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Alors que la grève de la faim de l’enseignant Nishal Joyram atteint son douzième jour ce samedi, des éléments d’explication avancés par le ministre du Commerce sont loin de correspondre aux faits vérifiables. Et quand les autorités se gourent aussi lamentablement, ce n’est pas seulement un gréviste qu’ils laissent sur sa faim. Les Mauriciens se retrouvent plutôt avec un gouvernement qui est responsable de l’anémie économique, qui découle de la crise énergétique dans laquelle ils ont plongé le pays.
«C’est maintenant que le prix mondial des carburants est en train de baisser. Il y a une grande possibilité de baisse si le cours du pétrole continue sur cette trajectoire. Pourquoi pas ? Nous sommes là pour soulager la population, pas pour remplir la caisse de la State Trading Corporation» : nos confrères de L’Express citaient ainsi le ministre Soodesh Callichurn, pour ses propos tenus le mardi 27 septembre lors d’un atelier de travail sur le tourisme à l’hôtel Hennessy Park à Ébène. Cette déclaration n’est pas exacte.
Le ministre du Commerce ne pouvait affirmer au 27 septembre que « C’est maintenant que le prix mondial des carburants est en train de baisser ». Pourquoi? Tout simplement parce que dès le 10 août Indocile avait déjà fait part de la baisse du prix du pétrole. Soit plus d’un mois avant que le ministre ne vienne déclarer que « c’est maintenant » que se dessinait une tendance baissière!
Cité toujours par nos confrères de L’Express, le ministre affirmait que le prix des produits pétroliers n’est pas déterminé par lui mais par le Petroleum Pricing Committee (PPC). Les membres de cette instance auraient fait des recommandations après s’être rencontrés « récemment » pour analyser tous les chiffres. Soodesh Callichurn ajoutait que: «Le gouvernement avait des décisions à prendre. Nous attendons la prochaine rencontre du PPC pour voir ce qu’il advient de leur analyse».
L’express avait, pour sa part, démontré dans un texte paru le lundi précédent que les prix FOB d’Arabian Gulf Platts pour l’essence et le diesel étaient nettement inférieurs aux prix de référence utilisés par le PPC pour calculer les tarifs des carburants à la pompe. « À titre d’exemple, ce comité avait estimé que le prix de référence pour l’essence était à 980,32 dollars et celui du diesel était à 141,42 dollars, mais le FOB proposé par Arabian Gulf Platts n’avait pas dépassé les 592,01 dollars pour l’essence et pas plus de 137,84 dollars pour le diesel », expliquait le quotidien de la rue des Oursins.
Toutefois Indocile avait déjà annoncé que « les prix du pétrole étaient à la baisse depuis ce mardi 10 août. Le baril de West Texas Intermediate (WTI) américain pour livraison en septembre avait baissé de 1,30%, et s’était vendu à 89,58 dollars ». Donc déjà bien en deçà des prix indiqués par L’Express pour des ventes réalisées en septembre.
Un pari risqué de notre part? Pas du tout! Dans ce même article du mois d’août, nous avions confirmé la tendance baissière en révélant le prix du baril pour livraison en octobre! En effet, nous annoncions que le baril de Brent de la mer du Nord avait perdu 1,08% et que le prix s’affichait à 95,60 dollars.
Production excédentaire
Certes, il y a toujours le discours prépondérant des craintes d’une récession persistante. Les raisons alimentant ces craintes d’une récession mondiale ne se sont pas éloignées. Au contraire ! Mais, chez Indocile, nous sommes toujours portés à considérer la fin des négociations de l’accord sur le nucléaire iranien comme un préalable au retour du brut iranien sur le marché. C’est cette perspective qui, s’ajoutant à une plus grande disponibilité du pétrole russe, influe sur l’offre et produit la tendance baissière.
La Russie, comme on le sait, est sous le coup des sanctions internationales que lui infligent notamment les Etats occidentaux. L’Arabie Saoudite en a profité pour doubler son importation du pétrole russe car ce fioul leur sert à alimenter leurs centrales électriques. D’autre part, pour compenser ses pertes d’exportation, Moscou renforce ses ventes à destination de la Chine, de l’Inde et de plusieurs pays africains et du Moyen-Orient qui bénéficient de prix réduits. Pour prendre la mesure de cet excédent, il faut rappeler que l’OPEP a adopté, le 5 octobre dernier à Vienne, la résolution d’une baisse de la production (2 millions de barils par jour, soit 2% de la demande mondiale) afin de stabiliser les prix et maintenir leur profitabilité.
Ça ne tient pas la route
Qu’est-ce que tout ceci veut dire? En tout premier lieu, cela vient contredire le ministre Callichurn qui affirmait que « c’est maintenant que le prix mondial des carburants est en train de baisser ». Par ailleurs, Indocile annonçait dès le mois d’août le prix du baril vendu pour septembre. Et, dans le même article, alors que le ministre prétendait en septembre que son comité devait analyser les données pour établir la tendance à la baisse, nous étions en mesure de révéler le prix du Brent vendu pour la livraison en octobre!
En somme, si les Mauriciens n’ont pu profiter jusqu’ici des effets de cette tendance baissière sur le marché local, ils devraient plutôt chercher les raisons en scrutant les effets de quelques décisions désastreuses au plan diplomatique et commercial.
Comme au temps des lampes à pétrole, la grève de la faim de Nishal Joyram projette des ombres lugubres sur la productivité des PME et des TPE qui sont les plus grands pourvoyeurs d’emploi dans le pays.
En tout état de cause, le ministre Callichurn aura beau se réfugier derrière son PPC pour expliquer le cours du pétrole, dans les faits les Mauriciens se retrouvent toujours dans la mélasse!