Cash economy

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Les paiements en cash d’un montant élevé (Rs 500 000 ou Rs 1 million) suscitent la curiosité et soulèvent des questions quant à la source de fonds et la nature de la transaction. Ne serait-il pas nécessaire, autant qu’il serait plus simple, de passer par le circuit bancaire pour payer ses vendeurs ou créanciers ? Faudrait-il interdire le paiement en cash pour une transaction donnée au-delà d’un certain seuil, disons Rs 300 000 ? Quelle est la place du « cash economy » dans une économie de marché comme la nôtre, qui veut se moderniser sans cesse sous la poussée des technologies innovantes, et qui aspire au statut de pays à revenu élevé?

Les paiements en liquide effectués pour régler des transactions commerciales ou immobilières sont un sujet d’actualité ces jours-ci. Ce n’est pas un nouveau problème. Cette pratique existe depuis belle lurette dans beaucoup de sociétés, qu’elles soient libérales ou contrôlées. Dans une économie où bien des gens n’ont pas de carte de crédit ou de carte de débit bancaire, surtout les familles à revenus modestes, il est normal que les paiements en liquide soient courants dans divers secteurs.

Les transactions en cash révèlent une problématique à laquelle toute économie fait face, celle de l’étendue des affaires qui sont en dehors du circuit bancaire et échappent donc aux contrôles régulatoires et fiscaux. Dans les pays développés, on apprend aux jeunes à l’école, dans leur cours de civisme, les rudiments de la finance personnelle, dont la nécessité d’ouvrir un compte bancaire dès leur premier salaire ou leur première rentrée d’argent. On leur conseille aussi de demander une carte de crédit auprès d’une institution financière en vue d’établir des antécédents de crédit (credit history) qui leur permettraient éventuellement d’avoir droit à un prêt ou une ligne de crédit.

La culture de l’usage de la carte de crédit est si ancrée dans ces sociétés que les gens l’utilisent même pour se payer un café à une euro ou un dollar. L’objectif ultime est de parvenir à une société sans cash (cashless society) où toutes les transactions seraient enregistrées, évaluées et catégorisées afin de mieux mesurer la consommation pour le calcul précis du Produit Intérieur Brut (PIB).

Les transactions réglées en cash posent un gros problème dans les pays en voie de développement où l’économie souterraine sévit, comptant pour 30% à 40% du PIB.

Il est évident que, dans les pays moins développés les institutions financières ne font pas assez d’efforts pour intégrer les salariés, les travailleurs indépendants et les petits entrepreneurs dans le circuit bancaire. Ces derniers n’ont aucune incitation à ouvrir un compte bancaire lorsqu’on leur impose des frais bancaires pour la gestion d’un compte. Par exemple, pour un virement bancaire de Rs 200 d’une banque à une autre, les banques prélèvent des frais de Rs 30 pour cette transaction inter-bancaire. On peut alors comprendre pourquoi les individus à faibles revenus restent en dehors du circuit bancaire. Mais cette logique ne saurait s’appliquer à ceux qui font des paiements en espèces à la limite des plafonds autorisés (Rs 350 000 auparavant contre Rs 500 000 maintenant), bien que ce soit légal. Dans le cadre de la transparence financière, il est nécessaire que les vendeurs et les acheteurs règlent leurs transactions par l’intermédiaire du système bancaire en faisant des paiements par chèque ou par virement bancaire, ce qui permettrait de les inscrire dans les livres de comptes et d’établir une piste de vérification pour une validation ultérieure.

Les transactions réglées en cash posent un gros problème dans les pays en voie de développement où l’économie souterraine sévit, comptant pour 30% à 40% du PIB. Les opérateurs dans l’économie souterraine (aussi appelée secteur informel) privilégient les paiements en cash afin de cacher leurs sources de revenu et d’éviter le paiement de taxes. Si vous allez dans certains magasins pour faire des achats ou dans certains restaurants pour vous régaler, vous vous entendez dire qu’il vaut mieux payer en liquide si vous voulez éviter la TVA de 15% sur les produits ou services. Le consommateur voulant économiser 15% de taxe sur sa facture ne résistera pas à cette option à moins qu’il ne soit un citoyen soucieux de son devoir de contribuable. C’est le vendeur qui sort gagnant dans une transaction pareille parce qu’il ne va pas enregistrer la vente dans ses livres et ne va pas déclarer les recettes de vente dans sa déclaration d’impôt sur le revenu d’entreprise. Ainsi il accumule une richesse non-expliquée.

Dans les trafics illicites, par exemple le trafic de drogue, le paiement en liquide est le moyen d’échange unique. Les trafiquants blanchissent leur argent mal gagné en achetant des propriétés meubles (véhicules, bateaux, bijoux) ou immeubles (batiment commercial, maison, campement) en payant cash, rubis sur l’ongle. La plupart du temps, les notaires ne voient pas les versements d’argent ou ne se soucient pas d’où proviennent les fonds.

Selon les modifications apportées à la loi sur le blanchiment d’argent [Anti-Money Laundering and Combatting the Financing of Terrorism (Miscellaneous Provisions) Act 2020], l’article 20 de la Notaries Act a été amendé en vue de permettre une certaine transparence dans les transactions immobilières. La nouvelle disposition exige que le notaire qui dresse un acte notarié informe les parties prenantes d’une transaction que le prix d’achat doit être payé par chèque ou par virement bancaire. C’est grâce aux pressions du Groupe d’Action Financière (GAFI) de l’OCDE, qui a placé Maurice sur la liste noire des pays à hauts risques en termes de blanchiment d’argent, que nous avons cette nouvelle disposition.

Par ailleurs, l’article 5 de la loi sur le blanchiement d’argent [Financial Intelligence and Anti-Money Laundering Act, 2002] prévoit qu’une personne qui fait ou accepte un paiement en cash supérieur à Rs 500 000, ou un montant équivalent en devises étrangères, commet un délit passible de 20 ans de prison maximum et d’une amende pouvant aller jusqu’à Rs 10 millions. Le paiement en cash d’un montant de Rs 500 000 ou moins est toujours légal. Il fallait réduire ce montant à Rs 300,000 afin de ramener plus de transactions dans le circuit bancaire.

Un système financier robuste est fondé sur la transparence dans les transactions commerciales ou financières, l’enregistrement historique des transactions dans les livres de compte, la vérification au préalable des sources de fonds, l’utilisation des méthodes de paiement fiables et un système de compensation efficace. Voilà la condition sine qua non pour que le pays sorte de la liste noire des juridictions à hauts risques en matière de blanchiment d’argent.


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