Ce que Sherry brandit…

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« Le vrai mystère du monde, c’est le visible, non l’invisible »

Oscar Wilde

« Haute trahison » : une fois la formule lâchée, les cadors de l’Opposition se réveillaient. Bérenger était monté la veille sur le mirador avec son tromblon, pour dire que c’est Xavier-Luc Duval, en sa qualité de Chef de l’Opposition, qui avait la préséance du tir. Il était venu avec deux questions pour tirer la bestiole, comme on l’aurait fait avec le double canon d’un calibre 12. Mais à peine la première balle tirée, c’est un phacochère qui est sorti des fourrées faisant déguerpir chasseurs et Métèr Choula.

Après l’incident, toutefois, le lapin s’en prit au brave cochon-marron, accusant celui-ci de l’avoir frustré de l’occasion de tous les bouffer crus. Qui l’eût cru ? Que voilà le lapin transformé. C’est désormais un taureau, menaçant de répercussions ceux qui colporteraient des faussetés à son sujet. Mais comment démêler le vrai du faux ? Encore eût-il fallu que les gens le sussent !

On aurait pu s’amuser davantage du ridicule de cette situation si ses implications n’étaient pas tragiques pour le pays. Car, ce que Sherry Singh nous donne à voir de son « ami de longue date » est un spectacle plutôt affligeant. D’une part, il nous présente un Premier ministre qui aurait tenté de faire intercepter les données des échanges internet entrant et sortant. Et d’autre part, il se livre à un exercice de communication d’un genre inhabituel. Jusqu’ici quelques spécialistes ont su user de la technique dit du « tapis persan », permettant notamment de voir, à l’arrière du tapis, l’image ou les messages de celui qui l’a conçu. Ici, il s’agit d’une adaptation de cette technique. Car, Sherry Singh est à détricoter l’image du Premier ministre, celle qu’il a patiemment brodé. Mais plus que la mise à nu pathétique, il fait apparaître graduellement la sienne. Au pays qui se veut république, une majorité se comporte comme en monarchie… La masse est prête à scander « le roi est mort, vive le roi ».

A bien des égards, nous sommes dans une situation où Sherry Singh pousse Pravin Jugnauth à l’erreur. De toute évidence, l’ancien patron de Mauritius Telecom y parvient assez aisément, d’autant qu’il connaît bien son homme. Il sait, comme nous l’avons déjà dit nous-même, que les pires ennemis de Pravin Jugnauth sont… ses louangeurs ! Mais, est-ce bien là son objectif ? Ce pourrait bien être plutôt l’attitude défensive qui fait dire à ceux qui l’adoptent que « la meilleure défense c’est l’attaque ».

Il nous faut donc évaluer les différentes phases de la communication de Pravin Jugnauth pour nous rendre compte des éventuels dégâts à l’image de celui-ci. Ainsi, on peut se rendre compte que l’incident du parlement était loin d’être à son avantage. Au point que même Partrick Belcourt, nouveau venu en politique, dans une déclaration au quotidien Le Mauricien, affirmait que le Speaker de l’Assemblée avait rendu un mauvais service au Premier ministre. Lequel ? Celui de l’avoir figé dans l’image du « galopin qui fuit le rotin » ! Belcourt n’est pas connu pour faire des attaques personnelles, mais le voilà qui dresse un constat avec cette formule assassine. Touria Prayag, abondant dans le même sens, assène aussi son direct. PKJ viendra déclarer ensuite qu’il aura été frustré de sa réponse. Et c’est ainsi que tout s’éclaire : Pravin prend des coups parce qu’il boxe à découvert !

Les erreurs dans le camp de PKJ s’accumulent au point où Ravi Rutnah sur les ondes de Top FM fustigeait hier les conseillers du Premier ministre pour leur incompétence ! PKJ, dit-il, n’avait qu’à la boucler et tout serait oublié dans deux semaines. L’équation, cependant, n’est pas aussi générale que le prétend l’ancien MSM connu pour ses simplifications mathématiques. En revanche, que l’on mange ou non de ce pain-là, l’incompétence des conseillers est, elle, bien avérée. Au point d’avancer avec de gros sabots et convoquer aux Casernes centrales Rudy Veeramundur, l’ancien patron du GIS, dans le sillage de l’article d’Axcel Chenney sur les impayés de la société de Hans Puttur à la MBC. Mais quelle idée que de confier une opération de sauvetage à un pêcheur de millions embourbé dans la mare aux dettes !

Nous ne reprendrons pas le refrain de nos confrères de la presse mainstream pour cette théorie de la « haute trahison ». Pas à ce stade en tout cas. Car, cette antienne nous semble relever davantage des spéculations des opposants du Premier ministre. Une spéculation qui ne serait qu’une reprise paresseuse et opportuniste de cette considération évoquée par Richard Rault qui intervenait dans une tribune publiée ici même.

Nous préférons plutôt nous en tenir à ce que l’on peut constater de manière factuelle. Car, quand Sherry Singh évoque une tierce-partie étrangère, cela ne fait pas automatiquement d’un tel prestataire une puissance étrangère, ou un agent de celle-ci, au sens prévu par l’article 57 du Code pénal. C’est très important car c’est cette disposition qui fonde le délit d’incitation à la haute trahison définie par l’article 71, qui prescrit la sanction de servitude pénale en cas de culpabilité. D’ailleurs, s’il fallait considérer cette orientation, elle serait aussi dommageable pour Sherry Singh lui-même puisqu’il n’aura pas fait part dudit complot aux autorités dans les 24 heures prescrites par l’article 72 du Code pénal.

Toutefois, de notre point de vue, ce ne serait pas la seule erreur commise par Sherry Singh. Ce n’est pas parce qu’il pourrait faire une bouchée de Pravin Jugnauth qu’il faudrait gober tout ce qu’il présente. Sherry Singh a agité la muletta et Pravin Jugnauth a chargé. Le voilà invité ce soir dans l’arène Facebook de L’Express et il brandit déjà ses banderilles. Le spectacle peut commencer. Le torero prendra-t-il les oreilles du taureau ou celui d’un lapin ? Ou finira-t-il écorné ?

Il n’y a pas lieu de se presser. Cela ne se joue pas à la courte paille. Il convient de laisser son moment à notre confrère de l’Infotainment. Pour savoir qui serait mangé…

Joël TOUSSAINT


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