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Le vote des Nations Unies en faveur de la reconnaissance de la souveraineté de l’Etat mauricien est diversement accueilli, selon qu’il s’agisse des nationaux Mauriciens, des membres de la communauté chagossienne proches du Groupement Réfugiés Chagos (GRC) d’Olivier Bancoult et ceux vivant à Londres et qui soutiennent le Conseil provisoire des Chagos dont Allen Vincatassin est le président. Tandis qu’Olivier Bancoult estime que l’Angleterre a reçu une claque et évoque sur sa page Facebook une éventuelle présence chagossienne dans l’archipel « sans la permission de personne », Allen Vincatassin a, dans une déclaration à la chaîne londonienne Channel 4, affirmé qu’il est hors de question pour les Chagossiens d’être gouvernés par les Mauriciens.
« We don’t want to be governed by them ! », les propos d’Allen Vincatassin sont sans ambiguïté. Invité sur le plateau de Jon Snow, celui qui se définit comme le président en exil du Conseil provisoire des Chagos, présente l’expérience mauricienne de la communauté chagossienne comme le « worst case scenario » qu’il ne voudrait pas voir se reproduire.
Allen Vincatassin affirme souhaiter le relogement des Chagossiens selon le plan dressé par la firme KPMG dans le cadre d’une étude en ce sens commandité par le gouvernement britannique. Pour ce leader de la communauté chagossienne, il serait davantage bénéfique pour les Chagossiens de jouir de leurs droits de citoyens britanniques dans le cadre de l’administration des territoires ultra-marins de la Grande Bretagne (en l’occurrence les British Indian Ocean Territories).
L’adoption par 116 pays de la résolution de Maurice pour l’entrée en vigueur de l’avis consultatif de la Cour internationale de justice aux Nations unies a réjoui de nombreuses instances mauriciennes qui ont félicité les dirigeants politiques mauriciens et les représentants de l’Etat pour leur ténacité face à l’Angleterre et les Etats-Unis.
Alors que les Mauriciens en général considèrent normal que la souveraineté de Maurice soit reconnue sur les Chagos, d’autant que le Leader du GRC a prêté son concours pour légitimer cette revendication de l’Etat mauricien, Allen Vincatassin s’y oppose fortement. « La souveraineté doit revenir aux Chagossiens », dit celui qui se présente comme le président en exil du Conseil provisoire chagossien.
Vincatassin est revenu sur la manière dont ils ont été délogés de leur archipel pour être « dumped on the wharf » sans qu’aucune disposition n’ait été prise pour les loger ; cela alors que le gouvernement mauricien avait convenu avec le gouvernement britannique de prendre la responsabilité de la communauté chagossienne. Il évoque aussi l’accord bilatéral entre Maurice et la Grande Bretagne en 1982 pour que les Chagossiens renoncent à leurs droits de retour en échange d’un « peanut compensation ».
C’est Anerood Jugnauth qui était alors Premier ministre et c’est son fils aujourd’hui qui est à ce poste, fait ressortir le président du Conseil provisoire chagossien qui estime que c’est l’argent des Américains qui intéresse les dirigeants mauriciens et que ceux-ci pourraient bien céder des îles à l’Inde.
Pour Olivier Bancoult, le vote en faveur de la reconnaissance de la souveraineté de Maurice est «une grande claque que les Britanniques ont reçue, et leurs complices, les Américains. Le vote est clair ». Dans une déclaration à L’Express, le dirigeant du GRC qui a lui soutenu la démarche de l’Etat mauricien, l’adoption de cette résolution «montre notre détermination. Notre contribution est importante. Surtout ces gens qui ne sont plus de ce monde et ont toujours cru que la vérité triompherait. Prochainement, nous entrerons aux Chagos personne ne pourra nous empêcher».
On note toutefois une réorientation du discours de Bancoult et de Pravind Jugnauth sur la question chagossienne. Ils reprennent à leur tour la formule des « Chagos aux Chagossiens ». Mais cela vient probablement un peu trop tard : en soutenant la revendication de l’Etat mauricien, Bancoult a peut-être compromis son leadership auprès de la communauté chagossienne. Pravind Jugnauth tente de rassurer celle-ci, alors que sa crédibilité est fortement compromise auprès des Mauriciens eux-mêmes avec ses arrangements secrets avec l’Inde en ce qui concerne Agaléga. Vincatassin a certainement frappé là où cela fait le plus mal : quelle souveraineté sans légitimité ?