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« La lâcheté tend à projeter sur les autres la responsabilité qu’on refuse »
Julio Cortàzar
C’est Deven Teeroovengadum, l’éditorialiste du quotidien Le Mauricien qui, devançant l’ensemble de ses confrères, a pris sur lui pour incarner l’acte de contrition suite à la mort des mammifères marins qui continuent d’échouer sur les côtes du sud-est. L’événement est colossal au niveau de la presse mauricienne : c’est la toute première fois de sa carrière, qui compte déjà trois décennies, que Deven se sépare de l’humour dans un de ses dessins de presse.
C’est par le biais d’une figure de moine attristé, ceint du pagne orange du bonze très pauvrement vêtu, que ceux qui le connaissent ont retrouvé Deven T. « Pardon », c’est la seule légende qui accompagne ce dessin exprimant l’infinie tristesse d’un homme impuissant face à un cétacé mort. On aurait pu dire que ce n’est pas lui qui a fauté… Mais l’éditorialiste du quotidien Le Mauricien se montre résolu à assumer ce qui, dès qu’il y a des victimes innocentes, relève d’une contrition authentique. On aura rarement vu, dans ce métier, très justement fondé sur l’analyse et la critique des actes des puissants, un rédacteur ou un dessinateur assumer sa part d’une responsabilité collective.
C’est par le fait de chaque individu que les puissants sont à la place qu’ils sont et c’est leur responsabilité qui est engagé quand ceux-ci se montrent impuissants à prévenir le drame qui affectent les innocents. En s’y opposant concrètement, Deven T. fait ainsi résonner cette phrase de Julio Cortàzar : « La lâcheté tend à projeter sur les autres la responsabilité qu’on refuse ».
Incisif, avec parfois même un mordant à faire frémir Jacques Rivet, le patron de son groupe de presse, Deven Teeroovengadum a poussé l’art du dessin de presse jusqu’à sa toute puissance éditoriale. C’est peut-être la première fois que celui qui a croqué presque tous les personnages politiques se place lui-même dans un de ses dessins pour prononcer ce « Pardon » à la première personne. Etait-ce sa manière de faire la leçon au Premier ministre, Parvind Jugnauth, qui invitait la presse à lui indiquer où il avait pu fauter pour qu’il consente à présenter des excuses suite au désastre écologique du Wakashio ?
En prenant ainsi les devants, par rapport au monde politique ainsi que celui du monde médiatique, Deven Teeroovengadum prêche par l’exemple. Il ne sera pas de ceux à qui il faudra pointer ses responsabilités pour qu’il s’exécute ; il sera plutôt celui capable d’aller au-devant de ses responsabilités pour ces excuses que personne avant lui n’a jugé bon de présenter envers les « personnes non humaines1 » avec qui nous partageons la planète.
Et maintenant que c’est fait, notre journal s’associe à cette expression de contrition. Elle nous est salutaire, puisqu’elle nous éloigne de l’indignité des postures de la partisanerie politique.
1Le gouvernement indien a conféré aux dauphins, en 2013, le statut de “personnes non humaines”. Ce qui signifiait que ces cétacés ne pouvaient plus être maintenus captifs, interdisant ainsi les delphinariums dans tout le pays. Déjà en 2008, l’Espagne avait de son côté été le premier pays au monde à reconnaître des “droits humains” aux grands singes, nos “frères” chimpanzés et bonobos.