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La famine continue de frapper la région sud de la Grande île. Face à l’urgence de la situation, la solidarité s’organise à La Réunion. Samedi (10 octobre), plusieurs associations péi s’étaient réuni à Saint-Denis pour présenter la plateforme « Agir pour Mada » et les actions menées à La Réunion. La sénatrice Nassimah Dindar a interpellé, de son côté le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères pour lui demander expressément d’apporter une aide française à Madagascar. Pilotée toujours depuis La Réunion, une opération « Kéré 2020 » va proposer une aide alimentaire d’urgence aux familles les plus vulnérables et un approvisionnement en eau potable.
La malnutrition infantile est au cœur de cette tragédie que vit actuellement le sud de la Grande Ile. « Ce sont les petits marmailles qui sont les plus fragiles. Ils mangent un peu de cendre avec du tamarin, pour atténuer l’amertume », explique Pana Reeve, le président de la FEO. Plusieurs associations se sont regroupés pour organiser une véritable action de solidarité en direction de la Grande Ile : l’Union Sportive Sainte Marienne, Agir pour Mada, la Fédération des entités œuvrant pour Madagascar (FEO) et la Maison des associations de Saint-Benoît.
Un rassemblement d’envergure, dont se félicite Pana Reeve. Ils ont ainsi convenu de la plateforme « Agir pour Mada », un site qui encourage la collecte de fonds, dans une volonté de transparence. « On a un relais là-bas mais il nous manquait une plateforme pour amplifier notre action et mettre en place un vrai réseau d’entraide. Tout le monde ici demande : comment faire pour aider les Malgaches. Donner c’est bien, mais encore faut-il que ça profite aux concernés, notamment aux enfants ».
Le Secours Catholique de la Réunion a pour sa part lancé un appel à des dons financiers pour « accentuer le déploiement de ses aides d’urgence dans la région Sud de Madagascar en proie au Kéré ». Des urnes sont disponibles dans les agences du Journal de l’île (JIR), à Sainte-Clotilde et Saint-Pierre.
Au-delà des fonds, les associations de La Réunion espèrent pouvoir envoyer un maximum de colis alimentaires. « On les achète à distance, ils sont ensuite acheminés vers le sud malgache, dans les zones enclavées ». Un protocole qui se veut le plus clair et transparent possible : « le colis coûte 13 euros et dedans on sait exactement ce qu’il y a : du riz, des lentilles, du thon… de quoi faire tenir une famille de 4 personnes pendant un petit moment ».
« Kéré 2020 »
L’association « Kéré » lance, elle, l’opération « Kéré 2020 » pour une aide alimentaire d’urgence aux familles les plus vulnérables de la région de l’Androy qui fait partie des régions les plus défavorisées de Madagascar. Victimes de la sécheresse, des centaines de milliers d’habitants de l’Androy, dans le sud de Madagascar, n’ont plus de quoi se nourrir et l’association prévoit aussi un approvisionnement en eau potable des communautés les plus impactées. Ce projet réunionnais est piloté par le Gret, une ONG spécialiste du développement durable habituée à travailler sur la zone.
Selon les agences qui interviennent dans la région de l’Androy, 94% des ruraux vivent en dessous du seuil de pauvreté et 68% d’entre eux sont fréquemment en situation d’insécurité alimentaire. Plusieurs maires de communes rurales et isolées ont appelé à l’aide ces derniers jours. Ils déplorent déjà plusieurs décès liés au manque de nourriture. Les jeunes enfants sont les plus vulnérables. Les récoltes ont été très mauvaises, aussi la grande majorité des ménages se retrouve sans réserve alimentaire. Elle subsiste avec la cueillette des fruits du cactus rouge mais c’est largement insuffisant.
Conséquence très visible du réchauffement climatique : la ressource en eau douce diminue d’année en année et les crises alimentaires et nutritionnelles sont de plus en plus fréquentes. Cette année, la situation est encore plus grave : il n’a pas plu dans certaines zones depuis plus de neuf mois !
Alors que le sud malgache était déjà confronté à un sérieux épisode de famine, une vaste mobilisation organisée à la Réunion avait vu le jour. Cette première opération « Kéré » avait permis de récolter 400 000 euros de dons. L’opération « Kéré 2020 », qui fait donc écho à celle de 2007, sera mené sur les districts d’Ambovombe et Tsihombe, notamment les zones littorales, les plus impactées par la crise. De nouveau mandaté par l’association « Kéré », le Gret a pu établir ces derniers jours un projet précis, réalisable à très court terme.
Accès à l’eau potable, un problème récurrent
L’accès à l’eau potable est un problème récurrent dans le sud de Madagascar. L’idée, c’était agir sur le long terme et apporter de l’eau en priorité aux enfants scolarisés, en recueillant l’eau de pluie. L’opération, déjà pilotée à l’époque par le Gret, avait permis la construction de 64 citernes et la réhabilitation de dix impluviums. Au moins 50 000 personnes, dont 24 000 enfants, ont enfin eu accès à de l’eau saine grâce aux citernes de « Kéré » financées par les Réunionnais.
L’objectif général de l’opération « Kéré 2020 » est d’aider les ménages de l’Androy à faire face à la situation alimentaire et nutritionnelle jusqu’en janvier 2021. Un ciblage des communes va tenir compte des avis des acteurs locaux (autorités, Progamme Alimentaire Mondial (PAM), ONG…) et des interventions en cours menées par d’autres associations pour assurer une complémentarité dans les interventions.
Grâce au projet de l’association « Kéré », ce sont 750 ménages vulnérables soit 6 000 personnes qui vont pouvoir bénéficier rapidement d’une aide alimentaire. Et, avec la réhabilitation des citernes, ce sont 12 000 personnes qui vont bénéficier d’un approvisionnement régulier en eau potable. Pour mener à bien son projet, « Kéré » a donc besoin de la mobilisation des Réunionnais, car ces objectifs seront réévalués en fonction des fonds réunis par l’association.
La situation a également poussé Nassimah Dindar à interpeller Jean-Yves Le Drian, le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères. La sénatrice demande à la France d’apporter une véritable aide à Madagascar. « La France a aussi un rôle essentiel à jouer. Il s’agit d’une part de répondre à l’urgence vitale et d’autre part d’aider à la dotation de ces régions d’équipements, tels qu’un pipeline, permettant d’acheminer de l’eau de manière régulière. Ces équipements, onéreux mais indispensables, permettraient de résoudre définitivement le problème de sécheresse et la famine qu’elle provoque », écrivait-elle au ministre.
Sur le plan international, l’aide est également présente, avec notamment l’intervention du programme alimentaire mondial (PAM) des Nations unies. A titre d’exemple, le PAM, qui vient d’obtenir le prix Nobel de la paix, annonçait le 1er octobre dernier que 750 personnes d’Ifotaka ont bénéficié d’une assistance alimentaire d’urgence. « C’est la reconnaissance du travail acharné de nos équipes en première ligne sur le terrain pour venir en aide à 100 millions de personnes à travers le monde », écrit le programme sur Twitter.