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La citoyenneté mauricienne s’est une nouvelle fois révélée dans sa solidarité pour contenir le fioul s’échappant du vraquier Wakashio drossé sur les récifs de Pointe d’Esny depuis le 25 juillet. Toutefois, la vague populaire, étonnamment efficace malgré ses élans désespérés, nous aura procuré le triste spectacle du gouvernement de Pravind Jugnauth englué dans l’indécision qui n’a de cesse de plonger l’économie du pays dans une cachexie mortifère et de compromettre l’équilibre nécessaire entre nos besoins de consommation et les exigences de préservation de notre biodiversité.
Dans le sud-est comme à l’intérieur des terres, une chaîne de solidarité s’est constituée, recueillant paille de canne et bidons vides pour tenter de contenir la marée noire. Puis, au sein de la résistance écologique, la branche connectée aux ressources internet a trouvé que les cheveux pouvaient servir à constituer des filtres à hydrocarbures. Depuis que les Mauriciennes ont découvert cette formule qui décoiffe, de nombreuses jeunes femmes n’ont pas hésité à se raser la tête pour faire don de leurs cheveux.
Le sacrifice capillaire des Mauriciennes, aussi émouvant soit-il, demeure cependant insuffisant pour ramener un tant soit peu de raison dans la démarche des élus totalement déconnectés. Ceux du gouvernement en particulier, atteint de ce m’as-tu-vu indécrottable dont on fait les narcissiques sévères, ne doivent plus avoir toute leur tête que d’aller se pavaner tout endimanchés sur les sites où les volontaires s’activaient en bottes et combinaisons sommaires. Il aura peut-être fallu les réactions sur les réseaux sociaux pour que ceux-là réalisent éventuellement le péril qui aurait pu découler de leur provocation. Il aurait suffi qu’un volontaire indigné balance une de ces bêtes politiques dans une cuve de ce liquide spoliée pour que tout parte en vrille et que, de toutes nos villes et nos campagnes, la population jusqu’ici trop docile fasse la chasse à ces représentants qui les représentent tellement mal qu’ils finissent par compromettre toutes les ressources essentielles de ce pays.
Pour tenter de se dédouaner, des sources du gouvernement ont tenté de faire valoir des dispositions du droit international limitant les interventions à bord du bâtiment naufragé. C’est toutefois choisir d’ignorer les devoirs découlant de sa souveraineté territoriale, une notion dont les représentants mauriciens se gargarisent bien dans les instances internationales alors qu’elle leur demeure étrangère.
«Lorsque la biodiversité est en péril, il y a urgence d’agir »
Emmanuel Macron à Pravind Jugnauth
Le drame qui se joue actuellement nous apprend qu’il faut désormais des lois pour se protéger et se défaire d’un gouvernement et de ses ministres irresponsables. De même ceux incapables d’assumer les responsabilités de leurs charges institutionnelles et qui ne sont nullement inquiétés en cas de négligence. Notre survie et nos ressources communes dépendent de certains niveaux d’exigence ; il est impératif que nous puissions amender nos lois afin de sanctionner et convenablement châtier ceux coupables de haute trahison.
«Lorsque la biodiversité est en péril, il y a urgence d’agir » : c’est la première phrase de la réponse d’Emmanuel Macron au tweet émanant du compte de Pravind Jugnauth dans lequel on peut lire son appel à l’aide en direction de l’État français. Selon que l’on soit un propagandiste du gouvernement de Pravind Jugnauth ou un journaliste indépendant, cet échange n’offre pas le même entendement. Pour le premier, il s’agit essentiellement d’inviter la plèbe orange fanatisée à voir que le chef de l’Etat français répond à son homologue mauricien. Pour le second, la leçon est sans équivoque. Elle est magistrale, comme autant une claque.
Il ne s’agit pas d’une supposition en l’air de notre part ; les organes de propagande du MSM ont bien réagi comme on pouvait s’y attendre. Ainsi, on peut lire dans Inside News : « Le Président Français apporte son aide à Pravind Jugnauth ». Même si le président Français prend soin de préciser que « la France est là. Aux côtés du peuple mauricien », au sein de ce média dépravé dont la rédaction est essentiellement vouée au culte pravindien, ils ne parviennent à lire que « Vous pouvez compter sur notre soutien cher Pravind Jugnauth ».
Toutefois, pour qui sait lire, au point de savoir apprécier autant la touche que le fleuret moucheté du langage diplomatique, il s’agit de comprendre que le président français se met en devoir d’agir promptement dès lors que la biodiversité est en péril ; et cela contraste singulièrement avec le minable qui a joué à l’attentisme pendant treize jours ! Mais, il faut bien rassurer ce « cher Pravind Jugnauth » qu’il pourra néanmoins compter sur le soutien de la France… Ce soutien qu’il n’aura pas su solliciter plus tôt !
Dans la cyber-île où l’on fait des lois aussi sévères que farfelues en matière de cyber-criminalité, il y a un hacker qui, avec davantage de bon sens que toute la bande qui conseille le Premier ministre, fait passer celui-ci pour un chef d’État responsable…
L’incompétence du gouvernement mauricien n’est plus une question qui pourrait faire débat aujourd’hui. Elle a été résolue en deux phrases. Grâce à Twitter et à son calibrage de mots, deux phrases seulement auront suffi. Mais dans l’entourage du Pravind, où les hurluberlus en mode pas-assez multiplient les balourdises, on ne résiste pas au besoin d’en faire trop. C’est ainsi que Ken Arian, lui-même un exalté local de la macronie, s’est évertué à faire comprendre que le compte Twitter vérifié de son patron serait un faux. En d’autres termes, dans la cyber-île où l’on fait des lois aussi sévères que farfelues en matière de cyber-criminalité, il y a un hacker qui, avec davantage de bon sens que toute la bande qui conseille le Premier ministre, fait passer celui-ci pour un chef d’État responsable… Mais, comme de bien entendu, c’est du Fake !
Anerood Jugnauth a la tangue en aversion, au point d’avoir autrefois qualifié de ce terme une catégorie de personnes, s’aliénant du même coup une partie de l’électorat. Mais, c’était sans savoir que son fils finirait par s’entourer de ceux qui incarnent bien l’animal… Car, comme si l’allusion subtile du président français à l’incompétence de son fils ne suffisait pas ; cette fois, en touchant le fond, la caste des communicants, celle garante du culte pravindien, s’est mise à creuser !
Joël TOUSSAINT