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La révocation du ministre Hurdoyal aura été délibérément humiliante pour l’intéressé. Fraichement arrivé de l’étranger, il aura appris à sa descente d’avion qu’il n’était plus ministre et rentrerait penaud en taxi chez lui, sa voiture de fonction lui ayant été retirée. C’est la suite qui est des plus renversantes : l’élu du No 10, tombeur en 2019 de Navin Ramgoolam en personne, aura démissionné comme député tout en demeurant membre du MSM. Tant lui que PKJ se murent depuis dans le silence sur le mobile de la révocation !
Circulez : il n’y a rien à voir ni à savoir, selon le MSM, dont les dirigeants se réfugient derrière l’argument fallacieux qu’une telle initiative est une prérogative du PM. Et que donc PKJ n’a aucun compte à rendre à quiconque. Ce mépris de la population n’est en fait que le reflet des mœurs prévalant au parti orange.
D’ailleurs le Gouvernement aura été prompt à effectuer un mini-remaniement ministériel en incorporant Naveena Ramyead, faisant son entrée au cabinet, tandis que les ministres Bholah et Seeruttun opéraient un jeu de chaises musicales entre les portefeuilles disponibles. Il s’agit donc de minimiser l’impact de la nouvelle et de traiter le départ de Hurdoyal comme d’un évènement sans importance. De surcroit, les vacances parlementaires, grâce à notre inénarrable Loudspeaker, jusqu’au mois de mars, empêcheront jusque-là toute possibilité d’expliciter les mystères de cette révocation.
Le pays en sera quitte à être la proie aux rumeurs, les uns accréditant la thèse de désaccord sur la désignation du Président du Conseil de District de Flacq, fruit d’un conflit avec les élus du No9 (soit les ministres Balgobin et Maudhoo et le député Nuckcheddy) ; les autres, Joanna Bérenger notamment, affirmant que le départ du ministre serait lié à une affaire d’exportation de singes de laboratoire, prélevés sur des terres du ministère de l’agro-industrie, portefeuille dernièrement détenu par Hurdoyal, qui s’opposerait à accorder un bail à l’entreprise concernée ; d’autres encore évoquent que l’octroi (suspect ?) de terres à des proches du ministre expliquerait sa révocation.
Une quasi indifférence aura accueilli ces diverses thèses, ce qui témoigne bien de l’habitude pernicieuse que l’opinion publique aura développé face aux multiples scandales que le régime aura successivement provoqués. On en a vu tellement d’autres !
Partielle : nouvel effet d’annonce ?
En fait, le seul intérêt véritable semble être l’effet que la démission de Hurdoyal et la partielle qui en découlerait, pourrait provoquer sur notre agenda politique. On rappelle ainsi que la démission en février 2019 de Vishnu Lutchmeenaraidoo, fut bien suivie de l’annonce d’une partielle pour octobre de la même année. Toutefois, la dissolution du Parlement entre-temps et la tenue d’élections générales en novembre 2019 prit le dessus sur la tenue de la partielle. Avec la suite que l’on connait !
Il est impossible, en l’état des choses, d’envisager la moindre partielle avant le troisième trimestre. Et du reste, nous sommes nombreux à penser qu’elle n’aura pas lieu. La majorité a beau persifler qu’elle est prête à affronter ladite partielle et défier NCR de se présenter, elle ne convainc pas. (Difficile d’imaginer le principal leader de l’Opposition d’affronter quelque troisième couteau !) Les rodomontades du MSM cachent difficilement le peu d’affluence qui règne lors des réunions que le parti orange tient depuis au No10. Il est un peu tard pour se demander s’il fallait traiter Hurdoyal de la sorte et ne plus pouvoir compter sur lui dans l’Est. L’Opposition ne peut que se frotter les mains devant un tel amateurisme !
Car notre calendrier politique est tout tracé pour 2024, avec d’abord les diverses fêtes religieuses qui vont se succéder jusqu’à la célébration de l’Eid-ul-Fitr vers le 10 avril, suivi des meetings du 1er mai et de la préparation du budget 2024-25. Pas question d’élections pendant une telle période !
La tenue du discours budgétaire pourrait se tenir plus tard que les années précédentes, soit plutôt fin juin. On susurre en effet que notre Grand Argentier attendrait une ligne de crédit (on parle de $400 millions) depuis New Delhi. Or, la Grande Péninsule sera en campagne électorale jusqu’en mai et il faudra attendre la nouvelle législature indienne pour approuver cet éventuel crédit.
