De la morale et des dépravés…

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Quand des fantasmes personnels s’introduisent dans le discours politique.

Comment fonctionnent ceux qui sont responsables de la communication de Pravin Jugnauth ? On peine à l’imaginer quand, au comble de son délire obsessionnel à vouloir contrer Navin Ramgoolam sur le champ de la moralité, le substitut au poste de Premier ministre s’aventure dans l’expression de ses fantasmes… Le fait même qu’il puisse songer à ce qu’on pourrait le laisser seul avec une fille dans une chambre rend-il Pravin Jugnauth rassurant ?
 
L’obsession de vouloir se montrer plus vertueux que Navin Ramgoolam a atteint un niveau tel chez Pravin Jugnauth qu’il ne peut imaginer que des esprits sensés puissent être horrifiés par une si effrayante supposition. On pourrait demander à M. Jugnauth s’il aurait songé à confier des saucisses à la garde de son chien. Quand bien même que celui-ci serait fort bien dressé, il s’agit bien d’un risque sans lequel sa proposition serait dénuée d’intérêt. Mais, lui-même père de filles, aurait-il pris un tel risque ?
 
Qu’un adulte se révèle attardé au point d’exposer sa fille à la vérification de l’aptitude d’un mâle à refouler ses pulsions est d’une inconséquence qui révolterait plus d’un. C’est quoi ce scénario scabreux qu’aucun éditorialiste n’a daigné encore jusqu’ici critiquer ? Est-ce bien ce type d’imaginaire que notre société entend élever et établir comme étalon de la moralité dans la vie publique ?

Le fait même qu’il puisse songer à ce qu’on pourrait le laisser seul avec une fille dans une chambre rend-il Pravin Jugnauth rassurant ?

A partir du moment où Pravin Jugnauth introduit lui-même ces considérations personnelles dans le discours politique, il ne peut plus reprocher à ses opposants et détracteurs de s’emparer du sujet. Bien sûr que cela révèle une partie de son univers fantasmatique et c’est du genre à faire sourciller ceux qui s’intéressent aux expressions qui évoquent l’inconscient des individus.
 
En somme, les conseillers de Pravin Jugnauth formulent un discours politique qui renvoie à une conception manichéenne des choses : Navin Ramgoolam incarnerait le mal et, par opposition, lui incarnerait le bien. Mais c’est vraiment réduire la dialectique et forcer la simplification : c’est appliquer le raisonnement par défaut sans s’évertuer à considérer la valeur d’une telle prétention. A quoi reconnaît-on le dépravé : à la désinvolture du goujat nullement embarrassé par ses actes indignes ou par les peines que se donne le mufle à draper ses pensées libidineuses et licencieuses dans les tentures de la tartufferie ?
 
Les conseillers de Pravin Jugnauth usent et abusent sans doute de références culturelles à l’emporte-pièce. Quand bien même que nombreux seraient nos compatriotes qui éprouvent des difficultés à aborder des raisonnements complexes, nos conditionnements culturels et religieux nous nous y préparent convenablement. L’hindouisme, par exemple, ne donne pas dans des notions aussi stupidement  antagonistes. Ainsi, le Vedanta nous oriente vers les notions du punya et du pâpa qui sont des termes difficilement traduisibles dans d’autres langues et que l’on ne peut restituer que par des équivalents conceptuels. Ainsi, le pâpa serait une catégorie d’actions qui ont un impact négatif sur une personne ou l’environnement du commettant qui se retrouve lui-même moralement tourmenté et pris dans un cercle vicieux. A l’opposé, le punya serait une catégorie d’actions qui participent positivement au karma de l’individu. Il s’agit là des actions positives d’un individu et celles-ci profitent à son environnement et l’inscrivent dans un cercle vertueux qui l’élève au dharma. Mais, l’hindouisme conçoit que l’individu puisse aussi accéder à l’éveil à la conscience qui l’élève tout autant au dharma. Seuls les esprits simplistes et incapables de complexité ramènent donc le karma à la seule définition de la fatalité du destin.  
 
Mais ce serait aussi bien une erreur grossière que d’attribuer les travers du manichéisme à la tradition judéo-chrétienne-islamique. Dans le confiteor des liturgies chrétiennes, on retrouvait trois dimensions de la notion du « péché » : en pensée, en action et aussi par omission. L’omission est le péché du lâche et du couard, l’action peut être celle de la brute et du truand comme celle du maladroit qui, pour peu qu’il éprouve de la contrition, avoue sa faute pour s’en faire pardonner. Puis il y a le péché par la pensée, que l’on aurait pu ignorer puisque cela n’engage que le sujet pensant et non pas quelque victime ; mais le clergé (et dans d’autres cultures, les shamans et autres prieurs et guérisseurs) assuraient cette office qui est désormais celle des psychologues et des psychanalystes.

A quoi reconnaît-on le dépravé : à la désinvolture du goujat nullement embarrassé par ses actes indignes ou par les peines que se donne le mufle à draper ses pensées libidineuses et licencieuses dans les tentures de la tartufferie ?

Ainsi, au plan personnel, l’occupant du bâtiment du Trésor gagnerait, comme tout individu d’ailleurs, à obtenir l’avis des professionnels dès lors qu’il est animé par ces troubles obsessionnelles. Pour ce qui relève du domaine public, on a certainement du mal à convenir que les conseillers de Pravin Jugnauth puissent être si peu avertis de ces considérations-là.

Car l’expression de cette obsession est telle que l’on peut craindre la perception d’un pauvre homme retenu au stade de la référence homosexuelle de son développement et qui serait confus quant au modèle paternel dont il faudrait qu’il s’affranchisse. Mais là encore, ce n’est pas si simple : s’agirait-il de celui du pouvoir d’Anerood Jugnauth, son géniteur, ou le modèle de pouvoir de son prédécesseur, Navin Ramgoolam ? Dans sa confusion des genres, Pravin Jugnauth perçoit-il Navin Ramgoolam seulement comme un rival en politique ? Il reste à voir ce que cela pourrait lui coûter électoralement, que ses conseillers ne l’aient pas averti quant à la dangerosité de ce registre pour un homme politique. 

Mais il convient de faire remarquer aux mandarins du fils de l’Empereur-Soleil que dans le registre de la moralité, on s’en fout comme de l’an mille que Navin Ramgoolam ait pu recourir au viagra pour faire la nouba avec une, dix ou cent conquêtes. Le problème survient quand il fait profiter des biens de l’Etat ou des faveurs facilitant l’enrichissement des personnes qui peuvent se prévaloir des liens personnels, et en particulier de ce type de proximité. C’est cela le problème ; et non pas une vitalité supposée et fantasmée au niveau de sa braguette !

A ce titre, les proches de Pravin Jugnauth, dont ils sont, seraient-ils exempts de reproches ? Au moment où la campagne électorale démarre, combien des ministres de Pravin Jugnauth feront les gorges chaudes tant il est question… des mouvements libérateurs de moult pulsions ?

Joël TOUSSAINT


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