Didi met une raclée à Modi

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Elections des Parlements nationaux en Inde: Mamata Banerjee, la militante de l’Inde inclusive, met le BJP en déroute au Bengale

Mamata Banerjee faisant campagne dans son fauteuil roulant suite à l’aggression qu’elle avait subie il y a deux mois comme annoncé par Indocile il y a deux mois.

Mamata Banerjee, surnommée « Didi »[1], a remporté dimanche 2 mai une victoire spectaculaire au Bengale-Occidental, État clé de 90 millions d’habitants qui la soutient depuis 2011. Malgré la campagne très agressive organisée contre elle, le Bharatiya Janata Party (BJP), le parti nationaliste hindou du Premier ministre indien, Narendra Modi, a essuyé une sévère défaite qui ébranle désormais de nombreuses convictions dans les mythes associés à Modi. Après le dépouillement, le parti de Mamata Banerjee, le Trinamool Congress (TMC), a remporté 213 sièges du Parlement du Bengale sur les 294 que compte l’Assemblée de cet État, et accède ainsi à son troisième mandat.

« Game Over » : « Didi » dépasse le Bengale, titrait le Times of India. Pour ce grand quotidien, la victoire du dimanche 2 mai a une portée nationale : « Elle a réussi à vaincre le mythe du BJP et se pose ainsi en leader d’une alliance des oppositions contre le parti au pouvoir ».

Ce succès, « plus large et plus grandiose que sa performance de 2016 » bien que « le BJP ait utilisé toute sa puissance pour la déloger », la place au premier rang des leaders de l’opposition, relève Times of India. Narendra Modi et son bras droit, Amit Shah, le ministre de l’Intérieur, ont fanfaronné pendant des mois, en prédisant non seulement leur victoire au Bangale-Occidental, mais aussi qu’ils allaient obtenir plus de 200 sièges.

Le politologue Balveer Arora, ancien professeur de l’Université Nehru explique : « C’est la première fois que quelqu’un bat Modi en face à face. Je crois qu’il faut attribuer cela à sa popularité et à la campagne qu’elle a faite. Elle a réussi à maintenir son électorat et à renforcer son image laïque. Sur le plan national ça renforce l’opposition au Parlement. On parle déjà de Mamata Banerjee comme la tête de l’opposition à Modi dans deux ou trois ans lors des élections générales ».

En effet, les partis de gauche semblent avoir conscience de ce qu’incarne désormais Mamata Banerjee. « Le Bengale est une victoire décisive pour ‘l’idée de l’Inde’, une Inde inclusive et pluraliste » juge Shashi Tharoor, grande figure du parti du Congrès. « Cela montre la valeur d’une Inde fédérale, où les États résistent à la puissance démesurée du centre », commente-t-il.

Les sondages annonçaient pourtant un duel au coude à coude mais le décompte des voix est sans appel. Ce n’est pas la première fois que les sondages se plantent dans cette démocratie où les votants se comptent par dizaines de millions. Le célèbre analyste politique Prashant Kishore, les contredisant, avait affirmé qu’il arrêterait ses activités si le BJP faisait un score à trois chiffres au Bengale. Le pari était raillé à l’époque. Il s’est dit heureux que sa prédiction ait été confirmée par les urnes. Mais, voilà mal barrés les observateurs politiques du monde entier qui se fient à de tels caractères authentiques pour comprendre l’univers indien. Car, comme savent faire mousser les ferveurs populaires dans ce pays où le chaat massala et les revirements bollywoodiens donnent du caractère au lassi du matin, Prashant Kishore a annoncé… qu’il va se retirer de la politique !

Un échec personnel pour Narendra Modi

Au-delà du piment des récits anecdotiques, il s’agit bien d’un échec pour Narendra Modi qui s’était personnellement investi dans la campagne. Dans le monde politique indien, il était communément admis que dès lors que Narendra Modi faisait campagne, il pouvait renverser une élection. « Il n’a jamais perdu une élection » : ce qui a dérouté les observateurs des grands quotidiens c’est cet élément qu’ils avaient mis dans leur équation.

« Au Bengale-Occidental, où la politique est traditionnellement axée sur la personnalité, la ribambelle de ‘vedettes’ déployée par le BJP pour la campagne, dont Narendra Modi, n’a pas réussi à éclipser la personnalité et le leadership de Mme Banerjee », analyse The Asian Age. De son côté, Balveer Arora rappelle que « Modi avait employé envers elle un langage assez désobligeant, pas correct du tout. Elle a été blessée pendant la campagne et donc qu’elle triomphe, cela augmente son image à travers l’Inde ».

Le Premier ministre et le ministre de l’Intérieur ont félicité Mamata Banerjee. Le BJP lui-même n’est rentré dans aucune contestation de cette victoire nette. Les médias pro-BJP comme ZeeNews ont tenté quelques persiflages, comme le fait de souligner qu’elle a été battue dans son siège de Nandigram. Mais, ils étaient nombreux à reconnaître l’énorme progrès réalisé par le Trinamool Congress, devenu la grande force d’opposition au Bengale.

Ainsi, s’il s’agit d’un échec pour Modi, c’est aussi un formidable coup de projecteur sur celle qui a battu le BJP au Bengale-Occidental. On comprend pourquoi, dans la mesure où elle a fait face à une campagne électorale très dure et a été la cible de nombreuses et viles attaques, certains analystes prédisent un nouvel avenir politique national à Mamata Banerjee.


[1] Didi signifie “Grande Soeur”


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