Mozambique: Djihad sur fond de pétrodollars à Cabo Delgado

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Ces deux dernières semaines, les djihadistes qui sèment la terreur dans l’extrême nord du Mozambique ont brièvement occupé les chefs-lieux de trois districts de la province septentrionale du Cabo Delgado. Malgré l’aide d’entreprises de sécurité privées, les forces de sécurité mozambicaines ont été à chaque fois incapables de riposter. Après une série d’attaques spectaculaires les djihadistes ont enfin affiché au grand jour leur objectif : instaurer la loi islamique. Mais ces intérêts religieux se manifestent dans la région à l’aube des espoirs de pétrodollars…

De nombreuses attaques sur les populations civiles depuis 2017
(Photo: Andre Baptista – VOA)

« Nous voulons que tout le monde ici applique la loi islamique », a lancé un de leurs porte-parole, en treillis et armé, devant la population de Mocimbao da Praia dans une vidéo. « Nous ne voulons pas un gouvernement de mécréants, nous voulons le gouvernement de Dieu ». Dans cette région à majorité musulmane, ceux que la population désigne sous le nom d’« al-shabab » (les jeunes en arabe) ont ainsi expliqué leurs objectifs.

Comme c’est systématiquement le cas depuis des mois, cette vague d’opérations a été revendiquée sur Internet par le groupe armé État islamique, par l’entremise de sa section active dans la « province d’Afrique centrale » (ISCAP). Elle confirme le virage de la stratégie militaire et médiatique des djihadistes. « Nous connaissons maintenant le visage de plusieurs insurgés qui ont attaqué Mocimboa da Praia le 23 mars 2020 […] ils appartiennent au groupe qui a attaqué la ville en octobre 2017 », explique à l’AFP le spécialiste Éric Morier-Genoud, de l’Université de Belfast. « On connaît aussi désormais leur objectif ultime », ajoute-t-il, « établir un État islamiste régi par la charia ».

Les djihadistes mozambicains se réclamant de l’EI sont actifs depuis l’annonce de prospections positives dans la région

La police et l’armée ont, comme à chaque fois, refusé de confirmer ou d’évoquer ces opérations. Selon l’AFP, des sources locales ont fait état de victimes parmi les populations, sans qu’il soit toutefois possible de le vérifier de sources indépendantes.Malgré l’envoi d’importants renforts militaires sur place, le président, Filipe Nyusi, n’a toujours pas réussi à ramener l’ordre dans le Cabo Delgado, dont il est originaire. Pas plus qu’il n’est parvenu, comme il l’a promis à de multiples reprises, à « éliminer » ceux qu’il continue à désigner comme de simples « malfaiteurs ». Le déploiement des mercenaires de la société de sécurité privée russe Wagner avant les élections générales d’octobre l’an dernier s’est soldé par un cuisant échec et une retraite précipitée.

« Ils ont détruit l’hôpital et volé les médicaments, brûlé la station-service, attaqué la banque et pillé les distributeurs de billets », a rapporté cette semaine, sous couvert de l’anonymat à l’AFP, un policier de Muidumbe. « Puis ils ont hissé leur drapeau sur l’hôpital et sont partis attaquer les villages voisins ». Les villes de Mocimboa da Praia, de Quissanga et de Muidumbe sont ainsi tombées aux mains de dizaines d’hommes en armes qui ont détruit postes de police, bâtiments publics et infrastructures, avant d’en diffuser les images sur les réseaux sociaux.

Jusque-là, ces groupes concentraient leurs attaques sur les populations civiles des villages de la région. Celles-ci étaient massacrées, décapitées et parfois enlevées, et leurs villages, systématiquement brûlés. Ces violences ont fait au moins 900 morts, selon un décompte de l’ONG Armed Conflict Location and Event Data Project, et causé le déplacement d’au moins 150 000 personnes, selon les autorités.

Cabo Delgado est une province frontalière de la Tanzanie est considérée comme l’une des plus pauvres du Mozambique. La découverte récente d’énormes gisements de gaz au large de ses côtes ont vu l’arrivée de grands groupes, comme l’américain ExxonMobil et le français Total dans cette région oubliée par les autorités pendant très longtemps.

Réélu en octobre, Filipe Nyusi a promis que les milliards de dollars attendus bénéficieraient « à tout le pays ». Mais, à Maputo, il y a de l’appétit pour les pétrodollars tandis qu’à Cabo Delgado les frustrations dans la population civile ont fait le lit des djihadistes. L’AFP cite Adriano Nuvunga, de l’Université Eduardo Mondlane de Maputo qui estime : « Le fait que les récentes attaques aient épargné les civils suggère que ce qui se passe pourrait cacher une guerre pour les ressources naturelles. Peut-être que les insurgés sont les cousins de nos militaires… »

Le chef de l’État a malgré tout sollicité l’appui d’autres sociétés militaires privées, de la région cette fois. Toutefois, l’entrée en scène, la semaine dernière, d’un groupe de sécurité privé sud-africain doté de trois hélicoptères a débuté par un premier revers. Un des appareils, intervenu vendredi pour repousser un assaut islamiste sur l’île d’Ibo, a été abattu, selon des sources concordantes. Comme d’habitude, les autorités se sont refusées à confirmer l’incident. Les observateurs doutent sérieusement que ces opérations militaires puissent inverser le cours de l’insurrection.


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