Génocide palestinien : le Nicaragua entend initier une procédure à l’encontre de quatre Etats présumés complices

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 – Le Royaume-Uni, l’Allemagne, le Pays-Bas et le Canada accusés d’avoir armé Israël pour commettre les violations de la convention sur le génocide

Après que l’Afrique du Sud ait obtenu la décision favorable de la Cour internationale de Justice (CIJ) – organe des Nations Unies – d’accéder à une série de mesures provisoires dans l’affaire initiée affirmant qu’Israël « commet un génocide en violation manifeste de la Convention sur le génocide », c’est le Nicaragua qui lui emboite le pas en annonçant qu’elle allait engager une procédure, toujours auprès de la CIJ, à l’encontre des pays considérés comme des alliés qui contribuent à armer Israël « pour faciliter ou commettre des violations de la convention sur le génocide » dans la bande de Gaza.

La procédure du Nicaragua vise le Royaume-Uni, l’Allemagne, le Pays-Bas et le Canada. Le Nicaragua a affirmé avoir adressé un avertissement écrit au préalable à l’Allemagne, aux Pays-Bas et au Canada dans le cadre de la même action.

Dans une déclaration bilingue espagnol et anglais, le gouvernement nicaraguayen a déclaré que les quatre pays occidentaux étaient informés de sa « décision de les tenir pour responsables, en vertu du droit international, des violations flagrantes et systématiques de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide ».

Pour rappel, la CIJ n’a pas pris de décision sur la première demande de l’Afrique du Sud, qui était d’ordonner à Israël de « suspendre immédiatement ses opérations militaires à Gaza et contre Gaza », c’est-à-dire de s’engager dans un cessez-le-feu.

Cependant, la CIJ a exigé qu’Israël prenne des mesures qui, à toutes fins pratiques, l’obligent à cesser son attaque contre Gaza. « Israël doit », a déclaré la CIJ, « prendre toutes les mesures en son pouvoir pour empêcher la commission de tous les actes entrant dans le champ d’application de l’article II de cette Convention [sur le génocide], en particulier : (a) tuer des membres du groupe [c’est-à-dire, Palestiniens à Gaza] ».

La notion de plausibilité

Le Nicaragua avait précédemment demandé à intervenir dans cette affaire aux côtés de l’Afrique du Sud. Il a noté que, dans sa décision intérimaire, la CIJ « a jugé plausible que la Convention sur le génocide ait été et soit encore violée par Israël ». La procédure nicaraguéenne intervient après que la Cour internationale de Justice (CIJ), la plus haute juridiction de l’ONU, ait jugé que les allégations selon lesquelles Israël perpétrerait un génocide à Gaza étaient « plausibles » et a ordonné que des mesures soient prises pour l’empêcher.

L’obligation de prévenir le génocide naît et commence lorsqu’il existe un risque qu’il se produise ; en fait, lorsqu’il est plausible que cela se produise ou puisse se produire.

Déclaration du gouvernement du Nicaragua

Selon la déclaration du gouvernement du Nicaragua, « S’il est plausible qu’un génocide se produise dans la bande de Gaza selon le jugement de la plus haute juridiction mondiale, il ne peut en être autrement selon le jugement de la communauté internationale qui est aussi dramatiquement consciente des mêmes faits qui ont conduit la Cour à cette conclusion ».

Le Dr Carlos Argüello, le représentant du Nicaragua auprès de la Cour Internationale de Justice, est redouté parce qu’il a déjà obtenu un jugement du CIJ à l’encontre des Etats-Unis qui avaient envahi le Nicaragua et miné les ports du pays durant la présidence de Ronald Reagan. Il vient d’introduire une nouvelle procédure pour que Washington s’acquitte des indemnités financières qui accompagnaient ce jugement.

« L’obligation de prévenir le génocide naît et commence lorsqu’il existe un risque qu’il se produise ; en fait, lorsqu’il est plausible que cela se produise ou puisse se produire. Cette plausibilité ne fait plus aucun doute ni contestation », poursuit le communiqué.

« En ce sens, le Nicaragua a exhorté les gouvernements du Royaume-Uni, de l’Allemagne, des Pays-Bas et du Canada à cesser immédiatement la fourniture d’armes, de munitions, de technologies et/ou de composants à Israël, car il est plausible qu’ils aient pu être utilisés pour faciliter ou commettre des violations de la Convention sur le génocide, y compris, mais sans s’y limiter, des actes de génocide, une tentative de génocide, une complicité dans le génocide et un complot en vue de commettre le génocide ».

La déstabilisation US, encore et toujours

L’intervention du Nicaragua dans cette affaire n’est pas anodine. En effet, ce pays d’Amérique centrale, pouvait anticiper la réaction des Etats-Unis qui, pour citer notre confrère Jon Schwarz de The Intercept, « vont désormais intervenir pour empêcher toute application de la décision de la CIJ ». Dans son article Schwarz rappelle que la CIJ avait répondu à une plainte du Nicaragua dans les années 1980 en statuant que les États-Unis avaient violé le droit international de nombreuses manières en exploitant les ports du Nicaragua et en soutenant les Contras dans leur tentative de renverser le gouvernement sandiniste du pays.

Pour rappel, les États-Unis ont aidé Anastasio Somoza, le fils d’un riche propriétaire de plantation, à prendre le pouvoir au Nicaragua en 1937. Lorsqu’il a été assassiné en 1956, c’est son fils aîné Luis a pris les commandes du pays. Quelques années après la mort de Luis d’une crise cardiaque en 1963, c’est son jeune frère qui est devenu dictateur.

« Tout cela était formidable du point de vue des États-Unis. Mais en 1979, quelque chose d’horrible s’est produit : le dernier Somoza a été renversé lors d’une révolution menée par le mouvement socialiste sandiniste », commente Jon Schwarz.

En 1981, l’administration Reagan considérait la destruction des sandinistes comme une priorité absolue. À cette fin, il a financé et organisé les Contras , en grande partie membres de la Garde nationale de l’ancien régime. Les Contras ont combattu l’armée sandiniste tout en massacrant un grand nombre de civils nicaraguayens.

En avril 1984, le Nicaragua s’était porté partie requérante auprès de la CIJ pour déposer une plainte1 contre les États-Unis. La plainte avait trait aux multiples interventions des USA ans la politique nicaraguayenne, tout au long du XXe siècle, pour s’assurer que le gouvernement du pays ne nuise pas aux profits des investisseurs américains. Smedley Butler, un célèbre général des Marines devenu anti-impérialiste, est ainsi cité par The Intercept : « J’ai contribué à purifier le Nicaragua pour le compte de la Maison bancaire internationale des Brown Brothers en 1902-1912 ».

La requête du Nicaragua devant la CIJ affirmait que les États-Unis violaient la Charte des Nations Unies, la Charte de l’Organisation des États américains et, dès 1933, la Convention de Montevideo sur les droits et devoirs des États.En un mois, la CIJ avait émis des mesures provisoires ordonnant aux États-Unis de cesser d’exploiter les ports nicaraguayens et de respecter la souveraineté du pays.

« Cette histoire nous en dit long sur la manière dont les États-Unis perçoivent le droit international : ils le méprisent totalement et le voient uniquement comme un outil qui peut parfois être utilisé contre ses ennemis, mais qui ne devrait jamais être autorisé à s’appliquer à leur pays ou ses alliés comme Israël », écrit John Schwarz.


1  Une plainte constitue une « requête », selon le vocabulaire de la cour.


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