​Et la responsabilité, bordel de merde?

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Que le Premier ministre compte se prononcer sur l’affaire Tarolah à l’issue d’une enquête sur ce qui se serait vraiment passé pour que le député se retrouve concerné par un film qui a fini par être publié par deux journaux et sur la toile, c’est cela, à notre sens, le véritable scandale. Serait-ce donc là le job d’un Premier ministre que de se poser en Tartufe-en-chef et faire vérifier ce qui n’a pas à l’être ? Serait-ce donc le job de la National Security Service que d’aller renifler les bobettes des députés et les petites culottes des conseillères ? A l’opposé, ce qui, de notre point de vue, paraît délictuel, c’est qu’il y ait des individus qui se croient autorisés à s’improviser paparazzi et, ainsi à prendre un individu en filature, à le filmer et à en proposer la diffusion à des journaux. Et qu’il y ait effectivement des journaux à considérer que c’est de la matière publiable nous indique autant la culture de la presse que celle qui prévaut dans le monde de la partisannerie politique.

Depuis la diffusion de ses vidéos étalant ses hardiesses suggestives, l’ex-PPS Tarolah est passé dans l’opinion comme l’archétype du politicien lubrique. Les allégations de harcèlement et de trafic d’influence associées à la diffusion de ses messages vidéo sont vite passées à la trappe. Et une fois hors de portée de la police et de l’ICAC, la Speaker de l’Assemblée nationale, bien entendu soucieuse de maintenir l’équilibre des forces, entreprit d’égrener les quelques observations justifiant qu’elle puisse admonester l’inconscient. Bref, face aux assauts des députés de l’Opposition bien déterminés à exploiter la brèche dans l’édifice du MSM, la Maya avait su garder la maison close…

Tarolah revient donc au centre des controverses lorsqu’il est filmé cette fois dans ce qui semble être un rendez-vous avec Manisha Jhankur, la vice-présidente du Conseil de district de Montagne Blanche. Une vidéo qui aboutit à une scène montrant une intrusion dans un champ de canne d’Alteo et l’intervention d’un gardien qui finit par accorder un laisser-passer. C’est tout ce que le visionnage du clip permet de constater mais, d’autant plus qu’il ne montre pas davantage, c’est suffisant pour déclencher les ragots. Car, il y a un certain nombre de conditions qui s’y prêtent : en premier lieu, le personnage de Tarolah lui-même qui est devenu l’incarnation du politicien aux penchants sexuels effrénés. Il y a aussi le fait que Maurice soit demeuré un grand village avec une population gavée, d’une part, de partisannerie politique et, frustrée, d’autre part, par une sexualité hypocrite issu du pouvoir castrateur des prêcheurs de multiples confessions. Mais il y a, par dessus tout, la volonté manifeste de Pravind Jugnauth de passer pour le vertueux dans le registre de la prétendue moralité en vue d’apposer un contraste par rapport à Navin Ramgoolam, l’ancien Premier ministre dont la notoriété est aussi associée à une sexualité débridée.

La communication obstinée de Pravind Jugnauth sur cette comparaison lui a même valu la déconvenue d’avoir sa femme et ses filles prises pour cible dans la réaction partisane. Mais visiblement rien n’arrête les ardeurs obsessionnelles des conseillers et praticiens ès-démagogie. Et puis, pourquoi s’arrêter quand le patron lui-même se plait à donner dans la représentation du Tartufe ?

Quoi qu’il en soit, Pravind Jugnauth n’aurait pas poursuivi dans cette voie si cette communication ne lui rapportait pas des dividendes. Car, ce positionnement est assujetti de la condition que la presse en fasse état de telle sorte à alimenter la conversation sur les réseaux sociaux, comme dans les clubs du troisième âge et les associations féminines. Et nous en sommes aujourd’hui au point où la presse généraliste vient allègrement prendre place au bord des bassins où pataugent les cochons. Et Pravind Jugnauth estime pouvoir marcher au-dessus des eaux putrides pour que des colonnes s’élève une prose à la gloire d’une nouvelle figure messianique…

C’est en s’autorisant cette confusion des genres que la presse produit le cadre propice au développement de toutes les démagogies dont le personnel politique est capable. Car, il n’y a d’autre pertinence à cette vidéo que son potentiel suggestif sur ce qu’un homme et une femme pourrait bien faire dans une voiture qui s’oriente dans un champ de cannes. Et là, même si M. Tarolah et Mme. Jhankur auraient seulement roulé une ou deux graines de quelque chapelet, à l’aune du qu’en-dira-t-on, c’est la discrétion même de leur prière qui les vouerait aux gémonies. La pertinence de cette vidéo c’est de livrer les deux individus au lynchage médiatique à des fins partisans.

Il y a, dans ce type d’affaires, un discours que les responsables politiques et les responsables de publications ne parviennent pas à tenir. A savoir que même si Tarolah serait un talentueux bouffeur de minou ou un minable compulsif de la quéquette, cela n’autorise personne à le soumettre à un guet, à  ce qu’il soit pris en filature et filmé. Ce n’est pas parce qu’il serait payé des deniers publics, qu’il n’a pas le droit de donner rendez-vous à une femme autre que la sienne, qu’il puisse s’agir de récupérer des T-shirts ou pour en assurer l’essayage. Et même si les deux auraient satisfait ensemble quelque besoin pressant, Tarolah n’a pas à rendre compte de ce qu’il fait de sa braguette sauf éventuellement à son épouse, et le principe vaut pour Mme. Jhankur.

En somme, il s’agit de pouvoir dire que Tarolah a parfaitement le droit de brouter la foufoune à autant de femmes qui souhaiteraient s’ouvrir à lui. Les femmes de ce pays ont autant de droits d’ailleurs et, tant qu’il s’agit d’adultes consentants à jouer à touche-pipi, l’Etat, et la police en particulier, n’a pas à y foutre son nez. Car, dès lors, le sexe ne se conformerait plus à ce que l’on désigne fort justement comme des « parties privées ».

Mais cela, que l’on soit des média ou de quelque regroupement de fatras, on ne parvient pas à le dire. Parce que lorsqu’on n’assume pas soi-même ses responsabilités, comment oser rappeler une population à ses devoirs élémentaires et à ses responsabilités ? Comment oser dire à celle-ci que les questions qu’elle se pose au sujet des Tarolah, Gayan, Collendavelloo, et autres Ganoo et Ramgoolam la condamne elle-même en premier lieu ? Car, ces gens-là ne sont pas des « koukounndi », les fameux « dizef loraz », ces champignons qui apparaissent après la pluie. S’ils sont des députés, c’est bien parce qu’ils ont été élus par une majorité qui les considéraient dignes d’occuper ces fonctions. Ce ne sont donc pas ces attentes de prétendue vertu qui vont nous prémunir de ces individus qui n’affichent aucune tristesse et encore moins de contrition. A cette hypocrisie, il faudrait, au contraire, pouvoir assurer à ceux qui affichent leur tartuferie vertueuse que celle-ci n’accorde aucun mérite particulier mais indique seulement le besoin de gratification d’un porc castré ou retenu par son sur-moi freudien.

Si un paltoquet, ou quelque substitut au poste de Premier ministre, estime que les agents du service des renseignements de l’Etat mauricien ont pour vocation de renifler les parties privées des citoyens, c’est certain que ça va sentir la merde ! Ainsi, que l’on se complaise dans la facilité de la démagogie, plutôt que d’en assumer le refus, nous fait réaliser pourquoi le vote merdique tend à se généraliser.

Joël TOUSSAINT


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