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“On gouverne mieux les hommes par leurs vices que par leurs vertus”
Napoléon Bonaparte
Le vote des amendements à l’IBA Act a provoqué bien des émois chez ceux qui, bien conscients de la possibilité qu’offre cette législation pour tenter d’obtenir les sources des journalistes en invoquant des clauses relatives au terrorisme et à la cybercriminalité, voient en Pravind Jugnauth un despote plus disposé à réduire l’espace des libertés constitutionnelles qu’à plutôt les élargir.
Les événements ont, bien entendu, mobilisé les bonnes volontés soucieuses de protéger leurs droits à l’expression et leur capacité à recevoir et à partager des informations sans entrave. Ils auront aussi favorisé des initiatives de la part des opportunistes politiques davantage motivés à se donner une consistance dans la perception populaire. Et si ceux-là laissent Pravind Jugnauth imperturbable, c’est que le patron du MSM a appris à ne pas craindre les aboyeurs tant ils sont incapables de mordre.
Des opposants réduits à sa mesure
Pravind Jugnauth est en position de force sur l’échiquier politique locale parce qu’il sait pouvoir compter, non pas sur d’exceptionnelles capacités au sein de ses troupes, mais plus efficacement sur les faiblesses de ses adversaires ! Peu lui importe qu’il soit incapable de grandeur ; il lui suffit de les savoir réduits à son niveau, dans la catégorie des personnes publiques qui ne s’embarrassent pas des soupçons sur leur probité. Bérenger, l’homme dont le fonds de commerce était de scander « scandales » et « corruption » à chaque coin de rue où il tenait meeting ? Collendavelloo, celui qui incarnait l’honneur pouvant aller jusqu’à la démission pour un soupçon ? Depuis que Pravind Jugnauth leur a mis la main dans le cambouis de la centrale Saint-Louis, ni l’un, ni l’autre n’a pris les devants pour contraindre la police d’initier une enquête au sujet des allégations les concernant. Puisque l’ICAC n’est pas pressé, l’honneur est mis en attente.
Comment, à moins d’être un parfait naïf, oser penser que Pravind Jugnauth pourrait être un tant soit peu intimidé par ce Badhain avec qui, hier encore, il jouait les intimidateurs et les séquestreurs ? L’agitateur ne lui faisait-il pas le baisemain comme d’autres font la reconnaissance au parrain ? Qui sont ceux que Bodha pourra rassembler quand il est incapable de se prononcer au sujet d’un Soodhun poussé à la voie de garage ? Craint-il une volée de bois de rose de la part de celui qui s’était affublé d’un titre usurpé de ministre des « affaires islamiques » et qui avait engagé le pays dans la coalition militaire menée par Mohamed bin-Salman contre le Yemen et qui est dénoncée aujourd’hui pour ses crimes de guerre, dont l’usage de la faim contre les populations civiles ? Est-ce que c’est Duval qui réclamera une enquête sur ce même Soodhun qui l’a ridiculisé pour son prétendu beau geste pour ne pas embarrasser le pays lorsque celui-ci était nommé ambassadeur à Riyad et les Emirats ?
Pravind Jugnauth a beau être exposé comme tout tyran à la paranoïa, cet ersatz d’opposition lui procure bien des raisons de jubiler. Et il a aussi de bonnes raisons de ne point craindre cette opposition extra-parlementaire incapable de penser juste. Pour preuve, cette « veillée mortuaire » de la presse. Les auteurs de cette méprise peuvent se torcher avec l’acte de décès et s’en gaver ! La vigueur du commentaire devrait leur faire réaliser que le cadavre à veiller n’est même pas moribond. Cette presse n’est pas faite seulement de teneurs de micro offrant leurs complaisances aux girouettes des influenceurs du moment ; elle est aussi et surtout faite de ces quelques éléments jaloux de leur indépendance et qui n’accepteront jamais de dépendre même de ceux qui pourraient paraître aux profanes comme des alliés conjoncturels.
Une presse indépendante ne peut être subordonnée
Aucune alliance, aucun partenariat ne saurait entacher l’indépendance de la presse. Il ne saurait en être question ! Tant qu’il y aura justement ces quelques irréductibles, il y en aura pour dire au petit potentat qu’il peut lui-aussi mettre son « press council » dans le croupion des plumitifs de Gohin et de Lee Shim. C’est seulement avec ceux-là que ça passera. Car, ceux qui raisonnent un tant soit peu au sein de cette profession, ainsi que ceux dotés de facultés leur permettant d’exercer leur sens critique, peuvent réaliser qu’à l’arbitraire des politiques, s’oppose l’arbitraire de la définition rationnelle : une presse dite indépendante ne pourrait être subordonnée à un organisme dont pourrait accoucher quelque gouvernement !
