Turquie : expulsion probable de dix ambassadeurs occidentaux pour avoir réclamé la libération d’Osman Kavala

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Le pays sur la liste grise du GAFI depuis hier

L’homme d’affaires Franco-Turc, Osman Kavala, est devenu la bête noire du régime d’Erdogan

D’un côté, l’Europe menace Ankara de sanctions si la Turquie ne relâche pas Osman Kavala, une bête noire du régime d’Erdogan. Et d’autre part, les ambassadeurs de dix pays occidentaux ont, dans un communiqué commun publié lundi soir, réclamé un « règlement juste et rapide de l’affaire ». La réaction du président turc, Recep Tayyip Erdogan, ne s’est pas fait attendre : ce jeudi des médias turcs évoquaient la probable expulsion des ambassadeurs de ces pays. Ces remous diplomatiques sont survenus quelques heures avant que le GAFI, le Groupe d’action financière, n’annonce le placement du pays sous surveillance.

La Turquie a rejoint aujourd’hui l’infâme « liste grise » du GAFI pour ses manquements dans la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Elle y retrouve des pays comme le Panama, la Syrie, le Pakistan ou le Zimbabwe. Malgré « un certain nombre de progrès » dans ces domaines depuis 2019, l’organisation a souligné que « de sérieux problèmes demeurent ».

Le couperet de la GAFI est tombé alors que resurgissait l’affaire Osman Kavala. Le Conseil de l’Europe a menacé Ankara de sanctions, qui pourraient être adoptées lors de sa prochaine session (30 novembre au 2 décembre), si l’opposant Kavala n’est pas libéré d’ici là. Cet éditeur et mécène turc est emprisonné depuis quatre ans sans jugement. Les diplomates occidentaux – représentant le Canada, la France, la Finlande, le Danemark, l’Allemagne, les Pays-Bas, la Nouvelle-Zélande, la Norvège, la Suède et les États-Unis – estimaient que « le retard persistant [pris par] son procès […] jette une ombre sur le respect de la démocratie, de l’État de droit et de la transparence du système judiciaire turc ».

Dès le lendemain de leur communiqué, les ambassadeurs de ces dix pays avaient été convoqués par le ministre des Affaires étrangères, Mevlüt Cavusoglu, qui jugeait « inacceptable » leur appel en faveur d’Osman Kavala.

La méthode d’Erdogan pour apaiser la tempête est d’en rajouter

Plusieurs médias turcs ont publié la réaction du président Erdogan qui revenait d’une tournée africaine : « Est-ce à vous de donner une leçon à la Turquie ? Qui êtes-vous ? », soulignant que la justice turque est « indépendante ». Il aurait ajouté : « J’ai dit à notre ministre des Affaires étrangères que nous ne pouvons plus nous permettre de les accueillir dans notre pays ».

Osman Kavala, 64 ans, homme d’affaires richissime et philanthrope né à Paris, est une figure majeure de la société civile turque. Il est accusé, depuis 2013, de chercher à déstabiliser la Turquie. Kavala, qui a toujours nié les charges pesant contre lui, risque la prison à vie. Il comparaîtra de nouveau le 26 novembre.

Il a été maintenu en détention début octobre par un tribunal d’Istanbul qui a argué « manquer d’éléments nouveaux pour le remettre en liberté ». En décembre 2019, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) avait ordonné sa « libération immédiate ». En vain.

Arrêté initialement pour sa participation au mouvement antigouvernemental dit de Gezi en 2013 – du nom d’un parc proche de la place Taksim à Istanbul. M. Erdogan était alors premier ministre – Kavala a ensuite été accusé de tentative de coup d’État et d’espionnage.  Dans un entretien à l’AFP la semaine dernière, Osman Kavala estime que sa détention permet au régime de Recep Tayyip Erdogan de justifier ses « thèses complotistes ». « Puisque je suis accusé d’avoir pris part à un complot organisé par des puissances étrangères, me libérer affaiblirait cette fiction et ce n’est certainement pas ce que le gouvernement souhaite », fait-il remarquer.

Par ailleurs, la livre turque a plongé à des niveaux historiquement bas suite à l’annonce par la banque centrale d’une nouvelle baisse de deux points des taux directeurs, décidée malgré une inflation galopante. La monnaie s’échangeait ce jeudi à 11 livres pour un euro – contre un peu plus de trois livres en 2017. Ainsi, la mise sur liste grise du GAFI peut avoir des conséquences néfastes pour la Turquie en termes d’investissements étrangers dans le pays et aggraver la situation économique.


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