Temps de lecture : 3 minutes
Est-ce que l’invasion de l’Ukraine par les forces russes relève de l’agression ou de manœuvres de défense ? Au-delà de la propagande occidentale totalement défavorable à Moscou, les considérations stratégiques au plan militaire montrent que le déséquilibre des forces nucléaires entre les Etats-Unis et la Russie a forcé cette dernière à frapper en premier. Le magazine russe Expert, cité par The Guardian et repris par Courrier International, dévoile les éléments constitutifs d’une vulnérabilité nucléaire pour les Russes avec les avancées de l’OTAN en Ukraine durant ces derniers huit ans.
Il est vrai que le lecteur moyen est abreuvé des versions euro-centrées de la crise russo-ukrainienne et que le problème de la langue joue à la défaveur de la partie russe. Toutefois, pour peu que l’on aille au-devant de la difficulté, notamment en recourant à la version traduite du magazine par exemple, on parvient à comprendre le narratif russe. Le magazine Expert donne ainsi la parole à Valery Fadeev, président du Conseil pour le développement de la société civile et des droits de l’homme, organisme qui est sous la présidence de la Fédération de Russie. Ce dernier explique que le temps de vol des missiles nucléaires est un élément essentiel dans la compréhension des enjeux de la crise. « Maintenant, le temps de vol pour les armes nucléaires des États-Unis est de 30 minutes, et tous les systèmes de combat de la Russie et des États-Unis sont paramétrés précisément sur ces 30 minutes. Tout le système de sécurité mondiale repose là-dessus. Dans le cas d’un déploiement de mis siles en Ukraine, le temps de vol sera de quatre à cinq minutes seulement, ce qui signifie que toutes nos forces nucléaires seront supprimées. Pas une seule fusée n’aura simplement le temps de s’élever », explique-t-il.
Expert donne aussi la parole à Stanislav Ivanov, un chercheur de premier plan au Centre pour la sécurité internationale de l’IMEMO RAS. Pour lui, l’Ukraine est le « ventre de la Russie » à partir duquel son « cœur » peut être atteint le plus rapidement. Par conséquent, le déploiement progressif de l’infrastructure de l’OTAN dans cet espace est perçu à Moscou comme un coup particulièrement sensible porté à ses intérêts stratégiques.
L’OTAN a provoqué un déséquilibre nucléaire
« Si des missiles de l’OTAN étaient déployés sur le territoire de l’Ukraine, la Russie devrait créer de nouveaux systèmes de défense antimissile, des systèmes satellitaires, c’est-à-dire des types fondamentalement nouveaux d’armes défensives. Ou déployer des missiles près des frontières américaines, mais nous n’aurions pas survécu à une telle course aux armements », ajoute Stanislav Ivanov. « C’est-à-dire que le déploiement d’armes nucléaires sur le territoire de l’Ukraine détruit fondamentalement le système d’équilibre », résume Valery Fadeev.
Il y a, néanmoins, des Etats baltes qui font déjà partie de l’OTAN, à partir desquels l’OTAN aurait pu s’appuyer. Pour Dmitry Evstafiev, professeur à l’École supérieure d’économie de l’Université nationale de recherche, estime que ces États baltes constituent un territoire moins approprié que l’Ukraine. « Les États baltes sont très petits. Il est bien visible et on peut tirer à travers. Là, même une balle de tennis ne passera pas si facilement. Mais l’Ukraine, en raison de sa taille, permet d’accueillir une variété de forces et de moyens, qui sont très difficiles à voir et à contrôler. Et son emplacement même par rapport à la mer Noire fait de l’Ukraine un centre d’attraction pour tout le monde – l’OTAN, les Britanniques et les Turcs », assure l’expert.
À ce propos, même les experts occidentaux ont noté que depuis 2020, l’Ukraine a progressivement commencé à se doter d’armes et d’infrastructures militaires. La Turquie, en particulier, était responsable du réarmement et de la formation de l’armée ukrainienne. Le problème le plus épineux semble être la production d’obus et la mise à jour des équipements de lancements. Beaucoup plus d’instructeurs et de bases d’entraînement de l’OTAN sont apparus dans le pays. « Nous ne pouvons pas dire que l’Ukraine avait des plans concrets pour prendre le Donbass par la force, mais les préparatifs étaient en cours pour cela. Et le retard dans la mise en œuvre des accords de Minsk ne promettait rien de bon ». Ainsi, la Russie, ayant perdu toute garantie d’une résolution pacifique du conflit par le biais des pourparlers, a frappé en premier.