Même ce secteur dit privé devrait sérieusement considérer les rapports malsains que certaines corporations entretiennent avec la presse. Les ambiguïtés dans l’attente de privilèges en échange de la publicité donne lieu à des rapports de dépendance aussi pervers que ceux dans lesquels se complaisent les politiques. Ceux-ci doivent être dénoncés avec la même vigueur. Car, le pourrissement auquel nous assistons aujourd’hui émane bien d’un processus plus long initié au moment où le ver pénétrait le fruit et la presse n’avait pas alors exercé toute sa vigilance.
« Il faut également tenir compte de l’importance d’établir une ligne de communication avec les professionnels des médias qui sont nos partenaires. S’il est vrai que la liberté de la presse constitue un droit fondamental des professionnels des médias, il est cependant important de ne pas écarter la possibilité de faire cause commune lorsque l’image du pays est en jeu et que sa protection présuppose que nous fassions preuve de patriotisme. Les médias locaux devraient être en mesure de se ranger de notre côté lorsque la réputation de Maurice subit des attaques inacceptables et sans aucun fondement » : ces propos sont ceux de Mahen Seeruttun, ministre des Services financiers, dans une interview qu’il avait accordé à Lindsay Prosper et qui avait paru dans l’édition de L’Express du 20 novembre 2019. Cet individu, ministre de surcroit, qui a exercé au sein du secteur privé, était incapable de réaliser que ses propos étaient aussi dégoutants qu’un furoncle laissant échapper son pus !
Aucune limite à la candeur des incultes
Il y a toute une éducation à faire dans ce pays pour que l’on comprenne que la presse n’est le partenaire de quiconque. Elle ne fait cause commune avec personne et certainement pas avec ces ministres qui, parce qu’ils manquent à leurs devoirs, sont la vraie cause de ces atteintes à l’image du pays ! Cet individu qui a échoué dans un fauteuil ministériel est incapable de réaliser qu’il incarne la honte pour tout le secteur du business lorsqu’il se croit habilité à demander à ce que la presse se range « de notre côté ». Il ne peut comprendre qu’il est à demander à la presse de se montrer partisane. Telle est sa culture. La candeur de l’inculte ne connaît aucune limite. Et ainsi, la Bonne Gouvernance a été confiée à un vulgaire canasson que l’on fait passer pour un étalon.
Fallait-il s’étonner que Ng Sui Wah fasse étalage de sa culture de vassal ? L’indépendance de sa fonction a-t-elle fait l’objet d’un questionnement auprès des instances compétentes ? N’est-ce pas la même chose pour l’ICAC ou pour la commission de supervision électorale ? Il y a une soixantaine d’individus qui siègent à l’Assemblée nationale alors que le coût de leur campagne électorale est en dépassement des montants légalement autorisés. Et on ose croire qu’il y en aurait parmi ceux-là qui vont faire la leçon à Pravind Jugnauth !
Ce dont il convient de rendre compte c’est que la masse issue de nos écoles est incapable de réactions civiques. Dans d’autres pays, ces individus qui sont dans l’usurpation de la députation n’auraient pas pu marcher sur le chemin. Ici, ils sont adulés. Il n’existe aucune loi pour les rendre inéligibles. Mieux : alors que ces candidats des principaux partis se savent tous disqualifiés, certains s’en vont en Cour suprême déposer plainte pour de la triche aux suffrages ! Et le judiciaire, à la célérité proverbiale, ne s’est toujours pas prononcé alors que ce gouvernement est à mi-mandat.
Mue davantage par les privilèges que peut procurer le copinage politique que par la notion du bien commun, la population mauricienne n’a été que trop longtemps déresponsabilisée. Elle a été infantilisée. Au point même de s’inventer des pères à tout bout de champ, pour tout et pour rien. Ainsi fabrique-t-on des ânes. Et ceux-ci s’estiment bien représentés au parlement ! Alors, s’il faut que ce pays apprenne ses libertés par la dictature, si la population devrait apprendre le droit à l’expression par le bâillon que lui impose la majorité, pourquoi le démocrate devrait-il s’opposer à la volonté du peuple ? Qu’il assume ses choix !
Tout comme le barreau compte sur le panache de quelques juristes émérites pour maintenir sa légitimité et son indépendance lorsqu’il s’agit de rappeler ses avocaillons à l’ordre, la presse a besoin de s’autoréguler pour assurer l’indépendance de sa mission. Celle-ci ne consiste pas à parler des trains qui arrivent à l’heure, mais bien à présenter à la population les manquements des élus qu’ils se choisissent et la piètre qualité des responsables institutionnels que ceux-ci nomment. Telle est la mission de la presse et ce ne sont pas les quelques usurpateurs qui ont pris le parlement en otage qui vont la changer !
Joël Toussaint
Oui la solidarité de la Presse est plus que jamais nécessaire.
Comme d’habitude la “naive” que je suis, me permet de recadrer mon champs de vision sur les affaires politiques.
Merci.