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Dans le sillage des agitations dans divers quartiers populaires du pays cette semaine, on peut réaliser la justesse des propos que tient Patrick Belcourt dans les colonnes de 5Plus. Le leader du mouvement ‘En Avant Moris’ fait, en effet, ressortir les bienfaits de ce qu’il appelle des « soupapes » que l’opposition extra-parlementaire a pu apporter à l’expression populaire. Mais, à part lui et son mouvement et, avant eux, ‘Rézistans ek Alternativ’, cette opposition extra-parlementaire est essentiellement composée de réactionnaires et de populistes. On n’aura pas manqué de noter qu’au lancement de Linion Pep Morisien (LPM), Belcourt les félicitait de se structurer en parti politique, affirmant son souhait pour une diversité de propositions politiques plutôt que la seule contestation.
Mais attention : les causes et les effets se chevauchent dans les propos de Belcourt. Et il importe que nous ne les confondions pas. Le rapport de causalité ne peut être le même si l’on considère seulement le report des élections municipales comme une perversion de la démocratie alors que les PPS de Hureeram bafouent la démocratie locale durant toute une mandature sans que la presse ne s’en offusque. Ne sont-ils pas effectivement ceux qui disposent d’un financement qui leur permet de fouler les platebandes des collectivités locales ? A qui donc devrait profiter le statu quo : aux élus des collectivités ou aux PPS ? Si nous faisons l’économie de ce type de questions, nous permettons à la racaille politique de poursuivre son œuvre dévastatrice sur les différents leviers de notre démocratie.
De notre point de vue, le fait étonnant dans les incidents qui ont débuté mercredi à Camp Levieux et menant aux interventions brutales de la police dans divers endroits du pays, c’est que les manifestants, usant des réseaux sociaux, ne sollicitaient pas la présence de leurs élus. C’est le principal enseignement qu’il nous semble devoir retenir pour apporter un éclairage sur un dérèglement systémique de la représentation politique dans notre pays. Les sempiternels discours sur le « tissu social fragile » ne fait que permettre à quelques figures du nationalisme hindou d’entretenir la peur chez les citoyens pacifiques et de provoquer ceux qui en ont marre d’être stigmatisés au seul motif de leur identité ethnique différente. Or, ce ne sont pas des incidents de cette nature qui ont fourni le prétexte aux interventions policières permettant aux éléments les plus dangereux de s’engager dans des violences garanties d’impunité par le seul port de l’uniforme.
Quatre représentants à l’Assemblée nationale pour la circonscription No. 19 : trois élus au premier tour – Paul Bérenger, Deven Nagalingum et Ivan Collendavelloo – et une Best loser – Fazeela Jeewa-Daureeawoo – propulsée vice-Première ministre. Bérenger, le chef de file du MMM, a été Premier ministre et a été Leader de l’Opposition durant des décennies. Collendavelloo, le leader du Mouvement Libérater a été vice-Premier ministre. Deven Nagalingum, l’ancien maire des villes-sœurs, n’est pas un novice non plus. Mais voilà, Nagalingum, qui auparavant expliquait la nécessité d’être proche des citoyens, s’en est plutôt éloigné. Les deux leaders politiques sont eux englués dans une affaire de pots de vin dans l’affaire de la centrale électrique de Saint-Louis. La vice-Première ministre est loin de briller et sa circonscription n’est certainement pas un exemple pour le ministère qu’elle dirige, notamment celui de l’Intégration sociale, de la sécurité sociale et de la solidarité nationale.
Au plan partisan – la forme d’évaluation la plus spontanée de ceux engagés en politique – l’équation n’est favorable à aucune des formations traditionnelles. On l’aura constaté en particulier avec les membres du gouvernement, en l’occurrence avec le traitement réservé à Allan Ganoo à Chemin Grenier lors des inondations l’année dernière. Tania Diolle qui s’enorgueillissait de ses réalisations en tant que PPS en janvier a déchanté dès les premières crues. Les habitants de Vacoas-Manhattan ont remis Gilbert Bablee à sa place de PPS prétentieux lors d’un direct radiophonique. Le patron des PPS, le fameux Booby Hurreeram, plus caractériel que pouvant faire preuve de caractère, a dû quitter Plaine Magnien sous escorte en compagnie du ministre-danseur Stephan Toussaint.
Car, priver la population d’une parole qui puisse formuler ce qu’elle ressent relève essentiellement de la dictature. Et c’est contraire à ce qui nous constitue, puisque c’est ainsi que nous devons comprendre le terme « Constitution ».
