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■ AYUSH vivement critiqué pour ses prescriptions de médecine traditionnelle
■ Le gouvernement interdit l’exportation de masques et de combinaisons de protection
L’État du Kerala a confirmé son troisième cas d’infection sur les 2 200 personnes confinées en quarantaine après avoir été identifiées comme personnes à risque. Alors que les cas diagnostiqués au Kerala relèvent de l’activation d’un protocole déjà élaboré depuis l’épisode désastreux du Nipah, à New Delhi, le ministère régissant les pratiques de la médecine traditionnelle, en l’occurence Ayurveda, Yoga & Naturopathie, Unani, Siddha, Sowa Rigpa and Homoeopathie (AYUSH), a essuyé une vague de protestations, dont les plus véhémentes émanant de la Indian Medical Association, suite à ses prescriptions « préventives » eu égard au coronavirus.
L’Indian Medical Association (IMA) qui compte plus de 300 000 médecins s’est montré extrêmement critique du ministère AYUSH qui avaient prescrit ds concoctions d’herbes médicinales et la prise d’une solution à base de trioxyde d’arsenic. Par le passé, cette solution, proposée par les homéopathes en version très diluée, a entraîné des cas d’empoisonnement à l’arsenic par négligence.
Cette prescription a rapidement été relayée sur les réseaux sociaux dépassant même les frontières de l’Inde par le biais de la vaste diaspora indienne de par le monde. Pour le Dr. RV Asokan, secrétaire général de l’IMA, « Nous pensons surtout que le ministère de l’AYUSH qui rend publiques de telles recommandations pour une épidémie d’une telle portée mondiale, est immature, prématuré et irresponsable – en particulier à un moment où il s’agit d’une urgence de santé publique et le premier cas est déjà signalé dans le Kerala et que l’Inde se retrouve déjà déchirée ».
Le gouvernement indien a décidé vendredi d’interdire l’exportation de matériels de protection dont les masques et les combinaisons sanitaires. Cette mesure, qui n’a fait l’objet d’aucune explication officielle jusqu’ici, survient au moment où l’État du Kerala confirme son troisième cas de coronavirus. Les autres États de l’Inde s’inspirent en ce moment même des mesures prises au Kerala où les autorités sanitaires sont parvenus à des dépistages rapides grâce à un protocole rigoureusement appliqué.
L’exemple du Kerala
Contrairement à la plupart des États qui ont davantage de médecins dans les zones urbaines, le système de santé publique rurale du Kerala (et aussi celui du Tamil Nadu) n’a pas de postes vacants. L’investissement dans les infrastructures de santé publiques et de gouvernance décentralisée (durant des décennies et par tous les régimes politiques) ont créé un vaste réseau de centres de santé primaires au niveau des villages. Le Kerala a surtout développé sa capacité à gérer les épidémies après la crise du virus Nipah, qui avait fait 16 morts parmi les 18 cas diagnostiqués dans cet Etat.
« Pendant l’épidémie de Nipah, même si nous avons identifié le virus avec le deuxième cas, nous n’avions aucune expérience dans le traitement des cas avec une mortalité aussi élevée qui sont aussi hautement infectieuses », expliquait le Dr Anoop Kumar, le chef de la médecine des soins intensifs à Kozhikode’s Baby Memorial Hospital à des journalistes du sud-est asiatique. Âgé aujourd’hui de 49 ans, le Dr Anoop Kumar est celui qui avait identifié le virus du Nipah permettant, par la suite, d’établir les procédures qui sont aujourd’hui appliquées dans le cadre d’un protocole qui intègre la surveillance, le diagnostic et la prévention.
Sous ce protocole, le Kerala est en mesure de se mettre en état d’urgence sanitaire, ce qui permet à son ministère de la Santé de réquisitionner les ressources et les infrastructures de l’État pour mener à bien ses multiples missions. Au nombre de ces réquisitions, le recours à des anciennes compétences, même si ceux-ci pourraient être à la retraite, afin d’identifier les faiblesses dans certains fonctionnements du passé.
Ainsi, M. Rajeev Sadanandan, l’ancien secrétaire à la Santé qui avait dirigé la réponse du Kerala au virus Nipah, expliquait : « Franchement, il y avait deux choses embarrassantes dans l’expérience Nipah. (1), nous avons manqué le test de l’indice. La première personne qui s’est présentée avec les symptômes est morte avant que son échantillon puisse être recueilli. (2), beaucoup d’infections se sont produites en milieu hospitalier. Les deux ne sont pas des signes d’un bon système de santé », expliquait M. Sadanandan, qui préside maintenant la recherche sur les systèmes de santé au Conseil indien de la recherche médicale.
L’approche du Kerala diffère singulièrement des systèmes de santé où les administrations prétendent à une perfection irréaliste, plus particulièrement quand les responsables politiques s’en mêlent. A Maurice par exemple, les possibilités de révision des processus sont anéanties du fait que les ministres s’estiment en devoir de convaincre que « tout est sous contrôle », « tout est prêt pour », « tout a été fait ». Une approche potentiellement mortifère.