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C’est dans son refuge de Dubaï – où il réside depuis sa fuite du Pakistan – que l’ex-président pakistanais Pervez Musharraf, a appris qu’il a été condamné à mort par contumace pour « haute trahison ». Toutefois, le général âgé de 76 ans, et qui a présidé aux destinées de son pays de 1999 à 2008, devrait, selon toute vraisemblance, finir sa vie dans son exil doré dubaïote.
Dans l’histoire de ce pays où les militaires sont tout-puissants, il s’agit bien d’une première. Mais, fait surprenant, ce n’est pas en raison des poursuites engagées à la suite de l’assassinat de sa rivale, l’ex première ministre Benazir Bhutto, dont il est le principal suspect, que l’ex-président pakistanais a été condamné. Pervez Musharraf n’a pas été condamné non plus pour son coup d’État en 1999. C’est l’instauration de l’état d’urgence, le 3 novembre 2007 – une mesure qu’il avait dû lever un mois plus tard face au mécontentement croissant de la population – qui vaut à Musharraf cette condamnation et la sentence ultime.
Officiellement, sa décision d’instaurer l’état d’urgence avait été prise au nom de la défense de l’unité nationale face au terrorisme islamiste qui prospérait alors au cœur même de la capitale, Islamabad, et déstabilisait les zones tribales dans l’est du pays. Ses opposants ont toujours argué qu’il entendait surtout suspendre la Constitution afin d’étouffer la fronde des avocats et celle de la Cour suprême en particulier, qui devait se prononcer sur la légalité de sa réélection un mois plus tôt.
Parvenu au pouvoir par un coup d’État sans effusion de sang en octobre 1999, autoproclamé président en juin 2001, le général Pervez Musharraf a contribué, entre dérive autocratique et volonté réformatrice, à la relance de l’activité économique et à l’essor de la classe moyenne pakistanaise. On doit aussi reconnaître à cette figure emblématique de la vie politique pakistanaise des années 2000, le mérite de la politique de rapprochement avec l’Inde qui, toutefois, n’aura pas résisté à son départ.
En faisant adopter la loi de 2006 interdisant notamment les relations sexuelles avec des filles de moins de seize ans, les enlèvements de femmes et les mariages forcés, Pervez Musharraf a tenté quelque peu d’améliorer le statut de la femme. Il prenait ainsi à contre-pied un autre général, le dictateur Muhammad Zia-ul-Haq (1978-1988) qui lui considérait sa popularité auprès des conservateurs en imposant la charia. Toutefois, en échange du soutien de partis religieux, le général avait renoncé à réformer les écoles coraniques ou à supprimer la loi sur le blasphème. Aussi, si sa lutte contre le fondamentalisme religieux a toujours été ambiguë, Musharraf obtenait néanmoins un crédit non-négligeable auprès de l’opinion occidentale.
Le maître du double jeu
Musharraf donnait l’impression de s’attaquer aux djihadistes mais laissait en même temps prospérer les talibans dans les zones tribales proches de la frontière afghane. Finalement c’est sous la pression des États-Unis qu’il allait s’attaquer aux islamistes ; une démarche tardive qui allait contribuer à la fin de son mandat.
Le maître du double jeu se brouillait dún côté avec les islamistes et de l’autre avec les Américains. La population lassé aussi de sa dérive autoritaire et de sa guerre contre la Cour suprême qui s’intéressait à ses tripatouillages électoraux et constitutionnels, s’est finalement tourné vers l’opposition. Le président, sans doute lâché par l’armée, préférait démissionner en août 2008, précipitant le retour des civils au pouvoir .
En mars 2013, Musharraf tentait de revenir dans le jeu politique, mais il faisait face à de multiples poursuites judiciaires au Pakistan. Placé en résidence surveillée, il a réussi à quitter le pays en mars 2016. En invoquant des soins médicaux à Dubaï, et en promettant de revenir ensuite pour faire face aux juges. Il s’est bien gardé de les affronter jusqu’ici.