Inde, 17e Lok Sabha : Contrôler la diffusion des « Fake News » via les réseaux sociaux

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Face à l’ampleur de la désinformation en Inde, la Commission électorale va pour la première fois contrôler la campagne sur les réseaux sociaux. La Commission électorale a, en effet, annoncé de nouvelles règles depuis un mois déjà, afin de limiter le comportement agressif des partis politiques sur Internet. Les règles encadrant la campagne électorale vont désormais s’appliquer aux réseaux sociaux pour mieux lutter contre les «fake news». La désinformation a récemment atteint des sommets en Inde et représente une menace pour ces législatives où 300 millions d’électeurs sont connectés aux réseaux sociaux.

Contrer la désinformation dans un pays comptant plus de 300 millions d’internautes

«Aucune publicité louant les actions du gouvernement, en version électronique ou papier, ne doit être diffusée avec l’argent des finances publiques», a rappelé la Commission électorale par la voix de Sunil Arora, son commissaire en chef.  
 
La désinformation a pris des proportions considérables sur les réseaux sociaux et la lutte contre la désinformation en cette période d’élections est devenu un défi majeur. Depuis l’attentat qui a tué 40 paramilitaires sur le territoire indien mi-février, les mouvements nationalistes hindous profitent de la récente crise autour du Cachemire avec le Pakistan, majoritairement musulman, pour mobiliser leur électorat.
 
Le pays, dont un tiers des habitants est connecté, est particulièrement vulnérable aux «fakes news» sur Internet, qui ont des conséquences parfois dramatiques. A titre d’exemple, en 2018, des dizaines de personnes ont été lynchées à mort par des habitants, après la propagation de fausses rumeurs via l’application WhatsApp. La messagerie a dû restreindre les transferts de messages et inciter ses 200 millions d’usagers en Inde à débusquer les fausses vérités.
 
Dans ce contexte de tensions ethniques et sociales attisées par les partis, Alt News le site indien de «fact-checking» a débusqué de nombreuses «fake news», comme des images de tanks pakistanais datant de deux ans, diffusées pour faire croire à une invasion imminente. Ou une photo prétendant montrer les dégâts causés par l’armée indienne au Pakistan, en réalité prise après le tremblement de terre de 2005 au Cachemire.

Les responsables indiens des grandes plateformes, ainsi que des membres de Internet and Mobile Association of India (IAMAI) ont remis, le 20 mai dernier, à Sunil Arora, le patron de la Commission Electorale, un code d’éthique volontaire pour réguler l’usage des moyens électroniques de diffusion.

Ces fausses nouvelles ont exacerbé le sentiment nationaliste et antimusulman à travers le pays, même dans les villages les moins connectés. «Le Bharatiya Janata Party (BJP), le parti nationaliste du premier ministre, est lui-même un très grand pourvoyeur de «fake news». Selon les premiers sondages, la mise en scène de la riposte de Modi face au Pakistan a servi son image de leader alors qu’il était affaibli dans les zones rurales, confrontées à d’importants problèmes économiques», souligne Charlotte Thomas, politiste et directrice du programme Asie du sud du collectif de chercheurs Noria.
 
Au risque d’accroître encore plus les divisions entre communautés, le premier ministre Narendra Modi a ainsi essayé de jouer à fond la carte du nationalisme hindou pour être réélu. Lundi, toutefois, après dix jours de bombardement médiatique, les publicités à la gloire de Narendra Modi ont brusquement disparu des journaux indiens. Le code de conduite encadrant la campagne électorale est entré en vigueur la veille, dès l’annonce du calendrier des législatives qui doteront la plus grande démocratie du monde d’un nouveau premier ministre.
 
Pour rappel, l’équipe de campagne de Narendra Modi a essuyé un sérieux revers quand la Commission Electorale a interdit la sortie de son biopic jeudi. Comme nous l’avions fait ressortir, l’équipe de Modi a essayé de se rabattre sur NaMo TV, leur nouvelle chaîne de diffusion Internet. La Commission Electorale est intervenue pour préciser que l’interdiction valait bien pour tous les moyens de diffusion, y compris donc l’Internet.
 
Les principales plateformes – Facebook, WhatsApp, Twitter, Google et Share Chat – se sont engagées à ne diffuser que les publicités politiques déjà validées par la Commission électorale, souligne Sunil Arora. Les SMS et les messages vocaux, très utilisés pour faire campagne en Inde, sont dorénavant soumis à cette règle de pré-certification des publicités, comme le sont déjà les spots électoraux diffusés à la radio ou sur Internet. Les plateformes doivent également supprimer les contenus offensants repérés par les experts de la Commission.

Contrôler les « fake news »: challenge technologique face à un problème éthique. Photographer: Dhiraj Singh/Bloomberg

Les comptes des partis et des personnalités politiques seront surveillés de près. Les candidats ont dû fournir des détails relatifs à leurs comptes Twitter ou Facebook pour se présenter aux élections. Les dépenses qu’ils effectueront pour promouvoir leur candidature sur ces plateformes seront alors directement inscrites au registre des dépenses de campagnes.
 
Il a aussi été convenu que les réseaux sociaux assurent une «période de silence» de 48 heures avant le vote. Une mesure particulièrement difficile à contrôler, les électeurs des différentes régions du pays n’étant pas appelés à voter en même temps, mais en sept phases différentes, sur près de six semaines.
 
«Ces nouvelles mesures envoient un signal positif. Cela montre que la Commission électorale remplit son rôle et agit. Mais surveiller tout ce qui se passe sur les réseaux sociaux est une tâche immense en Inde», estime Charlotte Thomas. 


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