Laurette nous aura contraint de réaliser que la démocratie représentative est moribonde depuis belle lurette. Si l’on se reporte à la grande manifestation à son initiative à Port-Louis, ou même celle de Mahébourg et la réédition à Port-Louis avec les membres de l’Opposition parlementaire, on s’aperçoit bien que la population n’attend plus grand chose de ses représentants à l’Assemblée législative. Certes, il faudrait considérer que le présent Speaker – un non élu, précisons-le – a émasculé tous les mâles qui auraient voulu jouer au « gran mari » au dépens de son Premier ministre. Mais l’eunuque de service, aussi vociférant qu’il soit, avait été devancé en cela par la crécerelle qui l’avait précédé à la présidence de l’Assemblée.
Même ceux qui pourraient privilégier une lecture anti-Pravind Jugnauth devront reconnaître que – même si cet avorton politique est un obstiné du calcul partisan qui s’est entouré d’obsédés d’équations essentiellement électoralistes – il ne peut se targuer d’être celui qui, en usant de son aboyeur à l’Assemblée, aura étouffé à lui seul l’expression des élus à l’Assemblée. Les torts sont partagés pour cette abjection. Parce que c’en est une ! Car, priver la population d’une parole qui puisse formuler ce qu’elle ressent relève essentiellement de la dictature. Et c’est contraire à ce qui nous constitue, puisque c’est ainsi que nous devons comprendre le terme « Constitution ».
Cette dictature, nous osons l’affirmer, n’est pas le seul fait de Pravind Jugnauth. Ce triste individu peut, en effet, compter sur plus obtus que lui. Puisque les élus, qu’ils appartiennent à la majorité gouvernementale ou qu’ils soient ceux des partis d’opposition, loin de représenter les mandants de leurs circonscriptions, ne sont que les représentants de leurs partis. Pire encore, ils ne sont que la voix de leurs leaders, les esclaves de leurs maîtres !
Il importe de pouvoir réaliser que Hureeram, l’hystérique gesticulant, prédomine dans l’appareil du MSM parce que le zézéyant Husnoo est incapable de fermeté en tant que ministre des Collectivités locales. D’ailleurs, celui-là n’est-il pas l’un des premiers éléments du gouvernement qu’il avait fallu évacuer sous escorte du centre Idriss Goomany dans un passé pas si lointain ? Mais qui de Hureeram ou de Husnoo serait le plus nuisible à la démocratie ? Est-ce le patron des PPS qui se montrerait plus assertif ou celui qui se déculotte devant son camarade de parti et abdique de ses responsabilités de ministre des Collectivités locales ?
Padayachy se fourvoie. Sa volonté de se projeter dans un premier rôle nuit gravement à ses fonctions. Il est certainement le détonateur des incidents qui se sont produits cette semaine.
La question est toute autre en ce qui concerne Padayachy. Le ministre des Finances ne semble toujours pas avoir trouvé ses marques en ce qui concerne ses fonctions. L’homme aux savates-dodo semble davantage doué pour favoriser les conditions du prélèvement des réserves de la Banque de Maurice. Fantaisiste, il pensait pouvoir relancer les arrivées touristiques post-confinement en proposant au touriste… une troisième bouteille de whisky hors-taxe ! C’est toujours de son esprit farfelu que sortit les cinquante étages de la prochaine tour infernale !
Incapable de considérer que son rôle consiste essentiellement à formuler les conditions favorables aux acteurs économiques et à garantir en priorité la protection des plus vulnérables économiquement, Padayachy se fourvoie. Sa volonté de se projeter dans un premier rôle nuit gravement à ses fonctions. Il est certainement le détonateur des incidents qui se sont produits cette semaine. Et, comme il s’était également planté en ignorant ceux qui avaient le plus besoin d’être soutenus durant le premier confinement, on devrait s’attendre à ce que l’ingénu balance encore d’autres grenades dégoupillées.
Toutefois, si de toute évidence ces gens-là sont devenus des nuisances autant pour la démocratie comme pour les plus vulnérables de notre société, il ne faut pas perdre de vue qu’ils le sont devenus aussi pour cette majorité que Pravind Jugnauth estime détenir. Aussi, surtout quand cette majorité est étriquée, il est déraisonnable et même suicidaire, de pousser les plus vulnérables à bout pour ensuite leur imposer le silence à coup de matraques et de gaz lacrymogène.
La population ne sait peut-être pas diriger sa colère quand elle s’en va confronter la police. Toutefois, pour peu qu’elle rectifie le tir, elle pourrait être portée à se débarrasser de ceux qu’elle pourrait considérer comme ses nuisances… Nous aurions préféré avoir tort, mais les événements nous indiquent que le pays a fort probablement atteint ce stade.
Joël TOUSSAINT