Air Mauritius bientôt en sous-effectif pour la sécurité des vols

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Immobilisation d’un passager indiscipliné. Exercice de simulation chez Air Austral.
Contrairement à ses voisins, Air Mauritius ne communique jamais sur ses aspects sécuritaires essentiels, exposant ainsi ses PNC aux situations d’abus de passagers indélicats ou violents.

De nombreux membres d’équipage d’Air Mauritius (MK) doivent se mettre en règle afin de voler avec des licences en bonne et due forme mais, la formation et les tests préalables à l’obtention de ladite licence seraient compromises faute de paiements à Brinks, le prestataire d’une partie de ces services. La situation est préoccupante pour certains responsables de l’aviation civile qui réalisent que la compagnie, déjà en sous-effectif pour son personnel navigant cabine (PNC), pourrait ne pas avoir assez de PNC en règle pour la reprise de ses activités commerciales. Cette autorité régulatrice, qui veille à l’application des règles de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), a déjà accordé des dérogations sur les conditions de santé des PNC pour que le transporteur national puisse effectuer les vols missionnés pour le rapatriement ou l’acheminement du fret essentiel durant ces derniers mois. Au plan opérationnel, toutefois, il est hors de question que les vols commerciaux d’Air Maurtitius ne soient pas effectués dans les conditions optimales de sécurité et en conformité avec la réglementation internationale.

Les licences du personnel navigant cabine (Crew Member Certificate – CMC) doivent être renouvelés tous les ans à l’issue d’une série de tests d’aptitudes techniques et physiques. Il est impératif que les PNC complètent la formation dite de « Emergency Procedure Training » (EPT) des procédures d’urgence. L’un des aspects les plus importants de cette EPT a trait à l’usage de la force pour immobiliser et contraindre des passagers récalcitrants (« unruly passengers ») susceptibles de perturber la quiétude des autres passagers durant le vol ou représentant une menace à la sécurité de l’appareil. Cet élément, désigné comme « Tactical Training » dans le jargon des opérations et qui est valide pour deux ans, est l’un de ces aspects à ce point essentiels qu’il en est un passage obligé pour l’obtention ou le renouvellement du CMC.

Avant les contraintes liées à la crise sanitaire du Covid-19, Air Mauritius avait déjà pris des dispositions pour avancer les cours d’EPT compte tenu des travaux prévus sur le simulateur. On compte, grâce à ces dispositions prévoyantes, le renouvellement en mars des contingents qui étaient initialement programmés jusqu’au mois de mai. Toutefois, avec la mise sous administration, le programme de formation ne s’est pas poursuivi au-delà. Ainsi, depuis le mois de juin, la liste des PNC en situation de No Work Permit (NWP) s’allonge. Ceux-là n’ayant pu effectuer leur formation et leur examen pour le module « Tactical Training ».

Comme nous l’avons mentionné à plusieurs reprises dans le passé, les responsabilités premières des PNC ne consistent pas à passer les plateaux-repas et les boissons à des passagers qui se croient au restaurant à quelques 3 000 mètres d’altitude. Les PNC sont à bord essentiellement pour assurer des fonctions de sécurité en priorité. Au-delà des tâches d’activation et de désactivation des portes, ils doivent parer à toutes les éventualités, qu’il s’agisse des mesures d’évacuation ou de gestion de crises comme celle d’une urgence médicale ou des risques de nature terroriste. Ainsi, les compétences de ce personnel, notamment la capacité à se conformer aux procédures de même que ses aptitudes physiques, sont constamment testés et seuls ceux qui peuvent satisfaire les critères sont éligibles pour opérer des vols. C’est sans doute pour cette raison que l’on trouve moins de candidats politiquement sponsorisés dans ce contingent du personnel de MK, les mauvaises habitudes survenant après, généralement au contact du personnel politique, affectant quelquefois les exercices de promotion…

Aujourd’hui les PNC sont incapables d’opérer les vols en toute sérénité, d’une part, en raison des manœuvres de déstabilisation qui ont spolié le relationnel entre les membres d’équipage et, d’autre part, compte tenu de l’impact psychologique du prolongement des incertitudes découlant des orientations ambiguës des administrateurs. Ces derniers n’ont pas su considérer la nécessité de rapidement définir une orientation stratégique permettant de mobiliser en priorité les effectifs dans les secteurs opérationnels. Si les administrateurs ne prennent pas rapidement les mesures pour se conformer aux exigences de l’aérien commercial et garantir les conditions de sécurité pour opérer les vols, aucun responsable de l’aviation civile ne prendra le risque d’une complaisance en faveur d’Air Mauritius.

Un peu plus de 300 PNC inopérants d’ici octobre

A ce stade, la Air Mauritius Cabin Crew Association (AMCCA), le syndicat des PNC n’en a pas fait un sujet de contentieux avec Grant Thornton. Selon nos renseignements, le syndicat a bien évoqué le problème avec les administrateurs. Nos sources indiquent que le syndicat a fait remarquer aux administrateurs de Grant Thornton que, même s’ils entamaient un programme de mise-à-niveau dès maintenant, Air Mauritius n’aura toujours pas mis l’ensemble de ses PNC en règle d’ici le mois d’octobre. En temps normal, la formation est dispensée à quelques 75 PNC chaque mois. Selon nos renseignements, il y avait déjà 86 PNC en NWP au mois dernier. Au mois d’octobre, les administrateurs devraient se retrouver avec quelques 300 PNC sans certificat de compétences pour monter à bord !

S’il n’y a pas de contentieux, c’est fort probablement parce que l’exécutif du syndicat, et de même tous les observateurs sérieux de l’impact économique des décisions de Satar Abdoula et Arvindsingh K. Gokhool, réalisent que ces derniers ont refermé le piège sur eux. En effet, avec la mise à la retraite de ceux qui ont atteint 33,33 années de service, MK ne dispose que d’un peu plus de 400 PNC. Par ailleurs, Satar Abdoula s’est tiré encore une balle dans les pieds en proposant quelques 220 contrats individuels avant la finalisation de l’accord collectif avec le syndicat. Or, nonobstant la possibilité que les contrats soient éventuellement attaqués pour vice de consentement, il s’avère que les administrateurs ont proposé ces nouveaux contrats de travail indistinctement à ceux qui sont en règle comme à ceux dont les licences sont en attente de renouvellement. Comme nous l’avons déjà annoncé, les administrateurs avaient mis la date butoir pour la signature du contrat deux jours avant la tenue de l’assemblée générale de l’AMCCA mettant dans l’embarras l’exécutif du syndicat et sa présidente en particulier.

Les régulateurs de l’aviation civile sont, pour leur part, très préoccupés du fait que les responsables opérationnels des vols d’Air Mauritius n’ont toujours pas pris de dispositions jusqu’ici pour se conformer à la réglementation internationale. Sous administration ou pas, Air Mauritius ne peut permettre à ses administrateurs de déroger aux normes de la sécurité aérienne.


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