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Reporters Sans Frontières (RSF) a réclamé à la Maison-Blanche hier (samedi 21 août 2021) « un plan spécial pour l’évacuation des journalistes et des défenseurs des droits de l’homme afghans », ainsi que le report de la fin de l’opération militaire américaine. « D’ici au 31 août, les évacuations de personnes en grand danger, comme les journalistes afghans, ne pourront pas matériellement être menées à leur terme », affirme Christophe Deloire, le secrétaire général de l’organisation. La Fédération internationale des journalistes (FIJ) indique aussi avoir reçu « des centaines de demandes d’aide » de professionnels de l’information afghans, majoritairement des femmes, chez lesquelles règnent « la panique et la peur ».
« Notre problème aujourd’hui n’est pas d’obtenir des visas ou des places dans des avions, c’est d’obtenir que ces personnes puissent accéder aux avions », indique Christophe Deloire. Les projets d’évacuation « préparés par d’autres pays (notamment européens) sont largement entravés par la gestion des accès aux avions », déplore l’ONG.
Aussi, RSF préconise « la mise en place de facilités d’accès et d’identification pour les journalistes et les défenseurs des droits humains figurant sur les listes de différents pays et organisations », ainsi qu’un « couloir humanitaire et un périmètre spécial ». Pour permettre ce dispositif, RSF réclame ainsi « un report de la fin de l’opération militaire américaine en Afghanistan au-delà de la date actuellement prévue ».
Après leur prise de pouvoir en Afghanistan le 15 août dernier, les talibans ont promis vouloir mettre en place un gouvernement inclusif et tolérant. Mais sur place, la situation est bien différente car les journalistes sont pris pour cibles. Ainsi, des talibans recherchant un journaliste de Deutsche Welle (DW), désormais installé en Allemagne, ont abattu mercredi un membre de sa famille et en ont grièvement blessé un autre, a révélé la radio allemande.
Récit d’un réalisateur radio
« Les temps sont durs pour les journalistes en Afghanistan depuis que les talibans ont envahi différentes provinces », explique un ancien réalisateur radio âgé de 28 ans et souhaitant garder l’anonymat. RFI rapporte ainsi son récit : « J’étais technicien réalisateur pour une station de radio. Nous étions financés par l’Otan et diffusions des programmes qui dénonçaient les activités des talibans. Avant leur avancée, j’avais déjà reçu des menaces. Je me disais qu’ils allaient finir par me tuer ».
Il explique que six reporters de son média avaient été séquestrés par les talibans : « Heureusement, je n’étais pas avec eux ce jour-là. Ils sont restés en captivité douze jours et ont été torturés. Ils ne nous ont pas eu nous, mais ils ont bien essayé ».
Certains journalistes tentent donc de fuir le pays, mais c’est presque mission impossible : « Quand les talibans ont envahi la capitale de la province, j’ai fui immédiatement en taxi. Je ne peux pas dire où je me trouve désormais. J’ai laissé ma femme et ma famille derrière moi. Ma situation est très critique et je ne parviens pas à les joindre. Les lignes téléphoniques ne marchent pas, les talibans ont coupé les lignes du réseau gouvernemental Salaam et ma famille utilise des cartes SIM Salaam », raconte ce réalisateur radio afghan.
Il explique avoir essayé de contacter son employeur et tenter plusieurs moyens pour sortir d’Afghanistan, mais en vain. « J’ai essayé de joindre l’association qui représente les journalistes. J’ai même postulé pour le programme spécial d’immigration du Canada en tant que journaliste en situation critique. Dans ma situation, je ne peux pas aller au Pakistan, au Tadjikistan ou aux Émirats arabes unis, car toutes les ambassades ont cessé leurs activités et ne délivrent plus de visa ».
« C’est l’image des Etats-Unis en matière de défense de la liberté de la presse et des droits de l’homme qui est en jeu », fait valoir Christophe Deloire.