Endettement et Inflation
On peut craindre encore une détérioration de nos indices macro-économiques, avec un endettement supplémentaire, des mesures électoralistes voire populistes, destinées à engranger des votes et sans considération pour les équilibres économiques.
Padayachy a malheureusement pris l’habitude de puiser dans la caisse et de distribuer au tout venant, sans se soucier des lendemains (encore heureux que la Cour Supreme ait ordonné le gel des fonds du défunt NPF, soit Rs140 Mds, ou ceux-ci auraient pu éventuellement connaître le même sort que la CSG). Aucune des mesures du ministre, la dernière étant l’augmentation des pensions à Rs13,500 pour les plus de 75 ans, ne vise à endiguer la masse monétaire qu’il ne cesse d’accroître sur le marché. Alors que tous les économistes crient au danger inflationniste qu’une telle politique provoque systématiquement !
Padayachy a malheureusement pris l’habitude de puiser dans la caisse et de distribuer au tout venant, sans se soucier des lendemains.
Or, le Gouvernement pourrait plus intelligemment combattre l’inflation, notamment en réduisant davantage les prix des carburants, rabaisser les taux d’intérêt pour soulager les entreprises et les ménages, mais surtout recapitaliser la Banque Centrale en démantelant la MIC, chose réclamée depuis 2021 par le FMI (il reste environ Rs 30 Mds au MIC sur les Rs 80 Mds piqués à la BOM, soit presque $ 665 millions, alors même que la Banque Centrale aura déboursé $ 410 millions en 2023 pour enrayer la dépréciation de la roupie). Mais ces mesures sont moins spectaculaires que simuler le Père Noël en juin. Aussi, la poursuite d’un tel dilettantisme par notre Grand Argentier semble demeurer notre lot !
Il est peu probable, avec de telles idées de budget « la bouche doux », que le Gouvernement veuille s’embarrasser d’une partielle en pleins débats budgétaires (qui dureront environ 3-4 semaines) avant de voter vers juillet le dernier budget, qui distribuera force prébendes et allocations avant que le Gouvernement n’affronte l’électorat.
Selon un tel scenario, on peut postuler qu’il faudra 2-3 mois pour que les effets du budget soient bien ressentis. On voit, dès lors, difficilement une partielle s’intercaler dans notre agenda politique. Et dans quel but ? Le détenteur de ce siège ne pourrait prétendre à la députation que jusqu’au mois de novembre 2024 et ensuite la dissolution du Parlement interviendrait. Décidément si le Gouvernement organisait une telle folie, mieux vaudrait pour l’Opposition ne même pas présenter qui que ce soit.
Sale temps pour PKJ
PKJ pourrait alors, dans un tel cas de figure, proroger la législature jusque vers mars-avril 2025. Ce serait cependant là un aveu d’une incalculable faiblesse qui ne ferait que confirmer le discours du PM de début février à Le Hochet, Terre Rouge, où dans un moment de rare lucidité PKJ a envisagé la possibilité de la défaite. Le PM, qui ne s’attendait pas à ce que ses mots soient enregistrés et soient repris dans le public, se sera livré plus que nécessaire.
Intervenant quelques semaines après le fiasco des inondations du 15 janvier et ayant bien soupesé la pas-toujours sourde colère des victimes, PKJ aura soudain distingué les reproches d’incompétence, dont est taxé son gouvernement pour nous avoir livré aux intempéries, failli dans le nettoyage des drains et canaux, comme dans la maintenance de nos équipements municipaux ou ceux de nos pompiers et services d’urgence. Plus encore dans l’élaboration de plans d’action cohérents pour lutter contre les pluies torrentielles. Du coup, chacun note combien sont muets nos ministres. Tout juste s’ils ne s’étaient pas mis à raser les murs aux lendemains de la tornade du cyclone Belal.
Chez Air Mauritius comme à l’aéroport, les difficultés ont abondé pour décrire une situation proche du chaos parfois. Et les récriminations ne cessent de pleuvoir. Les sanctions prises contre le DG des services météo ou le maintenance manager d’Air MK n’annoncent aucune embellie pour le MSM. La grogne ne cesse de gagner du terrain.
Alors, cette révocation puis la démission de Hurdoyal et la possible tenue d’ici septembre ou octobre des élections générales, semblent constituer des perspectives qui pourraient enfin dégager pour le pays un horizon, plus que bouché actuellement sous le présent régime. Finalement il semble que Hurdoyal pourrait bien nous être utile pour une fois !
Richard RAULT