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Le président Joe Biden a annoncé (mercredi 14 avril) le retrait définitif de toutes les troupes américaines d’Afghanistan. Les dernières troupes américaines auront quitté le pays d’ici au 11 septembre, soit au 20e anniversaire des attentats du 11 septembre 2001 qui ont précipité les États-Unis dans sa deuxième longue guerre sans victoire[1]. L’annonce formelle, la semaine dernière à la Maison-Blanche, a entraîné une décision similaire des membres de l’OTAN. Réunis ce même jour par visioconférence, l’organisation politico-militaire transatlantique s’est aussi engagée dans le principe d’une retraite sans conditions.
Ce repli de la coalition internationale des intérêts occidentaux est annoncé malgré un rapport alarmant publié la veille par le renseignement américain. « Cela revient à battre en retraite face à un ennemi qui n’a pas été vaincu, et c’est une abdication du leadership américain », a objecté Mitch McConnell, le chef des républicains au Sénat, qui qualifie cette décision d’« imprudente » et de « grave erreur ».
À quelques exceptions près, les réactions ont été relativement modérées dans le monde occidental. À Washington, l’annonce de ce retrait des troupes d’ici le 11 septembre a suscité des réactions contrastées, note le New York Times. Ce qui reflète le sentiment général vis-à-vis d’une guerre qui est passée, au fil du temps, d’une actualité brûlante à une guerre de moindre importance et oubliée par de nombreux Américains, même si elle demeure toujours mortelle.
Cette guerre néanmoins a coûté des milliards de dollars et, en outre, plus de 2 000 soldats américains et au moins 100 000 civils afghans y ont perdu la vie. Selon le Washington Post, les chiffres officiels indiquent que 2 500 soldats américains sont stationnés en Afghanistan, « même si leur nombre fluctue et qu’ils sont actuellement environ 1 000 de plus ». D’autre part, jusqu’à 7 000 membres de forces étrangères sont également présents au sein de la coalition sur place, dont la majorité sont des troupes de l’Otan.
La fin officielle de l’engagement américain en Afghanistan fait suite à un accord conclu en février 2020 à Doha, au Qatar, entre l’administration Trump et une délégation de talibans. Ceux-ci s’engageaient à entreprendre des pourparlers de paix avec Kaboul et à empêcher que des groupes terroristes internationaux comme Al-Qaida ne prennent l’Afghanistan pour base. En échange, l’ancien président des Etats-Unis, Donald Trump, avait annoncé, avant son départ, un retrait total des troupes au 1er mai 2021.
La menace des talibans
Si Joe Biden ne fait que reporter la date de quatre mois, cela ne semble pas convenir aux talibans. Ces derniers ont promis de reprendre leurs attaques contre le personnel américain et celui de l’Otan si les troupes étrangères ne quittaient pas le pays avant le 1er mai. « Nous avons dit aux talibans, sans la moindre ambiguïté, que nous répondrons avec force à toute attaque contre les soldats américains pendant que nous procédons à un retrait ordonné et sûr », a prévenu un haut responsable américain se confiant au Washington Post.
Les responsables de l’administration Biden affirment que les États-Unis ont l’intention de rester étroitement impliqués dans le processus de paix et qu’ils continueront de fournir une aide humanitaire et une assistance au gouvernement et aux forces de sécurité afghanes, qui restent presque totalement dépendants du soutien étranger. Ainsi, le Wall Street Journal explique que les forces américaines seront redéployées en Asie du Sud et en Asie centrale. « Ce qui permettra à la Maison-Blanche d’affirmer qu’elle maintient une solide capacité militaire régionale et de collecte de renseignements pour surveiller l’Afghanistan tout en mettant fin au conflit ».
Aucune condition n’a été fixée pour un retrait en date du 11 septembre. « Le président a jugé qu’une approche basée sur des conditions mènerait à rester en Afghanistan pour toujours », a déclaré le haut responsable américain cité par le Washington Post. La décision de Joe Biden fait suite à un examen des options américaines en Afghanistan par son administration, note le journal. Or, notent les journalistes du Post, « les pourparlers de paix menés par les États-Unis n’ont pas progressé comme prévu et les talibans restent une force puissante malgré deux décennies d’efforts des États-Unis pour vaincre les insurgés et établir une gouvernance stable et démocratique ».
Pour Tamim Asey, ancien vice-ministre afghan de la Défense cité par le quotidien américain, le report de la date butoir constitue un aveu d’échec : « Se retirer d’ici le 11 septembre signifie essentiellement que la politique d’‘ambiguïté stratégique’ de l’administration Biden visant à faire pression sur les parties afghanes pour qu’elles parviennent à un règlement politique ne fonctionne pas ».
En fait, les responsables afghans craignent
que la décision de Joe Biden de maintenir les troupes américaines en
Afghanistan au-delà du 1er mai ne fasse qu’augmenter la pression sur le
gouvernement de Kaboul pour qu’il libère quelque 7 000 prisonniers talibans. Le
New York Times souligne bien que c’est une demande formulée depuis longtemps par
le groupe insurgé. Ce journal rappelle qu’à l’automne dernier, 5 000
prisonniers talibans avaient été libérés, et, selon le gouvernement afghan,
nombre d’entre eux seraient retournés sur le champ de bataille.
[1] Les Américains ont fait la guerre au Vietnam durant 19 ans et quelques mois, alors que les troupes US ont déjà dépassé les 20 ans en Afghanistan.