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Rezistans ek Alternativ (ReA) peut se targuer d’avoir démontré l’hypocrisie de ces partis qui se sont succédés au gouvernement et qui n’ont jamais rien entrepris pour se débarrasser de la déclaration communautariste imposé à tout aspirant à la députation en vertu de la Première cédule de la Constitution de Maurice. Quelles que soient les qualités que les plus Ramgoolamistes voudraient prêter à leur « Chacha », cet appendice peu vertueux vient de son esprit tortueux. Mais que Rezistans veuille s’y opposer obtusément prive l’électorat de toute alternative raisonnée et raisonnable. Et cela, en dépit de ses affinités évidentes avec de nombreuses orientations de ReA, l’auteur de ces lignes n’est pas du tout disposé à leur faire crédit sur cette question fondamentale.
« Distateful », c’est le terme usité par le Pr. Abel de Smith pour qualifier la démarche quand celle-ci lui fut adressée. Avec l’aide précieuse de Sir Henry Garrioch, la main mauricienne de notre Constitution, il avait de quoi être fier d’avoir mis au point l’instrument légal initiateur de l’Etat et du peuple mauricien. C’était jusque là l’un des textes le plus réussi en matière de constitution pour un futur Etat du Commonwealth. Jusqu’à ce que Seewoosagur Ramgoolam, incapable de renoncer à ses ardeurs de chef de clan, réclame de pouvoir mettre sa cuillère sale dans la marmite. Et quelle que soit l’obsession des souverainistes de la métropole mauricienne à prétendre que Ramgoolam eut à subir la pression des Anglais pour céder les Chagos, il existe aujourd’hui une documentation suffisante pour que l’on réalise que ce sont plutôt les Anglais qui ont dû batailler dur pour contenir le despote qu’ils avaient façonné !
Bref, Seewoosagur avait bien fait comprendre aux responsables du Colonial Office qu’il voulait d’un gouvernement fort, et il parvint à l’obtenir, notamment avec cet appendice qui lui apportait la garantie de pouvoir emballer la gente hindoue à loisir.
Notre homme ne s’en priva pas, ses successeurs non plus. Il avait trouvé en Gaëtan Duval un bel épouvantail – et avec Bérenger il s’offrit même deux pour le même prix – qu’il lui suffisait d’agiter pour que dans toutes les campagnes on dessine les perspectives d’un « péril hindou ».
Nous sommes bien au pays où l’on croit non seulement au « miracle économique » mais où plein de femmes jurent avoir vu « Touni-Minwi » dans la chambre. Dommage que ces « psys » qui interviennent dans des publications « Sexo » n’aient jamais songé à forger des théories autres que celle de l’hystérie collective… Parce que si certaines femmes, dont les maris auraient des problèmes érectiles, ont grandi dans la peur d’être prise par le « Marron » mythique, issu autant de l’imaginaire hérité du Code Noir que de la pornographie contemporaine, il ne faut pas s’étonner qu’elles puissent rêver d’un « Doktèr Miko » qui leur ferait des sauvageries proches des plaisirs dont elles seraient privées. Mais, nos anciens connaissent bien l’adage : « Nécessité fait loi », et c’est ainsi que, malgré les grosses frayeurs, les champs de canne abritent encore ces histoires de touche-pipi qui soulagent bien des amants frustrés.
L’Unité dans la Diversité » n’est qu’un slogan rendu vulgaire par ce personnel politique qui n’a pas engagé, et n’engagera jamais, de réforme pour se débarrasser du Best Loser System (BLS).
Ce cher Stanley, comme l’appelait affectueusement son épouse lors d’une interview à Kenneth Babajee, après s’être offusqué de la volonté de pervertir l’acte constitutif de l’Etat et du citoyen mauricien prit soin de ne pas amender le texte lui-même mais de lui adjoindre ce dispositif électoraliste. Le brillant constitutionaliste avait ainsi prévu que les législateurs pourraient s’en débarrasser sans rien compromettre de l’esprit et de la lettre de la législation fondamentale. Mais, cinquante après l’octroi de cette indépendance, il faut bien se rendre à l’évidence : ceux qui ont accédé au pouvoir par ce biais dégradant s’en sont accommodés pour prendre racine au parlement.
