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Jean-Claude de L’Estrac, l’ancien ministre des Affaires Etrangères et passé secrétaire-général de la Commission de l’Océan Indien (COI), s’inquiète de la manière de faire du gouvernement mauricien sur la gestion du différend entre Maurice et la Grande Bretagne sur le dossier des Chagos. « Je ne sais pas jusqu’où ça ira, mais ce que je crains davantage, ce sont les Etats-Unis », affirmait-il lors d’une entrevue accordée à Radio Plus. L’ancien chef de la diplomatie mauricienne estime que Maurice se compromet en adoptant un jusqu’au-boutisme qui ne laisse plus de place à la diplomatie.
« J’estime que la résolution de Maurice est tactiquement mal libellé, en cela qu’elle fixe une date butoir pour le départ des Britanniques à l’horizon de six mois. Tout le monde verra bien que dans six mois il ne se sera rien passé. On se tire dans les pattes ! », avance Jean-Claude de L’Estrac. L’ancien ministre des Affaires Etrangères se dit persuadé que la question des Chagos a été abordée lors de la récente visite de Donald Trump dans la capitale britannique. « Je suis prêt à mettre ma tête sur le billot que la Grande Bretagne a donné des assurances aux Américains, qui sont leurs alliés privilégiés, que rien ne changera », dit-il.
« Maurice a légitimement le droit de se battre pour faire reconnaître ses droits, d’autant qu’elle s’appuie sur le droit public international. Mais il y a une manière de faire les choses. Surtout avec un pays comme la Grande Bretagne », considère Jean-Claude de L’Estrac.
Evoquant l’héritage légué au bout de 150 ans de colonisation dans le domaine parlementaire, juridique et nos valeurs en matière de démocratie, de L’Estrac estime que cela crée des « relations intimes ». « Même si nous avons des désaccords et que ces désaccords sont sérieux et graves, nous les affirmons. Mais il y a une manière de faire. Donc je ne suis pas étonné. Et je pense que ce n’est que le commencement », déclarait-il au sujet du froid diplomatique qui a valu l’annulation de la célébration à Maurice de l’anniversaire de la reine par l’ambassade britannique.
Pour l’ancien chef de la diplomatie mauricienne, les votes en faveur de la motion mauricienne pour la reconnaissance de la souveraineté de l’Etat mauricien sur l’archipel des Chagos fait partie des « victoires stériles, qui n’aboutissent à rien de concret ». Car, dit-il, « nous savons qu’une résolution de l’Assemblée Générale (des Nations Unies) n’est pas contraignante ».
Pour de L’Estrac, la position des Anglais est connue depuis 1965 et il n’y a rien de nouveau au fait qu’elle maintienne ses positions au sujet de la constitution des British Indian Ocean Territories (BIOT). En vertu de sa connaissance du dossier, pour avoir fait état dans son livre des documents publiés en Angleterre en relation à ce dossier, il a la conviction que les Anglais et les Américains ne bougeront pas et ne changeront pas de vue.
« En revanche, je suis persuadé – et encore, il y a du travail à faire – que l’on pourrait peut-être obtenir la rétrocession des autres îles faisant partie de l’archipel en nous appuyant notamment sur un précédent », avance-t-il. Il fait notamment référence aux trois îles placées dans les BIOT qui furent rétrocédées aux Seychelles en 1976.
Plutôt que les discours va-t-en-guerre, l’ancien ministre des Affaires Etrangères estime qu’il aurait fallu aménager une voie de sortie à la Grande Bretagne, notamment en proposant à celle-ci la rétrocession des autres îles. Pour lui qui a toujours privilégié la voie diplomatique et la négociation, l’approche la plus productive serait que : « Pour Diego Garcia, allons nous mettre d’accord que nous ne sommes pas d’accord, mais nous n’y pouvons rien. Malheureusement c’est la loi du plus fort, mais vous n’avez pas besoin des autres îles… Si la Grande Bretagne acceptait de négocier la rétrocession des autres îles, elle ferait la démonstration qu’elle n’est pas restée inerte. Pour nous, ce ne serait pas une victoire totale ; ce serait une demie-victoire, mais elle serait significative ».