Temps de lecture : 3 minutes
A peine entamée, l’entente entre les trois partis d’opposition parlementaire (PTr, PMSD, MMM) semble buter sur des couacs. Elle était censée être le prélude d’une alliance formelle entre les trois partis en vue des élections municipales prévues pour 2021. Mais ne voila-t-il pas que des doutes sont exprimés sur la viabilité de ce projet. Et ces doutes viennent, non pas des adversaires de l’opposition, mais des dirigeants de l’opposition eux-mêmes.
L’entente avait été négociée entre les leaders des trois partis avec pour but de monter une opposition parlementaire unie et solidaire au Parlement contre une majorité forte, qui dicte l’agenda des travaux parlementaires, contrôle la durée et la fréquence des séances de l’Assemblée législative, fixe le temps de parole accordé aux députés et circonscrit la latitude laissée aux élus de l’opposition. La majorité est aidée dans sa tâche par un Speaker qui lui est bienveillant au point, souvent, de ne pas hésiter à expulser des députés d’opposition qu’il considère trop hardis.
Dans de nombreuses démocraties parlementaires, il faut une opposition unanime au Parlement pour contrer une majorité quand celle-ci ne lui fait pas de concession. Jusqu’ici, l’entente des partis d’opposition a bien fonctionné, à telle enseigne que les leaders des partis et le leader de l’Opposition ont jugé bon de se rencontrer tous les 15 jours afin de mieux accorder leurs violons sur les questions d’actualité. L’entente semblait présager une alliance des trois partis pour contester les prochaines élections, qu’elles soient municipales ou générales. Ce projet d’alliance était au départ fondé sur le postulat que les trois partis ne pouvaient concurrencer séparément les partis au gouvernement, lesquels sont unis et solidaires dans l’exercice du pouvoir.
La dispersion des forces de l’opposition allait faire le jeu du régime, comme les résultats des élections de 2019 l’ont prouvé avec un parti raflant la majorité des sièges avec 37% de voix. On parlait donc de la nécessité d’une opposition capable de rallier sous une seule bannière les 63% d’électeurs dans l’opposition pour faire figure d’une alternative forte et crédible au pouvoir.
Or, les bonnes intentions se heurtent toujours à des difficultés dans la pratique. C’est le leader du MMM, toujours impatient de trouver la bonne formule gagnante lorsqu’il est dans l’opposition, qui a envoyé un mauvais signal quand il a souhaité que les trois partis discutent de distribution de postes constitutionnels (Premier ministre et Président) en vue d’une alliance. Il a surpris tout le monde, y compris son propre camp pourtant habitué à ses positionnements déconcertants.
Il est venu préciser cette semaine qu’une entente ne signifiait pas une alliance. Pour lui donner la réplique, le leader du PTr a revendiqué la paternité de l’entente et a renvoyé les discussions sur les postes constitutionnels, le temps de mettre au point un programme commun comme condition préalable d’une alliance. Navin Ramgoolam vient d’ajouter qu’une alliance n’est jamais facile et qu’elle implique des compromis de tout un chacun. Une question qui semble diviser les partis est le leadership de l’alliance probable.Voilà qui n’est guère rassurant pour l’avenir de l’entente.
Il faut dire que l’opposition dans son ensemble est dépassée par les événements depuis le naufrage du MV Wakashio. Au-delà des conférences de presse conjointes, elle n’a pas montré quelque capacité de mobilisation populaire, à l’opposé du citoyen Bruneau Laurette qui arrive à faire descendre 100,000 manifestants dans la rue. Il est vrai que les partisans de l’opposition étaient parmi ces derniers, mais il n’en demeure pas moins que l’instigateur du mouvement est un citoyen toujours sans allégeance politique apparente.
Les partis d’opposition sont conscients que leur absence sur le terrain laisse un vide qui sera vite occupé par des mouvements citoyens plus audacieux et capables potentiellement de dégager une troisième voie entre l’opposition et le gouvernement. D’ailleurs beaucoup de citoyens désabusés par des années de mauvaise gouvernance renvoient dos à dos les deux protagonistes et recherchent une alternative qui tourne le dos au modèle de développement existant.
Les partis d’opposition sont donc confrontés à un dilemme. Soit ils font des compromis pour se rassembler et se consolider pour offrir l’alternative que recherche cette masse désillusionnée ou ils laissent une troisième force émerger par leur inaction et leurs intérêts divergents.