Rezistans ek Alternativ sait bien que les leaders des partis conservateurs, même quand ils prétendent à la fiction du Mauricianisme, ne sont qu’à nous vendre des chimères. « L’Unité dans la Diversité » n’est qu’un slogan rendu vulgaire par ce personnel politique qui n’a pas engagé, et n’engagera jamais, de réforme pour se débarrasser du Best Loser System (BLS). Car, la déclaration communautariste sert essentiellement à désigner des députés correctifs qui, dans un système partisan, procure un « backstop », ce filet de sécurité qui incite le détenteur de la majorité à oser des hardiesses despotiques.
Pour changer cela, il faut qu’il y ait des représentants à l’Assemblée qui présentent un projet de loi en ce sens et il faut qu’ils soient en nombre suffisant pour le faire adopter. Voilà à quoi sert une élection ; c’est le moment où le peuple souverain donne mandat à des élus de légiférer et de changer ce qui doit l’être. A défaut de ce mandat électif, soit on prend le pouvoir par la révolte populaire ou par la force. Les options sont claires.
Rezistans ek Alternativ considère, avec raison, que le Writ des Elections émis par le vice-Président est vicié par l’obligation qui a été faite aux candidats de se désigner d’une appartenance communautariste. Cette formation entend courir le risque que la Commission Electorale ne valide pas la candidature de ses nominés puisqu’ils ne déclineront aucune appartenance et envisage la désobéissance civile faute d’alternatives. Mais sont-ils vraiment sans alternatives ?
L’alternative existe. Formulée fort judicieusement par le juriste Parvez Dookhy qui invite à une relecture de cette Première Cédule. Il s’agit, dit-il, de comprendre la « Population Générale » comme une catégorie résiduelle, mais plutôt comme une catégorie générique. Ce qui change tout, en effet. Dans cette optique, la « Population Générale » prendrait son vrai caractère généralisant et non pas la désignation sectaire que le personnel politique a tendance à lui attribuer. Rien n’interdit au croyant hindou ou musulman de se reconnaître dans cette généralisation ; rien non plus n’interdit à l’individu au phénotype chinois de s’y référer.
Le jeu démocratique a ses règles et, qui veut les changer, doit d’abord se faire élire. Seul le mandat électif procure cette légitimité qui permet de changer des lois.
Emporté par la perversité de ses dérives partisanes, le gouvernement de Pravind Jugnauth ne s’est pas rendu compte qu’il offre, en réalité, une occasion exceptionnelle à toutes les nouvelles formations politiques d’administrer une correction à la vieille garde conservatrice. En jouant les procédures de désistement des juges pour frustrer la Cour Suprême d’une décision avant le Nomination Day, le gouvernement Jugnauth offre, non pas un sentier, mais un véritable boulevard dans lequel tout ce monde devrait s’engouffrer pour imposer cette nouvelle manière de lire notre Constitution.
Faire campagne pour qu’une population entière adopte la généralisation de cette « population générale », n’est-ce pas là la campagne unificatrice par excellence pour la nation mauricienne ? Y a-t-il un juge pour se mettre en travers de cette validation populaire ? Et quand bien même qu’il y en aurait par la suite qui pourrait le contempler, n’est-ce pas au Parlement que revient le droit comme le devoir de procéder aux amendements à notre législation ? N’est-ce pas l’occasion enfin de mener campagne contre ces formations qui ont jusqu’ici privilégié ce sectarisme ?
Mais, cette fois, l’occasion ne fait pas le larron. Ashok Subron et ses camarades nous privent de toute possibilité de les soutenir. Car, le jeu démocratique a ses règles et, qui veut les changer, doit d’abord se faire élire. Seul le mandat électif procure cette légitimité qui permet de changer des lois. Et si ReA ne monte pas sur le terrain demain, il n’y a qu’à constater son walk-over et faire la différence entre des rêveurs peu aptes à gouverner et des pragmatiques qui sont déjà bien préparés à vaincre les conservateurs avec leurs armes.
C’est juste cela qui va se produire demain : ReA aura à se déterminer dans sa capacité à convaincre une population de généraliser son mauricianisme pour qu’existe une vraie « population générale ». Si cette formation jette l’éponge, il faudrait ramasser l’éponge pour l’essuyer des tablettes. Car, il importe de préserver les alternatives : qu’on laisse alors le mauricianisme à ceux qui sont prêts à se battre pour les Mauriciens en général. Et contre les sectaires en particulier.
Joël TOUSSAINT