Me Satyajit Boolell SC : « L’île Maurice s’approche dangereusement d’une dicature élective »

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Voies de fait sur un deuxième journaliste : le président de JAM déplore l’inaction de la police

Dictature élective: Me Satyajit Boolell SC reprend les propos de Lord Hailsham qui avait dénoncé, dans les années 70, la concentration des pouvoirs par le gouvernement et la perversion de la démocratie en Angleterre

L’ancien Procureur de la République, Me Satyajit Boolell SC, estime que les journalistes ont un rôle crucial à jouer dans le maintien de la démocratie à Maurice, car « le pays approche dangereusement vers une ´elected dictatorship’ ». C’était lors de son intervention à la conférence inaugurale de la Journalists Association of Mauritius (JAM) qui s’est tenue le mardi 5 décembre au siège d’Analysis à Ebène. Dans son allocution de bienvenue, Joël Toussaint, le président de la JAM a déploré l’inaction de la police face à un deuxième cas de voie de fait sur un journaliste et a laissé entendre que l’association allait faire remonter le cas à l’international.

« Dictature élective » : Me Boolell faisait allusion à ce terme désormais consacré au plan académique et qui est attribué à Lord Hailsham. Il s’agit d’un des Law Lords britanniques à s’être prononcé sur l’exercice du pouvoir par les gouvernements qui usent d’une majorité étriquée pour faire passer ses lois en force, mettant ainsi l’Assemblée nationale au service du Gouvernement, alors que le Governement est censée répondre de ses actes au parlement.

Pour Me Satyajit Boolell, la concentration des pouvoirs du gouvernement n’est pas de bonne augure pour la démocratie mauricienne. Il appartient à la presse locale de dénoncer ce type de dérives, mais il s’aperçoit que le métier du journaliste se pratique avec de plus en plus de contraintes : certains journalistes s’auto-censurent et des faits troublants sont à peine évoqués, ou pas du tout. Il a pris pour exemple une réaction de Paul Bérenger qui avait déclaré qu’il aurait volontiers giflé un éditorialiste de L’Express. « La violence verbale, c’est de la violence. Elle ne peut être minimisée », affirme-t-il, tout en expliquant qu’il a été surpris que les journalistes eux-mêmes n’aient pas été plus vocables après une telle déclaration. Et il estime que cette omission illustre bien l’autocensure.

L’éminent juriste a évoqué de nombreuses situations où les droits, et surtout les devoirs, des journalistes sont sérieusement compromis à Maurice. Partant des lois qu’il considère désuètes, telle que la sédition, ou celle de « scandaliser » la cour, et considérant les autres entraves à la profession au plan publicitaire, Me Boolell estime qu’une épée de Damoclès est suspendue sur la tête des journalistes.

Inaction de la police

Dans sa déclaration liminaire, le président de la JAM a expliqué la fonction du journaliste au plan social et civilisationnel et comment la profession est appelée à enrichir la démocratie, notamment en réclamant des comptes aux élus, ainsi qu’aux commis de l’Etat, aux responsables des pouvoirs publics ainsi qu’aux dirigeants d’entreprises. C’est ainsi qu’il trouve inacceptable que la police puisse rester dans l’inaction face à un deuxième cas où un journaliste est victime de voies de fait. C’est cette inaction, dit-il, qui doit être dénoncé à l’international, et il compte en avertir le Congress of African Journalists, ainsi que la Fédération Internationale des Journalistes.

Joël Toussaint a aussi fait ressortir que l’Independent Broadcasting Authority (IBA) s’est arrogé le droit, par le biais de sa législation, de se substituer aux professionnels habilités à déterminer la ligne éditoriale de leurs radios. Cette usurpation étant devenue légale, explique-t-il, l’instance régulatrice prend alors les radios en otage puisqu’elle peut suspendre leur licence pour ce qui relèverait de l’acte d’un journaliste qui ne se serait pas plié aux dispositions farfelues et iniques de l’IBA.


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