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Les partis d’opposition (MMM, PMSD et Ptr) ont rejeté la proposition du leader du Reform Party à l’effet que tous les députés de l’opposition démissionnent de l’Assemblée législative afin de forcer le gouvernement à organiser de nouvelles élections générales. Cette proposition d’une démission en bloc de l’opposition parlementaire soulève deux hypothèses qui n’ont jamais été vérifiées à Maurice de façon empirique.
La première hypothèse veut que, si tous les députés d’opposition (22 élus et 4 best losers) démissionnaient, des élections partielles devraient être tenues dans 6 mois, ce qui s’apparenterait à des mini élections générales dans une conjoncture difficile marquée par la pandémie et la crise économique. Pour éviter une autre crise, celle-là politique, le gouvernement serait alors obligé de tenir des élections générales. Or, le gouvernement n’est pas tenu de rappeler le pays à un scrutin national dans la mesure où il dispose d’une majorité confortable au Parlement. Ce qu’il ferait plutôt, ce serait de faire nommer 4 autres best losers pour remplacer les démissionnaires et organiser des élections partielles pour 22 sièges dans 12 circonscriptions.
Les partis dirigeants pourraient soit s’abstenir à ces élections de remplacement, comme ils l’ont fait dans le cas de la partielle de la circonscription no. 18 après la démission de Roshi Bhadain, ou présenter leurs propres candidats. Dans l’un ou l’autre scénario, le gouvernement préserverait sa majorité au Parlement ou l’augmenterait s’il parvenait à faire élire certains de ses candidats.
Finalement, ces élections partielles ne changeraient pas le rapport des forces au Parlement et le pays serait revenu à la case départ. Entretemps, l’opposition perdrait le droit d’intervenir au Parlement pendant six mois tout en laissant le champ libre au gouvernement.
La deuxième hypothèse veut que, si l’opposition parlementaire démissionnait en bloc, le gouvernement aurait une majorité absolue au Parlement avec 44 sièges sur 44 (avec 26 sièges non-remplis), selon une interpretation de l’article 47(1) de la Constitution. Cela lui permettrait d’amender la Constitution pour voter les lois qu’il voudrait. Entre autres scénarios évoqués, le gouvernement pourrait passer une loi pour renvoyer les prochaines élections générales (prévues en 2024) pour une période de 5 ans jusqu’à 2029 au prétexte que la situation économique exige des mesures d’urgence.
L’opposition perdrait le droit d’intervenir au Parlement pendant six mois tout en laissant le champ libre au gouvernement.
Rappelons qu’en 1968, la coalition Ptr-PMSD renvoya les élections générales prévues pour 1972 à 1976. Pendant 10 ans le pays ne connut pas de scrutin national. L’interprétation de la Constitution qui donnerait au gouvernement une majorité absolue n’est pas évidente. Est-ce que la majorité absolue est calculée par rapport aux 70 sièges prévus dans la Constitution ou aux 44 sièges du gouvernement excluant l’opposition ? C’est aux experts constitutionnels d’en débattre.
Quoi qu’il en soit, il n’y a pas de preuves empiriques ni pour la première hypothèse (démission en bloc provoquant des élections générales) ni pour la deuxième hypothèse (majorité absolue permettant l’amendement de la Constitution). En l’absence d’un test probant de l’une des deux hypothèses, ici comme ailleurs dans les démocraties parlementaires, l’opposition parlementaire a raison de choisir la certitude sur la probabilité.
Le pays n’a pas besoin d’incertitude constitutionnelle en ces temps difficiles. Attendons le verdict de la Cour Suprême sur les pétitions électorales.