer que des gamins ayant subi de multiples situations traumatisantes puissent faire pipi au lit et que les matelas, par conséquent, ne pouvaient sentir la rose !

Alors que ledit rapport aurait dû fournir la base documentée pour virer ses auteurs dans les règles, cette bureaucratie hermétique au bon sens s’assurait que le fameux rapport trouve son chemin dans la presse!

Les propos tendancieux publiés sur Facebook par Belall Maudarbux ont suscité des réactions très vives sur les réseaux sociaux. Tant et si bien que la Cyber Crime Unit a été saisi par le syndicaliste Dominique Marie ainsi que par le travailleur social et ancien journaliste Gary d’Eau qui dénoncent des propos qu’ils considèrent de nature incitative à la haine raciale.

A quand la prochaine apparition de Belall Maudarbux dans le rôle du rhétoricien qui offre du blé à moudre aux meuniers des groupes de presse ? Chez les notables, les embarras ne durent qu’une saison. Et les saisons font que de vieilles pies se muent en VIP. Si les lecteurs et les auditeurs sont roulés dans la farine, les meuniers, eux, dorment très bien. Qu’importe si les moulins vont trop vite ou trop fort…

Joël TOUSSAINT


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